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[Animation] Récits d'Invention #6 : Vous avez le cœur lourd...
Par RaphaelLeMeurdeBretagne#7866 - ANCIEN ABONNÉ - 18 Avril 2019 - 15:00:00
Vous avez le cœur lourd en pénétrant dans l’étude notariale de Maître Thierry Tage. Vous êtes conduit dans une grande salle où de nombreuses chaises sont disposées en face d’un pupitre surélevé. Tout un lot de personnes discutent, se disputent, ou bien encore s’ennuient fermement.
Après quelques dizaines de minutes, le brouhaha s’estompe enfin lorsque le notaire Maître Thierry Tage, un vieux koalak rabougri, se hisse sur son bureau muni d’une machine à écrire. Il arbore une mine solennelle.
« Si je vous ai convoqués ici aujourd’hui, c’est en raison du testament du regretté Monsieur Charançon qui nous a quittés à l’âge de 82 ans la semaine dernière. Chacun d’entre vous a, à sa manière, pu connaître M. Charançon durant sa longue vie de collectionneur, parsemée de multiples aventures aux quatre coins de Terra Amakna, et de… hum bref. »
Le notaire enfila ses lunettes rondes pour mieux décrypter sa propre écriture.
« Dans ses dernières volontés, M. Charançon a formulé ceci : « Je lègue les pièces maîtresses de ma collection, mes trois anneaux fétiches, ainsi que mon Karne, aux gens qui ont contribué à bâtir ma formidable collection d’objets rares et insolites. Les récompenses reviendront à ceux qui feront le récit le plus authentique et palpitant d’un objet qu’ils m’auront aidé à récupérer. La qualité des histoires sera jugée par les membres de ma famille. » »
D’un geste poli, Maître Thierry Tage désigna le banc sur lequel étaient alignés plusieurs membres de la famille Charançon, plus ou moins affectés par la disparition de leur proche.
« Il s’agit donc de clauses assez… inhabituelles, mais il convient de respecter les derniers souhaits de M. Charançon. Tous les objets de la collection ont été rassemblés dans la chambre forte ici-même, ainsi vous aurez l’occasion de présenter directement l’objet qui vous concerne. »
Du haut de son perchoir, le vieux koalak observa la famille et les invités, attendant que quelqu’un se plie à l’exercice de M. Charançon.
Un jeune Osamodas d’une vingtaine d’années se leva de son siège, alla au coffre, le fouilla un moment et en sortit un gantelet jaune. Il vint ensuite derrière le pupitre, puis se tourna vers les invités et leva le bras en l’air pour mettre le gant en évidence. Lorsque tous les regards se posèrent sur l’objet, il déclara :
« Bonjour à tous ! Je suis Marc Hingol, un des anciens amis de Monsieur Charançon, qui était, comme vous le savez sans doute, un grand fan de boufbowl. C’est donc pour cette raison que j’ai pris ce gantelet des Tofus Virevoltants, qu’il avait reçu après un match auquel il avait assisté. Comment l’avait-il obtenu ? Eh bien, c’est ce que je vais vous raconter !
Comme j’avais la même passion pour le boufbowl que Monsieur Charançon, lui et moi aimions aussi bien pratiquer ce sport qu’aller regarder des matchs dans les stades. Il y avait d’ailleurs un terrain de boufbowl où nous nous rendions occasionnellement pour y jouer ensemble avec un groupe d’amis et où nous essayions de marquer dans le but de l’adversaire. Dans les deux équipes adverses, formées chacune de cinq joueurs, tout le monde avait un rôle précis : il y avait un capitaine d’équipe, deux attaquants ainsi que deux bloqueurs qui possédaient un bouclier. Parmi les deux attaquants, nous avions un sprinteur qui portait des bottes spéciales et un lanceur qui avait revêtu un gantelet comme celui-ci. Généralement, Monsieur Charançon et moi étions dans la même équipe : lui jouait le rôle de lanceur tandis que j’officiais comme bloqueur et veillais à ce que la boufballe ne franchisse jamais la ligne du but !
Pour déterminer qui devait commencer à jouer, les deux capitaines devaient se départager en jouant à Pierre-Feuille-Ciseaux et le gagnant remportait l’engagement. Débutait alors un match acharné entre les deux équipes où tous les coups étaient permis, même la triche ! Il y avait bien sûr un arbitre qui était là pour veiller au bon déroulement de la partie et qui n’hésitait donc pas à intervenir lorsque cela lui semblait nécessaire, par exemple en cas de fautes ou d’hors-jeu ou encore lorsqu’un joueur souhaitait le corrompre ».
Marc fit ensuite passer son gantelet à ses auditeurs, pour qu’ils puissent le toucher et le voir de plus près. Ceux-ci purent alors remarquer qu’il était marqué d’une signature : il s’agissait d’une dédicace de Gusto Foune, le capitaine des Tofus Virevoltants, une équipe de boufbowl qui s’était fait connaître à une certaine époque. Une fois que tout le monde put voir l’objet, l’Osamodas le récupéra, puis reprit son récit :
« Je vais maintenant en venir à l’histoire de ce fameux gantelet. Comme vous avez dû vous en douter en voyant le nom inscrit dessus, Monsieur Charançon aimait bien se rendre dans les stades pour admirer les Tofus Virevoltants, ses joueurs préférés ! Il avait d’ailleurs toujours rêvé de rencontrer en chair et en os les membres de cette équipe et peut-être même de repartir avec un objet dédicacé ! Un jour, nous nous rendîmes au stade de Bonta pour assister à un grand match qui opposait l’équipe favorite de Monsieur Charançon aux Wabbits Affamés, dont les joueurs étaient réputés pour leurs talents de stratège.
Nous nous étions placés au premier rang, ce qui faisait que nous pouvions voir la scène de très près, comme si nous la vivions ! Monsieur Charançon avait d’ailleurs revêtu sa plus belle tenue de supporter qui consistait en un bonnet imitant une tête de tofu, une écharpe à plumes, un short jaune, des chaussures en pattes de tofu, ainsi qu’une chemise ornée d’un jaune d’œuf. Les supporters des Wabbits Affamés, quant à eux, étaient facilement reconnaissables par leurs oreilles de Lapineuse accrochées sur leur tête, leur queue en pompon, ainsi que leurs cawottes, réelles ou factices.
Après de nombreuses minutes d’attente, les deux équipes arrivèrent enfin sur le terrain et furent acclamées par leur public enthousiaste. L’arbitre fit alors signe aux deux capitaines de se rapprocher, puis, lorsque ces derniers furent face à face, ils jouèrent à Pierre-Feuille-Ciseaux pour tenter de remporter l’initiative et ce fut Oscar Hotte, le meneur des Wabbits Affamés, qui gagna. Cela ne plut pas à Gusto Foune, son adversaire, qui comptait bien récupérer le ballon ! L’arbitre remit ensuite la boufballe à Oscar, puis donna un grand coup de sifflet et laissa le chanceux s’élancer à grande vitesse sur le terrain. Il n’eut cependant pas le temps de parcourir de longues distances car la balle fut rapidement confisquée par le sprinteur des Tofus Virevoltants. Furieux, les opposants bondirent sur l’individu et ce dernier, submergé, n’eut pas le temps d’esquiver. Mais les braves emplumés n’avaient pas dit leur dernier mot et conjuguèrent leurs efforts pour reprendre leur dû, dans une lutte acharnée. Ainsi, la boufballe continua de passer de mains en mains et d’une équipe à l’autre, fusant de tous les côtés, sans que personne ne parvienne à marquer. Il était d’ailleurs difficile de prévoir l’issue du match, étant donné que les deux équipes avaient leurs points forts et leurs défauts : les Tofus Virevoltants avaient une bonne défense mais un mauvais lanceur, tandis que les Wabbits Affamés avaient un très bon lanceur mais de mauvais bloqueurs.
Au bout d’une demi-heure, Gusto parvint tout de même, sur un coup de chance, à marquer un premier but, ce qui donna l’avantage à son équipe. Monsieur Charançon, tout joyeux, cria avec les autres supporters pour acclamer ses joueurs fétiches ! Voyant que le match était mal parti pour eux, les adversaires décidèrent alors d’avoir recours à la triche pour rattraper leur score. Oscar avait justement prévu une bonne réserve de kamas pour pouvoir corrompre l’arbitre, qui laissa donc le champ libre aux manigances des Wabbits Affamés et donna même quelques difficultés à leurs rivaux en les accusant injustement d’un bon nombre de fautes. Dans ces conditions, il ne fallut pas longtemps aux tricheurs pour saisir la bonne occasion et envoyer la boufballe dans le but adverse, leur permettant ainsi d’égaliser. A cet instant même, le visage de Monsieur Charançon se crispa et devint plus inquiet : son équipe allait-elle s’en sortir ? La question méritait d’être posée car dans les minutes qui suivirent, la situation ne s’améliora pas pour les Tofus Virevoltants. Pire encore : elle ne faisait que s’aggraver !
En effet, plus le temps passait et plus les Tofus Virevoltants semblaient s’épuiser. Ils résistaient tant bien que mal pour empêcher un autre but de l’équipe adverse, mais ils ne parvenaient pas à saisir une occasion pour marquer. La situation continua encore longtemps sans que personne ne parvienne à prendre l’avantage. Pour compliquer le tout, à quelques minutes de la fin du match, le lanceur des emplumés eut une douloureuse entorse au poignet après un accrochage avec un attaquant et il n’y avait personne pour le remplacer. Alors que les Wabbits Affamés se voyaient déjà remporter la partie, une idée me vint à l’esprit. D’un coup, je pris le bras de Monsieur Charançon et le levai en l’air, avant de crier : « Il veut le remplacer ! C’est un bon lanceur, faites-lui confiance ! ». En entendant cela, les concurrents furent tout autant surpris que mon ami, qui ne s’attendait pas du tout à ce que je le mette dans une telle situation. Les Tofus Virevoltants hésitèrent un moment avant de prendre une décision, puis, voyant qu’ils n’avaient pas d’autres alternatives, ils acceptèrent de laisser sa chance à Monsieur Charançon. Ce dernier, fou de joie, courut hors des gradins pour aller rejoindre son équipe et, après avoir revêtu sa combinaison sportive, il fut fin prêt à en découdre avec l’adversaire. Il était fier de jouer en compagnie de ses idoles et voulait tout faire pour être digne d’eux ! Les Wabbits Affamés, quant à eux, rirent aux éclats lorsqu’ils virent que leurs opposants étaient désespérés au point de faire appel à l’un de leurs supporters.
Après quelques instants d’interruption, le match reprit puis le lanceur de l’équipe adverse commença directement son offensive en lançant la boufballe de toutes ses forces mais heureusement, celle-ci fut interceptée à temps par un des bloqueurs. La balle était désormais dans le camp des Tofus Virevoltants et Gusto en profita pour s’en emparer et foncer en ligne droite vers le but : c’était l’occasion ou jamais ! A ce moment, les attaquants ainsi que les défenseurs adverses se précipitèrent tous vers le capitaine pour tenter de lui confisquer sa balle en l’encerclant et Gusto, craignant d’être pris au piège, se retourna pour voir à qui il pouvait passer la boufballe. C’est là qu’il aperçut Monsieur Charançon, qui l’avait suivi de près durant sa course ! Dans un acte désespéré, le capitaine lança sa balle à mon ami, qui la prit au vol et s’élança vers l’objectif à toute allure. Face à ce grand moment de suspense, je me levai pour encourager Monsieur Charançon et je ne fus pas le seul, car de nombreux autres supporters se joignirent à moi ! Les Wabbits Affamés, voyant que la balle avait changé de mains, poursuivirent mon ami, qui accéléra la cadence et fut bientôt rejoint par ses coéquipiers, qui se jetèrent sur les adversaires pour les ralentir. Hélas, deux d’entre eux parvinrent à s’échapper et se placèrent juste devant Monsieur Charançon pour lui barrer la route. La situation était tendue, car il ne restait plus qu’une minute avant la fin du match, mais cela ne découragea pas le sportif, qui prit son élan et lança la balle au-dessus des deux individus. Celle-ci, après être restée quelques instants dans le ciel, franchit la ligne de but avant de tomber à terre, donnant ainsi la victoire aux Tofus Virevoltants ! Ces derniers, fiers de l’exploit de leur plus grand fan, le portèrent sur leurs épaules pour le montrer à la foule en liesse, qui l’acclama. Ce n’était pas la même ambiance chez les Wabbits Affamés, qui étaient honteux d’avoir perdu à cause d’un simple fan un peu trop motivé.
Lorsque les Tofus Virevoltants reçurent la coupe de la victoire, Gusto sortit de sa poche un gantelet jaune, qu’il signa puis donna à Monsieur Charançon, pour le récompenser de son aide précieuse. Ce gantelet avait une valeur symbolique pour le capitaine, car il s’agissait de celui qu’il portait lorsqu’il n’était encore qu’un jeune lanceur dans l’équipe qu’il mènerait plusieurs années plus tard. Il le portait toujours sur lui lors de chacun de ses matchs, pour que cela lui rappelle ses débuts et l’encourage à progresser. Gusto estimait désormais qu’il était temps que cet objet soit transmis à un lanceur de grand avenir en qui il voyait un certain potentiel. C’est ainsi que, depuis ce jour, Monsieur Charançon garda toujours fièrement ce gantelet dans sa collection ! »
Une fois son récit achevé, Marc enfila le gantelet sur sa main droite puis se dirigea vers son siège. En le voyant repartir, le vieux koalak toussa et lui demanda de reposer l’objet. Le jeune Osamodas s’exécuta et remit immédiatement le gant dans le coffre puis alla s’asseoir à côté des invités, attendant que d’autres racontent leurs souvenirs. Il était pressé de découvrir de nouvelles anecdotes, voire de nouveaux objets loufoques !
Assis face aux invités, le jeune garçon baillait à s'en décrocher la mâchoire. Le dénommé Marc venait de reposer le gant des tofus virevoltants et rejoignait tranquillement son siège.
Il paraît bien jeune pour avoir connu papi celui-là, pensa-t-il en l'observant se rasseoir du coin de l'oeil. On dirait qu'il a mon âge, ça en plus du fait qu'il a "oublié" de reposer le gant.
Le jeune homme remua sur son banc en bois pour détendre ses muscles endoloris puis observa la salle : elle était remplie. Il gémit en silence. L’après midi allait être interminable. Comment son grand-père pouvait-il être lié à autant de personnes ? Pendant quelques instants, il sembla que personne n’osait prendre la suite, mais soudain un vieillard se leva avant d’annoncer d’une voix forte :
- Bien, à mon tour alors !
Le vieil homme quitta difficilement la rangée de chaises et manqua de s’effondrer sur le sol, mais fut heureusement rattrapé par un Écaflip aux réflexes affûtés. Il le remercia grandement, puis s’avança vers le coffre sous le regard plissé de maître Thierry Tage. Arrivé devant, il posa un genoux à terre puis entreprit de fouiller l’immense malle, ce qui lui prit quelques minutes. L’attente devint presque gênante, mais finalement l’homme figea son bras et un sourire empli de nostalgie apparut sur ses traits. Ses lèvres bougèrent pour lui même mais le garçon parvint à lire ce qu’il disait :
- Bien sûr que tu l’as toujours, mon vieil ami.
Il posa ses mains calleuses sur ses genoux avant de se relever difficilement en prenant appui dessus, puis se retourna et fit face à l’assistance. Il leva une main bien haut, dans laquelle flottait doucement un ruban rouge paré de motifs fleuris.
- Bonjour à tous, amis de Charançon. Je m'appelle Tarn. Que ferait un vieillard comme moi de cette récompense pensez-vous ? (il désigna les piédestaux au fond de la salle). Rien, en toute honnêteté. En réalité je ne viens pas vous voler la vedette, seulement vous raconter ce qui a peut être déclenché cette si vive passion pour la collection que nous connaissions tous à notre ami commun.
"Lui et moi sommes amis d’enfance, et nous venions d’un village perdu en rase campagne, Chabrok. La vie était simple, mais jamais ennuyante, en tout cas pas avec lui. Plus nous grandissions, plus je savais qu’il finirait par partir, je ne saurai dire s’il était un aventurier, mais il n’était pas homme à rester au même endroit toute sa vie. Mais en attendant que ce jour arrive, je profitais de sa présence, et nous trouvions toujours de quoi nous amuser. Ainsi, nous nous lancions constamment des défis lui et moi, grimper le plus vite à un arbre, plonger dans le lac, tondre un bouftou, quoique ce défi on ne l’a fait qu’une fois !"
La remarque fit rire plusieurs personnes dans la salle.
- Enfin bref, les années passaient et nous devînmes adolescent. Mais les défis ne s’arrêtèrent pas pour autant non, simplement, les désirs des jeunes hommes que nous étions orientèrent quelques peu les consignes, si vous voyez ce que je veux dire, fit-il avec un clin d’oeil entendu.
"Nous nous retrouvions souvent à la taverne du coin pour boire une bonne chope de bière Amknéenne, et un jour nous l’avons vu. Elle était magnifique, une Féca aux cheveux sombres qu’elle tenaient attachés en deux nattes qui reposaient sur ses épaules. Je vous assure, on était entrain de boire et on s’est tous les deux étouffés !"
Le souvenir le secoua d’un rire contenu mais cela semblait lui faire autant de mal que de bien. Il se tenait les côtes et son visage mêlait grimace et sourire.
- Je la contemplais mais jamais je n’aurai osé aller lui parler. Tout le contraire de mon ami. Je n’avais pas fini d’essuyer la table salie que déjà il était allé la rejoindre. Impossible pour moi d’ignorer une si belle occasion de vaincre ma timidité et je me joignis à la discussion. Quel charmeur ce Charançon ! Elle fut immédiatement séduite par notre joie de vivre, de la sienne mais de la mienne également je dois dire, et très vite, nous formions un trio. Les semaines passaient, puis les mois jusqu’à ce qu’un défi lancé par arrogance nous fasse entrer en duel pour obtenir son affection. Oh ne faîtes pas cette tête ! C’était simplement un duel fierté et je crois que jamais nous ne sommes autant donné, mais il n’y avait absolument aucune hostilité.
Le vieillard reprit calmement son souffle, il n’avait visiblement pas l’habitude de parler autant.
- Toujours est-il qu’il fallait nous départager. Nous adorions tout deux le boufbowl et je suis heureux de voir que cette passion ne l’a jamais quitté (il posa un regard entendu sur l’Osamodas qui avait raconté la précédente histoire). Impossible cependant d’effectuer un duel sérieux sur ce sport. Nous avons réfléchi une journée entière et avons finalement décidé d’une course de bateau ! Nous avions un lac pas loin de chez nous, percé en son centre par un immense rocher. C’était d’ailleurs notre fameux plongeoir lors de nos confrontations aquatiques. Enfin bref, le défi était une course, un simple aller-retour autour du monolithe en partant de la berge. La confection des radeaux nous prit une bonne semaine mais jamais nous ne nous étions autant amusés, aidant l’autre à confectionner son œuvre sous le regard charmé de notre arbitre féminin, flattée qu’on se donne autant de mal pour s’attirer ses faveurs.
"Et puis le jour J arriva, nous avions travaillé d’arrache pied la veille à la ferme pour obtenir une après-midi de libre. Le soleil frappait la terre comme rarement et nous étions en nage simplement pour avoir placé nos radeaux sur la rive. Prêt au départ, nous attendions son signal, qu’elle donna d’une voix forte qui fit s’envoler les oiseaux alentours. Le sable de la plage explosait sous nos pieds tandis que nous bandions nos muscles au maximum pour gagner le plus d’élan possible. J’eus une légère avance au départ, mais bien vite il me rattrapa grâce à des coups de rame expert. Déjà nous entamions le contournement du rocher et je réussi à prendre l’intérieur du virage. Trop malin pour tenter l’extérieur, il resta dans mon sillage en reprenant des forces pour le sprint du retour. A peine la berge était-elle de nouveau en vue qu’il se mit à ramer de toutes ses forces, des gerbes d’eau éclaboussant tout autour de lui. J’étais trempé mais pas en reste, et le face à face fut magistral. Pour moi, on aurait dit que le temps s’arrêtait et je me rappel avoir posé mon regard sur lui à ce moment. Quelle fougue dans ses yeux mes amis ! Vous auriez vu cette détermination, peut être l’avez vous aperçue par la suite. Il avait décidé qu’il obtiendrait ce qu’elle nous avait promis et toutes les cellules de son corps se battaient pour atteindre cet objectif. J’étais comme écrasé par cette force d’esprit. Ce fut cette instant d’hésitation qui causa ma perte et son radeau toucha terre avant le mien. Il explosa de joie comme jamais auparavant et notre observatrice commençait déjà à rougir. Je tirai doucement mon radeau tandis qu’elle se rapprochait et lui annonça qu’il pouvait donc lui demander n’importe quoi."
La salle était désormais pendue aux lèvres du vieil homme, le petit fils de charançon y compris.
- Il a réfléchi quelques secondes, puis il pointé du doigt sa nuque en s’écriant « Alors je veux ça! ». Elle parut surprise par cette demande plutôt humble au vu de ce qu’elle offrait, mais elle se mit à sourire et détacha l’un des rubans qui maintenait ses nattes en place. Elle ne s’en était jamais séparé depuis que nous la connaissions. Elle le déposa dans le creux de la main de mon ami, qui se mis à le regarder comme le plus grand des trésors. Il parut d’un coup gêné et le rangea dans sa poche, puis se tourna vers moi en souriant fièrement.
Le récit fut interrompu par un quinte de toux violente qui laissa l’orateur au bord des larmes mais il termina néanmoins.
- Quelques moi plus tard, comme je l’avais pressenti, il quitta le village, et notre amie commune partie avec lui. Ils ont vécu des aventures ensembles, mais peut être cela ne suffit pas à les rapprocher, toujours est-il qu’elle rentra seule un an plus tard, et devint par la suite ma femme, la meilleure qu’un homme puisse rêver d’avoir.
Il se retourna enfin vers la famille qu’il observa d’un œil bienveillant.
- Je ne doute pas que tu as trouvé ton bonheur par la suite, reprit-il. "Mais sache vieille branche, que pour ma part, je te dois le mien. Sans ton impétuosité, jamais je n’aurai rencontré celle qui deviendrait mon épouse, et même si tu n’es jamais rentré, je ne t’ai jamais oublié. On pourrait peut être dire que j’ai gagné sur le long terme, mais n’oublie pas mon ami, que tu as remporté la première victoire."
Sur ces mots, il plia soigneusement le ruban, et le déposa avec un soin infini au fond du coffre. La foule ne put retenir quelques applaudissements. Le jeune garçon remarqua qu’il gardait la bouche ouverte depuis quelques minutes et essuya la bave qui pointait sur ses lèvres.
Pfft ! Je parie qu’il a tout inventé pour rafler la récompense ! J’ai jamais entendu cette histoire dans la famille !
Mais alors qu’il suivait le vieil homme du regard, il le vit prendre place à coté d’une charmante dame qui ne semblait pas souffrir du poids des années. Ses cheveux étaient coiffés en une natte unique par un ruban écarlate, et elle lui pressa affectueusement la main lorsqu’il se rassit.
Dans la salle, un grand Iop venait de se lever.
Le 19 Avril 649 une triste nouvelle nous incombe ;
Mr Charançon un mordu et fervent collectionneur d’objets aussi loufoque que sensationnel a rendu l’âme. Certain l’appelait « le cinglé collectionneur de poussière » moi ? je l’appelais « ami »…
Un homme de petite taille rendant géant un Enutrof à ses côtés, ses cheveux étaient jonchés de moisissure aux couleurs émeraude, sa peau était de couleur pourpre faisant pâlir tous les piliers de comptoir, des ongles sales aux couleurs ébène qui selon les rumeurs cachaient un nid de Kankreblath, le peu de dents qui lui restant étaient couleur ocre, toujours le nez pendouillant de morve turquoise et parsemer de croute ivoire lui donnant l’apparence d’un Craqueleur .
Certains aventuriers l’ayant croisé avaient tendance à le charrier en criant « c’est bon j’ai trouvé les 6 dofus primordiaux », cela avait tendance à le rendre fou, aussi fou que le Dark Vlad. En effet cet aspect maudit était bien le fruit d’une malédiction. Ma malédiction. Hormis moi personne ne le savait tout le monde se moquait.
Habitant à deux rues de chez le très renommé kerubim Crépin, il était donc de bonne logique que son enterrement allait se produire à Astrub. Mais ce vieux rabougri toujours aussi farceur en a décidé autrement et à convier tout le monde dans la forêt du chêne mou afin de rendre plus corser la tâche et de réduire par deux le nombre d’inviter.
Après avoir esquivé des attaques de corbac affamer, Faillie me faire piéger par des abraknydes aux branches et racines aiguisées, j’arrivai sur ledit lieu de funérailles.
A ma grande surprise et sans trop peu m’étonner, je vis de grande pointure du monde des Douze.
Allant du grand Otomai, jusqu’au maléfique Djaul, tout le monde avait eu vent de l’enterrement de Mr charançon et tout le monde avait en tête son héritage.
L’enterrement terminé et après m’être repu à la taverne d’Astrub, j’allai au lieu de rendez-vous.
J’avais reçu quelques jours avant une lettre écrite dans un mystérieux langage que Mr charançon avait inventé et expliquer dans son livre « tu as peur des fous ? apprend leurs langages ». Peu d’exemplaires écouler mais très pratique pour décoder une lettre d’un fou comme Charançon.La lettre me disait de me rendre dans une ruelle étrange prête de la place marchande où j’ai trouvé un havre Sac. J’entrai dedans. Une salle majestueuse avec un magnifique plancher d’orme et des murs aussi blancs que le château de Bonta.
Les Ouginaks présent bavaient plus qu'à leurs habitudes et l'ambiance glacée de mort avaient pris des tournures de foire de trool.
Tout le monde s'impatientait et les yeux de chacun brillait d’envie de découvrir l’Or, les trésors, les titres et la renommée que pouvait offrir, celui qui possédait déjà tout.Un homme vint m’accueillir :.- « Maitttrrrrreeeeeeuuuuuu thierrrrrrrrrrryyyyyyyy Tageeeeeeeeeeeuuuuuu bonjouuuuuuuuuuuurrrrrrrrrrrrrreeeeeeeeuuu »
Un homme décaler au premier abord, qui m’avait l’air complètement mou du blop, me tendais la main.
Je lui remis mon invitation et partie m’asseoir.
La personne à ma droite n’était autre que le Maître Corbac. Terrifiant et imposant il se tourne vers
moi et me chuchote :- « Que vous a-t-il prit ?
-Pardon ?
-Vous m’avez très bien entendu
- Oui, mais je ne comprends pas
-QUE VOUS A PRIT CE VOLEUR DE CHARAN ÇON »
Un silence de fantôme de pandore avait submergé la salle. - « Il m’a volé des poils d’aisselles ! dit Missiz frizz
-Moi ma culotte ! Hurla le Roissingue
Des rires éclatèrent dans la salle
- J’espère que ce n'était pas pour la mettre, car il n’y aurait pas que ses cheveux qui seraient devenu moisi émeraude hurla le Mage Ax au Roissingue »Des larmes de rires tombèrent les unes après les autres du visage des convives avant que l’ambiance redescende pour qu'enfin la cérémonie de remise de l’héritage commence.
Maitre Thierry Tage fit un discours qui, censé être bref prit tellement de temps à cause de son élocution détraquer, que le dieu Xelor apparut pour accélérer le temps un bref instant, pour nous soulager de ce carnage digne d’une guerre de l’aurore pourpre.
Un membre de la famille de monsieur Charançon, qui se nommais Languedebick prit le relai et appela une personne par une personne, de tout ceux concerné par le testament
- "Coqueline ! "Une osamodas a l’apparence bleuté avança- Voici l’incroyable familier « Banana »
Une créature étrange, sans aucune apparence connue et reconnaissable, nous faisait tous face
- « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc, mais ce n’est pas un familier ça, c’est c’est … mais c’est rien du tout ! Juste une banane ! dit Coqueline
-Et pourtant cela en est un, qui mieux que vous pour s’occuper d’une telle créature dite Landebick
D’après les rumeurs, il y a longtemps le Moon fit tomber une banane dans ses excréments.
Doté d’une puissance magique hors norme ceux-ci donnèrent vit à la banane qui se mit à parler, chanter et danser une musique insupportable « banana, banana bananananananaaaa », qui rendit fou le Moon qui s’isola dans le plus grand arbre de la jungle.Coqueline prit la banane qui chantait et dansait et s’en alla avec un air désespérer
-« Banana, banana banananananana » criait le familier
Après être sortie du havre sac, la musique résonnait dans tous les esprits des membres présents et une atroce migraine générale eux lieu. Main contre la tête, le lot suivant allait être annoncer.- « Pour le lot suivant la 1ère verrue du bworker
Le bworker fou de rage arriva saisie la verrue et sortant un tube de colle s’aspergea ce qui semblais être une cicatrice pour la recoller. Il cria :
- « wawawawawaoaoaoakakdobwork » et s’en alla. »Je pris mon traducteur de langage Bwork et croyez-moi ce qu’il a dit ce jour l’était assez inédit en therme de juron.
Les minutes passèrent et un nombre de lots tous aussi étonnant les uns que les autres défilaient :
- « Suivant, Metag Robill voici pour vous la relique des Robill »S’avançant d’un air aussi joyeux que envieux il cria :- « Enfin ce voleur m’a rendu ma précieuse relique familiale ! »Beaucoup de personne dans la salle était étonner, un étrange bout de plastique comme relique c’est peu banal.- « Par contre Monsieur Robill je pense qu’elle a été enchantée, une sorte d’aura liquide inconnu blanche coule fréquemment du bout de votre relique.
- Oui oui… elle a été enchanté dit Metag Robill tourna les yeux a droite a gauche et partie en courant de la salle d’un air gêner.»La moitié de la salle avait quitter le lieu et tous les objets cités jusque-là était quasiment tous volé et étrangement remit à leurs propriétaires...
D’après la rumeur Charançon était cleptomane. J’avais su par un intermédiaire qu’ils avaient le don pour ce lié d’amitié au gens avant de les Roulers et les dépouiller de leurs biens.
Ont raconte qu’il était le fils illégitime entre la déesse Sram et le Dieu énutrof.
Le mélange de tel dieu avait donner vie au plus infame voleur et radin que la terre est connue. Cependant un tel mélange ainsi que la puissance des deux dieux, lui fit perdre la boule et le rendit dépendant à ce que personne n’aurait pu se douter, les objets insolites.- « Pour le lot suivant L’ours en peluche de Djaul-Le premier et je dis bien le premier qui ose répéter ce qu’il a vu ici finira empaler devant la milice de brakmar et je donnerais ses entrailles à dévorer au Crocabulia il prit la peluche et lâcha un sourire Béa avant d’embrasser d’un doux baiser brulé l’ours en pelucheLa salle hurla de rire
-Alors les shushu de Rushu ont est aussi sensible qu’un lapino ? dit Brumen tintoria
- vous voulez nous envahir de vos ours en peluche ? dit kerubim krepin-Je ne suis pas venu pour souffrir ok ?????? dit Djaul avant de s’envoler vers la sortie et de mettre le feu au plancher. »La salle ayant prit des allures de barbecue du mois Fraouctor, la remise de l’héritage battait son plein de plus en plus d’impatient et d’éclat de rire faisait volteface.
Allant du piercing au téton du Minotoror jusqu’à la première dent de lait du Dragon cochon bon nombre d’inviter de marque ne cessait de franchir la salle pour récupérer des biens qui ne cessait de m’épater.
Je me demandais alors si j’allais récupérer un objet dérober ou me retrouver avec ce qui me hantait depuis des années…- « Roi Beldarion de Bonta cria languedebick S’avançant d’une démarche royal le roi se retrouva nez a nez en face de quelque chose de comment pourrait-on le qualifier. Oui gênant.
-Pour vous le slip du roi de BontaLe roi prenant du bout du doigt le slip qui fumais d’une odeur nauséabonde-Je crois qu’il a été enchanté méfier vous, une odeur et une aura nauséabonde émane de votre slip Mon bon roi
Oui oui enchanté … Je l’avais invité un soir à dormir dans mes appartements qui aurait cru qu’il m’aurait volé mon précieux … »Le roi partie les yeux en l’air, avec le nez pincer et le bras tendu tenant son slip hors de la salle.« Voleur mais séducteur ce Charançonme dit d’un rire maléfique le Maître Corbac, qui depuis maintenant plus de 4heure faisait craquer ses os d’impatience.- Maître corbac !
-Enfin pas trop tôt ! poussez-vous »Le corbac bouscula le peu de personne restant pour se dresser d’un air imposant et terrifiant devant Languedebic :- « Dépêcher vous de me les redonnez !
-Et pour vous Les tongue et chaussette du Maître Corbac
- Enfin ! après tout ce temps à moi la détente !
-Mais quel beauf … s’étonna le grand Hel Munster
-aucun goût dit Nina Chichi la célèbre couturière »
Enfilant sa paire de tongue chaussette le look du Maître Corbac qui faisait tantôt trembler les plaines de Cania, fait désormais rire les aventuriers.
Partant avec une démarche casser et une allure de beauf assurer, le Maître Corbac kidnappa le Kimbo, qui écrouler de rire de voir un être comme le corbac pouvait porter de tel apparat, fut retrouver quelques mois après sa disparition traumatiser, ayant laisser ses sandales circulaire pour une paire de Tongue chaussette ! mais ça c’est une autre histoire…
Arriva le moment tant fatidique et redouté mon tour.
Languedebick gueulant chaque nom à foison, fu bien silencieux pour le mien.
A mon approche il chuchota :-La plume du krosmoz…
Une boîte ornée de joyaux et une minuscule clef qui l’accompagnait me fu remit.
tout le monde s’indignait « pourquoi lui a-t-il quelque chose d’extraordinaire et nous n’avons que des objets volés, pourquoi lui ça vaut des kamas et nous même pas un poil de chacha ? «
Entre l’incompréhension et la gêne je me devais une explication et aucune explication de s’accompagne d’une histoire ! - « Peuple des douze, fils de dieu et monstres en tout genre laisser moi vous compter une bien triste histoire.
Il y a quelques années moi et mon ami Mr Charançon somme parti sur l’île de Saharach. La canicule battait son plein, l’eau nous manquait et nous allions mourir. Pourquoi partir en un tel lieu de désolation ? Pour ce qui a toujours fasciner les hommes les trésors. Nous étions en quêtes de quelque chose de nouveau, d’inédit qu’aucune quête des Dofus et que aucun Item légendaire ne pouvait égaler.
La plume du Krosmoz…
Ont raconté que bien avant Son apparition, le Krosmoz était une entité, une créature pleine de vie.
Parmi les vestiges Héliotrope un livre fut découvert retraçant cette histoire. Celle du dieu dragon Zhenyuan. Un dragon a plume, des plumes éclaireuses de cieux et permettant d’éclairer aussi bien le jour que les vivants.
Sur chaque terre, sur chaque planètes une plume fut donner et c’est en cette quête que nous sommes parties la chercher.
Mythologie ou pure fabulation ? nous ne pouvions le savoir.
Des mois se sont écouler avant que nous trouvions l’entrée de son édifice.
Des milliers d’heures nous avons passé à errer dans le labyrinthe de son tombeau.
Et quelques minutes,nous sommes rester figé a son contact.
Devant nous la fin de la quête et le début de la folie.
Voulant la toucher ? Oui mais si elle perdait sa blancheur.
Voulant la saisir ? Oui mais avec le temps si elle se décomposait
Que de dilemme et puis vint le moment Fatidique celle ou les penchant de cleptomane de Mr Charançon sont réapparu. Lui que je considérais comme ami ma tout comme vous voler et à décider de la prendre pendant mon sommeil.
Dès le premier toucher la pièce fut submerger d’une lumière blanche qui aurait éclairé tout un monde. Je me réveillai les yeux brulés par tant de grâce.
Sa couleur prit un aspect multicolore et la lumière diminua. A ma grande stupeur rien n’avait changer pour moi mais pour Monsieur Charançon c’était autre chose.
L’aspect si répugnant au cheveux émeraude, ongle ébène, dent ocre, peau pourpre, croute ivoire et à la morve turquoise qui lui valait la réputation de l’homme au 6 Dofus primordiaux apparu en cet instant.
Cette plume éclaire les cieux et éclaire le vrai visage des personnes. Elle l'a transformé en monstre tel que sa véritable nature était.
Il m’assomma et partie. Jusqu’à ce jour je n’ai plus eu de nouvelle. Mais je vois qu’avant sa mort il c’est repenti de tous ses pêcher. »
La salle fut silencieuse, je pris la clef et ouvrit le coffre.
Cette même lumière que je vis ce jour-là se mit à rayonner d’une aura blanche bleuté éclairant la pièce.
Tout le monde se leva et comme hypnotiser par la folie de posséder la toute-puissance, les Douziens se précipitèrent pour me dérober ce qui fut non pas un héritage à mes yeux, mais le goût amer d’un souvenir de trahison du passé.
Je ne me suis pas débattue car la suite était prévisible d’avance.
Aucun homme raisonnable en ce monde écoute les conseils qu’on lui donne avant de commettre l’irréparable.
Ce que l’histoire a connu, se répètera toujours et encore.Au premier contact avec la plume du Krozmoz, la même lumière qu’il y a des années réapparues et submergeas la pièce.
Tout ceux hormis quelques âmes pures furent transformer en la même ignomie que Mr Charançon.
Pleur, larme et désespoir de leurs nouvelles apparences faisait trembler les Douziens.
Je refermais le coffre l’empoigna et partie en éclatant de rire et en criant :
- « c’est bon j’ai trouvé les 6 Dofus primordiaux ! »
l’avarice est un vilain pêcher ne vous laissez pas submerger...
Tapie dans un coin, bien derrière les chaises élégamment disposées pour les invités, Aude Marelle s’entretenait avec son petit-fils :
« Tu les regarderas droit dans les yeux, d’accord ? Il faut sourire aussi. Être heureux c’est donner du plaisir ! Regarde, eh, non, regarde. Oh, eh, regarde comment je fais. Tes pommettes doivent monter jusqu’à tes yeux, tout tout en haut ! Voilà c’est mieux. Alors, droit les yeux... haut sourire… et surt… Ah, par le Seigneur des Abîmes, ça va commencer. Voilà le vieux notaire qui se manifeste ! Il faut qu’on se trouve une bonne place, il ne serait vraiment pas convenable de faire attendre tout ce beau monde, qu’en penses-tu Antonin ? Et il va falloir être prêt à s’attendre à tout maintenant… heureusement, j’ai plus d’un tour dans mon sac ! Et puis on a suffisamment travaillé, n’est-ce pas ? »
Le jeune enfant, âgé d’à peine huit ans, prêtait plus attention à l’amoncellement d’objets ayant appartenu au défunt qu’à sa grand-mère. Il suivait cependant la cadence imposée par cette dernière, qui le tirait par la main, et s’installa sur une chaise. En haut de son château de bois à quatre pieds à la vue imprenable sur les trésors présent dans la salle, il s’imaginait toutes sortes d’aventures. Très vite, et en même temps que Maître Thierry Tage déclamait les dernières volontés de son client, Aude s’en rendit compte :
« Tu ne vas pas changer d’avis maintenant, dis-moi ? On en a déjà discuté mon petit… oh et puis je ne t’ai pas apporté de quoi tout recommencer, alors on a plus trop le choix maintenant… enfin c’est surtout qu’on a pas du tout le choix, on ne peut pas parler de n’importe quel objet. J’ai déjà eu assez de mal à obtenir l’invitation… Tu as vu où se trouve notre bien, au moins ? demanda-t-elle à son petit-fils.
Et puis surtout, n’oublie pas pourquoi on est là. Que dirait ta grand-mère si tu ne pouvait pas lui rapporter un gros cadeau pour son anniversaire, minauda Aude tout en lorgnant avidement sur l’imposant Karne.
Hum, il semblerait qu’il n’y ait pas d’ordre de passage… si on pouvait boucler cette affaire rapidement je m’en tirerai bien mieux ! Il faudrait vraiment pas attirer l’attention trop longtemps. Allez, pourquoi tu ne te lève… ah, mais c’est que tu es lent mon gamin ! s’exclama-t-elle en constatant qu’un jeune Osamodas était déjà partit rejoindre le pupitre. Dès qu’il s’en va, on fonce ! »
L’Osamodas, un dénommé Marc Hingol, réussissait à capter l’attention d’Antonin. A chacune de ses paroles le jeune garçon s’illuminait.
Dans sa tête, il se trouvait en plein milieu d’un terrain de boufbowl. Dans l’étude, il mimait depuis sa chaise, de façon imprécise, des lancées de boufballe et commentait à voix basse son match invisible. « Il avance sur le terrain à la vitesse de la lumière, pchouuuu pchouuuu. Il est tout seul devant, wouuuh ! Et c’est, c’est le but ! Oui, oui ! Se murmurait -il ».
Les yeux rivés sur l’Osamodas, Aude donnait de temps en temps des petites tapes sur le genoux de son petit-fils pour l’extraire de ses pensées :
« N’oublie pas de dire qu’il était sportif, ça donnera plus de crédit à notre histoire, d’accord ? Et arrête de rêvasser ! Je vais te boucher les oreilles si tu n’y mets pas du tien... »
Antonin descendit de son château et attendit sagement la fin du premier récit. Heureuse d’avoir gagné la première bataille, Aude souriait. Son regard s’arrêta sur l’imposant Karne : elle voyait déjà une pluie de kamas devant ses mirettes.
« Ah, il a terminé on dirait. Tu viens ? Antonin, alle… quoi ?»
Aude serra très fort la main d’Antonin, au point de lui arracher une larme. Mais la grand-mère n’en avait que faire : quelqu’un venait à nouveau de passer devant elle. Aude fixa fermement son petit-fils pour lui faire comprendre que la prochaine fois sera la bonne.
Cependant la fois suivante ne fut pas la bonne, et Aude commençait à voir rouge. Sans grandement prêter attention à ce que l’invité était en train de raconter, la vieille femme attendait fermement l’instant où ce dernier cesserait de parler. Le moment arrivé, elle bondit de sa chaise et entraîna Antonin jusqu’au pupitre.
« Bonjour… bonjour… Tristes circonstances, n’est-il pas ? demanda rhétoriquement Aude en regardant l’ensemble des personnes présentes dans l’étude, et plus particulièrement la famille du défunt.
Mes condoléances. Nous ne nous connaissons pas, mais je connaissais bien François. Enfin… Monsieur Charançon, je veux dire. Je n’ai pas l’habitude de l’appeler ainsi… c’est si… solennelle ! Il ne l’était pas pour un kamas, lui, ça non. Toujours souriant, charmeur… très charmeur. La première fois où nous nous sommes rencontrés il a su me tarir d’éloges comme personne… Ma chevelure sombre coiffée en deux longues nattes, à l’entendre, lui rappelait de doux moments du passé. Je comprends mieux, maintenant, ajouta-t-elle en regardant le vieillard qui avait pris la parole quelque temps plus tôt.
Mais il était aussi très tendre. Avec mon petit-fils notamment ! Antonin prenait un véritable plaisir à jouer au boufbowl, seul à seul avec François dans l’arrière cour de sa boutique. Tu t’en souviens, n’est-ce pas ? De véritables athlètes ces deux-là...»
Dans le regard d’Antonin, l’incompréhension, la curiosité, le doute. Dans le regard d’Aude, une lueur vive, forte, bien décidée à s’imposer et dominer son petit-fils.
« Il est timide… il n’a pas l’habitude de parler devant autant de personnes… et encore moins… »
Aude soupira avec tendresse et soudainement son jeu d’actrice transpirait la sincérité – du moins elle ne pouvait que l’espérer. En voyant le regard intrigué du notaire elle se dirigea vers le cercueil en bois de chêne et y posa sa main. Puis, elle sortit un tissu blanc de sa minaudière sertie de pierres précieuses à l’effigie de l’Avaricieux, et épongea ses larmes de dragon.
« Mais Antonin tenait vraiment à rendre hommage à François. L’invitation était à mon nom, continua-t-elle en toussotant légèrement, mais je ne pouvais venir ici sans mon petit-fils. Sans lui je n’aurais jamais connu Monsieur Charan… François. »
Aude s’arrêta de parler et l’on pouvait presque entendre un moskito voler. Après un léger râle elle reprit sa narration :
« J’aurais pu vous parler de cette rivière de diamants qu’il a su m’extirper avec son habilité et son talent de négociateur hors pair, certes. Mais non. Je préfère laisser mon petit-fils prendre la parole, je préfère le laisser parler de cette belle relation qu’il a pu entretenir avec mon vieil ami avant sa… tragique fin… Et surtout je préfère lui laisser l’opportunité de vous exposer les circonstances de leur découverte, de cette découverte qui compte énormément pour Antonin… et qui ne sera, j’en suis certaine, qu’une illustration de plus de la bonté et de la bienveillance qui caractérisait si bien François. »
Le jeune garçon, vers qui toute l’attention était désormais reportée, semblait ne pas arriver à sortir un mot de sa bouche. S’approchant de ce dernier Aude ouvrit de nouveau sa minaudière, en sortit des feuilles sur lesquelles figuraient des dessins enfantins qu’elle lui tendit, tout en lui hochant la tête derrière un sourire de façade.
« Il est timide… je… je l’ai déjà dit, oui. C’est pourquoi il préférait vous dessiner son histoire pour vous la présenter plus facilement ! expliqua Aude à l’assemblée avant d’inviter Antonin à enfin prendre la parole.
- Bonjour, je m’appelle Antonin, j’ai presque huit ans et je viens pour vous parler de Monsieur François, commença ce dernier en regardant en coin sa grand-mère qui lui faisait discrètement signe de sourire plus fort.
J’aimais beaucoup passer du temps avec Monsieur François, nous faisions des parties de boufbowl et il me laissait souvent gagner, continua-il en affichant son plus beau sourire qui semblait avoir charmé certains membres de la famille du défunt.
Mais moi ce que j’ai préféré par dessous tout du tout c’est partir à l’aventure avec lui pour trouver le légendaire Dofus Doré ! »
En terminant sa phrase, Antonin se précipita vers un petit coffre du fond duquel il extirpa un objet ovale semblable à un gros œuf de tofu recouvert de feuilles d’or. Pendant ce temps, Aude s’adressait à voix basse à l’assemblée :
« Évidemment il ne s’agit pas d’un véritable Dofus ! L’oeuf en impose, j’en conviens, mais c’est François qui a eu l’idée de faire plaisir à mon petit-fils en lui faisant croire qu’il était sur la piste d’un œuf de dragon et qu’il allait avoir besoin d’un coup de main pour le récupérer ! Comme vous pouvez le lire sur la liste des objets de sa collection il s’agit en réalité d’un magnifique œuf du célèbre joaillier Fabre Bergé. Si vous pouviez ne pas le lui faire remarquer… il est si fier de leur trouvaille ! expliqua-t-elle tout en attendant qu’Antonin reprenne place à côté d’elle et dépose l’oeuf sur le pupitre.
- On a trouvé le Dofus l’année dernière parce que ça fait seulement depuis l’année dernière que je connais Monsieur François, reprit Antonin. Je jouais à l’aventurier dans la rue en courant après des pious et à un moment il y en a eu un qui voulait vraiment en découdre. Alors j’ai pris mon épée de boisaille pour lui couper les plumes – ce n’est pas une vraie épée, elle est toute en bois mais moi je fais semblant, expliqua-t-il en aparté. Mais au moment où j’allais gagner la bataille, Monsieur François… enfin je ne savais pas qui il était à ce moment… mais Monsieur François a arrêté mon coup en bloquant mon épée ! Regardez, comme ça ! »
Antonin levait fièrement d’une main l’un de ses dessins, tandis que de l’autre il pourfendait ardemment l’air comme pour représenter la scène.
« Monsieur François m’a alors demandé si moi aussi j’étais un aventurier dans l’âme. J’ai hoché la tête plusieurs fois et il m’a invité à la suivre dans sa boutique d’objets parce qu’il voulait me faire voir une carte au trésor. Normalement je ne suis pas les gens que je ne connais pas, expliqua Antonin en regardant à nouveau sa grand-mère. Mais je voulais vraiment vraiment partir à l’aventure alors j’y suis quand même allé. »
Le jeune garçon brandit un second dessin.
« Ma mamie m’a un peu aidé pour celui-ci. Il représente la carte au trésor qui nous a permis de trouver le Dofus Doré ! Le chemin jusqu’au lui me semblait interminable sur le parchemin, mais Monsieur François était persuadé qu’à deux on aurait aucun mal à récupérer l’oeuf de dragon. Je lui ai quand même dit que je ne pouvais pas partir sans prévenir ma grand-mère alors on est allé la voir. Elle était très contente pour moi et m’a autorisé à vivre la grande aventure. Je l’aime très très fort pour ça, ma mamie, s’exclama Antonin en faisant un câlin à cette dernière avant de reprendre.
Ensuite on est allé préparer nos affaires pour partir. J’ai fais un dessin, attendez ! »
« Voilà, ça c’est tout ce dont on a eu besoin pour notre chasse au Dofus. Moi j’avais mon épée parce que Monsieur François il a dit que ça pourrait peut-être être move… movman… dangereux comme quête ! Lui il a préféré prendre un bâton, mais je pense pas qu’il comptait l’utiliser pour cogner sur des monstres parce qu’il a passé tout son temps à s’en servir comme une canne pour marcher. Sinon on avait aussi pris des provisions. Monsieur François il avait mis pleins de pommes dans le sac qu’on allait prendre, mais moi j’étais sûr que ça n’allait pas être assez alors il m’a autorisé à rajouter des rabmarcs et une brique de lailait même si c’était risqué pour le transport parce qu’elle pouvait se renverser !
- Ils étaient a-do-ra-bles à voir tous les deux, coupa sa grand-mère. Un baluchon sur le dos et en route pour l’expédition ! Allez, montre-leur le dessin contre les gros monstres ! »
« Les monstres ! s’écria Antonin en affichant un nouveau dessin. On partait à peine à la recherche du Dofus que nous sommes tombés sur un attrop… un groupe de bêtes féroces ! C’est Monsieur François qui m’a expliqué qu’il s’agissait de créatures très très méchantes et puissantes. Comme il était apparemment déjà fatigué il m’a dit que notre seule chance de survie était que j’arrive à mettre en dérou… déroute… ? En… en fuite les monstres ! Alors j’ai crié pour les faire partir et j’ai fais des grands gestes avec mon épée ! Comme ça, yah ! Yah ! Comme je voulais pas que les monstres me fassent peur j’ai fermé mes yeux. Mais je continuais d’attaquer, iyah ! Et quand j’ai ouvert mes yeux ils avaient disparus ! Monsieur François m’a dit qu’il les avait vu déguerpir dès que j’avais commencé à crier. Apparemment je fais vraiment super peur ! exulta Antonin.
Comme il n’y avait plus de monstres on a pu reprendre la route. Moi je commençais à fatiguer sur le chemin alors Monsieur François, puisqu’il s’était reposé pendant le combat d’avant, m’a porté sur son dos et il m’a dit de lui donner des coups de bâton s’il avançait trop lentement. Finalement on a joué à la dragodinde et à l’aventurier, c’était génial ! J’ai pas vu le temps passé… Et puis on est arrivé devant une grande-grande-grande montagne avec des escaliers ! Comme sur la carte ! Monsieur François m’a dit qu’il n’en revenait pas, que c’était fantastique et qu’il allait enfin mettre la main sur le Dofus Doré grâce à moi, souri Antonin en montrant son dernier dessin ».
« Enfin, Antonin… tu sais bien que François n’était pas aussi grand que ça ! Il avait grand cœur en revanche.
- Oui, grand coeur ! En échange du Dofus Doré il m’a proposé de jouer à la dragodinde et à l’aventurier avec moi aussi souvent que j’en avais envie !
- Oh… François… je..., commença Aude en laissant couler quelques larmes de façon à ce que la famille du défunt n’en perde pas une goutte. Excusez-moi, l’émotion… Viens, Antonin, on va retourner à notre place. N’importunons pas ces braves gens plus longtemps… merci infiniment pour avoir permis à mon petit-fils de s’exprimer… de parler de son grand ami… merci. »
Après avoir attendu qu’Antonin ait déposé l’oeuf doré de Fabre Bergé dans son coffre, Aude lui fit signe de regagner leur siège. Une fois assise elle se tourna une dernière fois vers son petit-fils pour lui chuchoter tendrement : « Et maintenant, tu te tais. On attend la fin.».
le premier candidat a relevé le défi de ce cher Charançon a été un jeune Osamodas qui était assis à ma gauche.
Personnellement, ce qui me fît le plus rire dans son récit est quand il essaya de subtiliser ce simple gant, en effet, je dis "ce simple" gant étant donné que des richesses magiques et onéreuses bien plus intéressantes sont présentes dans ce petit coffre-fort. Effectivement, je fais allusion à toi petite Karne, après t'avoir découverte avec notre défunt Charançon dans les tréfonds d'Incarnam : dans un lieu mythique où nous t'avons observé avec le Dark Vlad se battre contre un dragon pour l'un des légendaires Dofus primordiaux. le Dofus émeraude ! Nous t'avons recueilli et appris les bonnes manières. Nous aurions bien récupéré le Dofus émeraude, mais peu pour nous une mêlée générale contre ce dragon et le Dark Vlad quoique... Bref, passons, l'éducation qu'il t'avait enseignée était pire qu'un bouftou sauvage. Et ton intelligence égalait celle d'un Iop né prématurément.
Nous avions donc décidé avec Charançon qu'on te garderait dans un lieu secret, à cause de ton apparence peu commune et ton intelligence... Tu aurais effrayé plus d'un piou à Astrub et puis fini sous les barreaux dans sa milice, voir pire ! Tout se passait bien pendant plusieurs mois, tu avais l'air heureuse et je suis sûr que tu l'étais, mais avec le temps passé avec le Dark Vlad, tu en avais acquis son aura maléfique. Charançon était un vieux de la vieille avec une volonté de fer, il ne céda jamais à tes maléfices... A contrario, j'ai failli commettre l'irréparable la nuit du 24 Descendre dernier en te vendant au marché noir... Et Charançon m'arrêta et a décidé de m'éloigner de toi... Maintenant puisqu'il est mort, je souhaite lui montrer que j'avais les capacités de m'occuper de toi !
* *
« Oyez oyez cher adorateur de kamas et de vices tel qu'Enutrof et Sram ! Vous êtes tous ici pour dérober des richesses non-onéreuses mais des souvenirs qui à certaines honnêtes personnes valent encore plus cher que le Palais des lacs...»
Le vieux koalak désintéressé jusqu'à lors par les précédents discours, eu une réaction à peine visible quand le doux mot du Palais des lacs arriva à ses oreilles de vétéran.
* *
« Veuillez m'excuser de cette impudence, je me présente ! Dophilepe Saseli pour vous servir, vieil ami de Monsieur Charançon avec qui j'ai pu vivre des aventures extraordinaires, loufoque et fantasmagorique comme nul autre ! Comme pour la plus grande majorité présente ici, cette personne était unique pour moi... Il avait toujours la joie de vivre, l'envie de nouvelles aventures ou de découvrir de nouveaux trésors qui pourraient agrandir sa collection. Monsieur Charançon était l'une des seules personnes qui a pu vivre autant d'aventures tout en restant le même, non-avide de puissance mais de connaissance il essuya de grandes renommées dans toute Amakna ! Maintenant décédé, son absence restera pour nous tous une grande désolation... »
* *
« Les aventures et les objets inimaginables récupérés en compagnie de Charançon y sont nombreux pour ne pas dire infini ! Nous étions inséparables, des frères d'armes du moins des frères de collectionneurs ahah ! Je souhaite vous compter l'histoire de notre trouvaille qu'on a faite sur le dos du Dark Vlad ! Du moins de ce qu'on a pu en tiré avec Chacha ! »
* *
Dophilepe Saseli revoyait que maintenant la chère Karne depuis longtemps, il remarqua que son aura était toujours aussi puissante... Mais grâce à l'année passée, il a pu évoluer psychiquement. Du moins, il le pense. Il attacha la majestueuse bête dans un coin prévu à cet effet.
« Cette aventure trépidante était la dernière qu'on a faite ensemble, après la découverte de l'île de Moon et de son Dokoko, celle de l'île de la Cawotte et de son Dofus nous souhaitons terminer notre aventure sur une apothéose, sur le Dofus émeraude ! Nous nous faisions vieux et les dangers devenaient de véritable danger pour nos vies, même si lui ne souhaitait jamais s'arrêter et il voulait toujours aller plus loin. Téméraire comme un iop, il toqua un soir chez moi et il me parla de la quête des Dofus, il avait l'air de revenir à l'enfance, je n'ai donc pas pu lui refuser... On se voyait déjà se pavaner dans tout Astrub et Bonta avec notre Dofus émeraude ! Entre sorcière des marécages, bandits, et forêt maléfique, on avait toujours un temps de retard... Nous en sommes arrivé à penser que le Dieu Xélor était contre nous ! Chacha persuadé de ceci a même rejoint la dimension divine du Dieu Xélor grâce à l'aide de Kérubim, pour avoir une audience avec Xélor, mais en vain... Un soir où nous nous détendions à la taverne Astrubienne une pandawa est venue à notre rencontre, tout en affirmant qu'elle savait où trouver le Dofus émeraude et nous montra à ses dires le Dofus pourpre... Bien entendu, vous vous en doutez que ce fameux Dofus pourpre ne fût que de la poudre de perlimpinpin. Nous nous sommes retrouver d'Astrub à Pandala puis au Zaap de Frigost frigorifié et sans un kamas sur nous, entouré d'une horde de prespic, nous qui penser que les prespics résider uniquement à Amakna ! Cette histoire a pu nous faire découvrir quelques choses au moins...»
* *
« Pour en arriver à la découverte de la Karne, nous avons suivi un aventurier en étant aussi furtif que Sram, qui dans Incarnam a utilisé sans autorisation l'ancienne montgolfière, on était curieux de voir où cette histoire allait nous mener. Hein ? Vous vous demandez comment on l'a suivi dans les airs s'il a utilisé une montgolfière ? Certains secrets doivent rester secrets... C'est ce qui fait tout le charme d'un secret ! Après notre filature de cet inconnu nous sommes arrivé dans les abîmes d'Incarnam, au plus bas de celui-ci, une aura ténébreuse et une lumière émeraude aussi vive qu'un champ de trèfles à cinq feuilles à l'aube se faisait voir. Petit à petit, dépassant un ancien zaap inactif, et au bout d'un sinistre escalier nous avons pu apercevoir le terrible Dark Vlad, une sorcière à capuche et cet aventurier qui aller devenir une légende, je suppose ! En effet... Vous avez bel et bien compris, le Dark Vlad protéger le Dofus émeraude que l'aventurier était venu chercher. Le Dark Vlad brandit son épée de flamme et sous une explosion lumineuse qui nous a étourdi un certain temps, tout le monde avait disparu et le Dofus aussi... Seul cette petite Karne était restée ici, seule dans l'ombre... Charançon s'approcha et je lui criais au loin de faire attention ! Mais il ne m'écouta pas et en posant sa main sur la tête de la Karne qui semblait vide, celle-ci a pris pour affection notre cher amis à tous ! »
* *
« Après l'adoption de la Karne avec Charançon nous avons décidé de la cacher au grand jour, par peur qu'elle soit en danger. Son éducation était à revoir, tout comme son hygiène. Même un rat des égouts de Brâkmar aurait était effrayé par sa pestilence. Après un bon bain grâce aux remèdes de grand-mère Eniripsa, elle sentait la rose mais, son éducation rester tofu tout flamme. Une anecdote parmi tant d'autres et celle de quand la Karne a failli manger un troupeau de bouftou ! Charançon n'a jamais était aussi énervé de sa vie, j'en ai même pris peur et je me suis caché comme une arakne pour tous vous dires ! Puis par manque de temps et à cause de mon déménagement à Bonta, je n'ai pu garder la Karne et je l'ai laissé totalement à Charançon, je savais qu'il allait bien s'en occuper... Cette nouvelle m'attristait autant que lui mais, certaines choses dans la vie doivent arriver... Comme un bois de frêne doit être coupé, ou un goujon être pêché... Je vois qu'elle est en bonne santé et resplendissante, je suis fier de mon vieil ami...
* *
En allant se remettre à sa place pour laisser la parole à un nouveau prétendant à l'héritage, le jeune Marc, la grand-mère qui est avec son petit-fils et tout les futurs prétendants à ce même héritage regarda Dophilipe d'un air meurtrier.
Par Xélor, ça en met du temps ! Tu ne tends l’oreille qu’à moitié aux récits des autres invités, vantant les mérites du vieux collectionneur dont tu glanes un maximum d’informations afin de pouvoir au mieux construire une histoire cohérente et plausible. Pendant ce temps, le défunt assiste à la scène depuis son cercueil en bois d’if trônant au milieu de la pièce. Que ton âme rejoigne Externam en paix… qui que tu sois.
Ah, ça y est, la grand-mère a enfin fichu le camp ! Ni une, ni deux, tu décides de griller la priorité à tout le monde en te levant d’un bond et en te dirigeant vers le coffre débordant de trésors qui te faisait de l’œil depuis ton arrivée. Il doit bien y avoir un moyen de se mettre discrètement quelques babioles dans les poches, non ? Après quelques secondes de fouille, tu finis par extirper un drôle d’objet teinté d’une couleur azurée, si imposant qu’il tient à peine dans tes deux mains, avant de monter sur le pupitre pour faire face à la foule. Bien, tu n’avais pas laissé transparaître d’hésitation jusque-là, mais c’était maintenant que tout se jouait. Heureusement, mentir était presque une seconde nature pour toi. Tu te râcles la gorge pour gagner quelques secondes, puis prends la parole :
« Je me présente : Brock Hante, disciple du dieu Xélor. Et voici l’objet dont je vais vous conter l’histoire, annonces-tu en agitant ce dernier sous les yeux du public.
Comme vous avez pu vous en apercevoir, c’est un Cœur Gelé, mais il ne s’agit pas de n’importe lequel. Au vu de sa taille, c’est sans aucun doute le plus imposant et le plus lourd que vous pourrez jamais espérer voir dans votre vie. C’est sans doute la raison qui a poussé Monsieur Charant… çon à le conserver depuis tout ce temps, parviens-tu à rattraper in extremis.
Ça, ou bien il y a attaché une quelconque valeur sentimentale. Il faut dire que je n’ai jamais su véritablement déchiffrer l’homme derrière cette immense collection. Je l’ai rencontré pour la première fois sur l’Île de Frigost il y a une vingtaine d’années, lors d’un soir du mois de Novamaire. Pour me réchauffer, j’avais décidé de faire un tour à la Taverne du Paradis Frigostien, une incontournable de la Bourgade. Je mentirais si je disais que je ne suis pas un habitué, mais vous avez déjà affronté le temps de cette satanée région ? Croyez-moi, vous n’hésiterez pas à sauter sur la première pinte de bière mousseuse au coin du feu dès que vous en aurez l’occasion.
J’étais donc en train de vaquer à mes occupations de buveur émérite, lorsqu’un drôle de personnage se décide à franchir le pas de la porte dans un tourbillon de neige. Pas très grand, plutôt trapu, le visage marqué par les périples de la vie. Je me souviens cependant que ses yeux étaient parfaitement alertes et pétillaient de malice. Moi, je me contente simplement de vider le contenu de ma chope sans lui prêter trop attention, attablé au comptoir pour me resservir plus vite si nécessaire. Le nouveau venu vient alors s’installer près de moi et commande à boire, la mine réjouie. Je lui lance un regard de côté et le dévisage de haut en bas. Qu’est-ce qui peut bien le mettre de si bonne humeur avec un temps à ne pas mettre un Chacha dehors ?
Il se rend compte que je l’observe, et se tourne vers moi avec un grand sourire, puis commence à me parler avec enthousiasme de la grande découverte qu’il a faite, sans que je ne lui demande quoi que ce soit. Un trésor d’une valeur inestimable, qui serait caché sur cette île-même, et qu’il avait bien l’intention de débusquer. Mais à vrai dire, je n’étais pas vraiment très impressionné. Des tarés qui pensent avoir déniché le bon filon et devenir le prochain Terra Cogita, il y en a partout, sauf qu’ils reviennent souvent assez vite avec plusieurs en membres en moins. Du moins, lorsqu’ils reviennent.
Sceptique, je lui demande donc poliment d’où peut-il bien tenir une telle information. Au vu de sa réaction, il semblait presque attendre que je lui pose la question. Ni une, ni deux, le vieil homme met une main dans sa poche et en retire un parchemin presque aussi âgé que lui. Une fine écriture en pattes de Moskito y était inscrite, qu’il me lut à haute voix. Je crois que ça ressemblait à quelque chose comme ça :
"Je suis au centre de tout, mais en toi je me manifeste à gauche
D’or comme de pierre, sans moi à la vie tu ne t’accroches
Au sein de la montagne gelée tu me trouveras
Que le démon a jadis pétrifié de son aura
Lorsque tu feras face à mon gardien
Prononce mon nom afin que je me révèle aux tiens."
Une énigme, hein ? Je dois bien avouer que son histoire avait éveillé ma curiosité, même si je n’avais pas compris grand-chose de sa tirade.
— Et alors ? lui demandé-je sans parvenir à masquer mon impatience. Comment en avez-vous déduit que cela fait référence à un lieu de l’Île de Frigost ? Je veux dire, il doit bien y avoir d’autres montagnes gelées ailleurs dans le Monde des Douze, non ?
Je le vois alors sourire de toutes ses dents avant de m’évoquer cette fameuse légende selon laquelle le démon Djaul aurait maudit Frigost et ses habitants afin d’y faire régner un hiver sans fin, à qui l’énigme ferait donc directement référence. En y repensant, j’en avais déjà entendu parler de ce conte par des Frigostiens amers du sort auquel ils étaient condamnés, contraints de noyer leurs problèmes dans l’alcool. Mais il faut aussi dire que leurs paroles ne sont jamais très intelligibles à ce moment, ce qui explique pourquoi je ne leur prête jamais vraiment attention.En tout cas, le vieillard n’avait pas l’air si bête que ça. Intrigué, je lui demande quelle est la suite du plan.
— C’est simple, me répond-il sur le ton de la conversation. Je vais essayer de recruter un maximum de personnes pour m’accompagner et trouver où se cache le trésor. »
Tu interromps subitement ton récit pour observer la réaction du public. Mais aucune exclamation ne vint interrompre ton récit, pas même un simple soupir. Tu hausses les sourcils d’un air scandalisé si bien appuyé que tu pourrais presque venir à en oublier toi-même que toute cette histoire n’est que pure fiction.
« Wow, wow, ça ne choque que moi ? Réfléchissez un peu : s’il avait parlé de sa découverte à d’autres personnes, rien ne garantissait qu’elles ne lui auraient pas planté des dagues dans le dos à la dernière minute, ou pire, que certaines aient l’idée de l’écarter de l’expédition et de former un groupe à la recherche du trésor dans le plus grand secret. Comprenez bien que je n’avais nullement l’intention de laisser une telle horreur se produire. Et puis, pour être tout à fait honnête, je commençais à m’attacher au bougre et à son histoire farfelue. »
Tu parviens à réprimer un sourire narquois qui trahirait ta couverture. En vérité, si cela s’était vraiment produit, tu n’aurais sans doute pas hésité à lui filer sous le nez avec cette précieuse information afin de récupérer le pactole au plus vite. Tu fais mine d’arborer un visage compatissant et cherches l’approbation de la famille du défunt. Mais à ton grand dam, tu n’obtiens qu’une série de sourires formels auxquels les autres orateurs avaient également eu droit. De toute évidence, il fallait pousser l’ambiance mortuaire jusqu’au bout.
« Ahem. Donc, je me tourne vers notre cher ami, et lui propose de n’en parler à personne. En contrepartie, je m’engage à l’accompagner dans son périple afin d’assurer sa protection et augmenter nos chances de trouver le trésor. Après quelques instants de réflexion, il finit par accepter et nous nous serrons la main : il doit sans doute également comprendre que moins de gens impliqués signifie une plus grosse part du butin. Nous en profitons également pour faire les présentations : il ne me donne que son nom, Charançon. Ni plus, ni moins.
Et c’est ainsi que, le lendemain dès l’aube, nous nous retrouvons devant l’auberge afin d’entamer notre voyage, emportant autant de provisions que possible dans nos sacs respectifs. Nous nous mettons en route et j’en profite pour lui demander où pense-t-il que le trésor est enfoui.
— Je crois que la montagne mentionnée dans l’énigme fait référence à celle-ci, me confie-t-il alors en pointant simplement du doigt un point à l’horizon.
Je suis des yeux la direction indiquée, et là, je ne peux m’empêcher d’écarquiller les yeux. Mais c’est le Mont Torrideau ! Ce vieux fou veut nous faire grimper ce piton de la mort ! Et pour couronner le tout, c’est près de cet endroit que ce Xélor psychopathe a érigé son domaine ! Je veux dire, je suis moi-même un Xélor, mais je n’ai rien à voir avec cet individu déjanté ; pour autant, je n’ai aucune envie de me retrouver face à un maboul de son envergure.
— Pas de panique, s'empresse de reprendre Charançon avec assurance. Je connais un raccourci qui nous fera non seulement gagner du temps, mais aussi éviter les différentes bestioles susceptibles de vouloir nous déguster sur le chemin.
Je lui adresse un regard circonspect, relativement peu convaincu par son argument, mais l’appel de l’aventure finit par avoir raison de moi. Je ne tarde donc pas à accepter son idée et le laisse me guider à travers l’île.C’est ainsi que nous avons rencontré et affronté au cours de notre aventure l’Obsidiantre, le Kolosso, le Korriandre ainsi qu’une armée de Givrefoux près du Village Enseveli. Nous avons failli y passer une bonne dizaine de fois, je dirais. Un passage très sûr, donc, comme promis.
Mais nous sommes parvenus à nous en sortir en vie, et presque en un seul morceau. Plusieurs semaines s’étaient écoulées depuis notre départ lorsque nous arrivions enfin au pied du Mont Torrideau. Pourtant, nous avons beau eu en faire plusieurs fois le tour, grimpé et descendu à de multiples reprises, nous ne sommes pas parvenus à trouver la moindre trace de ce fameux trésor. Après des jours de recherche intensive, nous commencions à perdre espoir, jusqu’à ce que Charançon finisse par s’exclamer au matin du huitième jour :
— Là !
Je m’empresse de le rejoindre et m’attends à débusquer un coffre rempli d’or et de pierres précieuses. Mais au lieu de ça, une arcade taillée dans la roche nous fait simplement face, gravée d’inscriptions runiques en tous genres. Les nombreuses tempêtes de neige qui avaient sévi au cours des derniers jours l’avaient sans doute dissimulée des regards. Sans attendre, je me précipite vers la porte et tente de l’ouvrir par tous les moyens. Mais mes efforts sont vains : ni la force, ni la menace n’ont raison d’elle. Je me retourne alors vers Charançon pour qu’il vienne m’assister, lorsque je m’aperçois qu’il a ressorti son vieux morceau de parchemin pour l’étudier de plus près.
— "Lorsque tu feras face à mon gardien"… et si la porte était le gardien ? Et la suite… "prononce mon nom pour que je me révèle aux tiens"…
Moi, je le laisse faire, j’estime en avoir assez fait jusqu’alors pour nous éviter la mort. Et puis, les devinettes, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Charançon commence à faire les cent pas et à marmonner dans sa barbe, jetant de temps en temps des coups d’œil à sa feuille. Et puis sans prévenir, il finit par s’arrêter, bouche bée.
— Mais oui, bien sûr ! "Je suis au centre de tout"… "en toi je me manifeste à gauche"… "d’or comme de pierre"… c’est le cœur !
Aussitôt, la paroi rocheuse s’illumine d’une lueur aveuglante et s’efface devant nous. Nous nous regardons furtivement avant de pénétrer dans le minuscule antre qu’elle cachait. Quelle n’a pas été notre surprise de voir que c’était ce truc qui nous attendait à l’intérieur » t’exclames-tu en montrant le Cœur Gelé que tu tiens toujours dans les bras. Je m’empresse de lui répondre :
— Alors quoi, on a fait tout ce chemin et failli se faire tuer pour un vulgaire caillou ?! Vous vous fichez de moi ?!
Étrangement, Charançon garde le silence, pourtant si bavard à l’accoutumée. Il se contente de le ramasser délicatement et passe tendrement sa main sur sa surface. Il se tourne alors vers moi, mais je lui lance sans tarder un regard de dégoût en lui disant qu’il peut le garder. D’accord, ces machins-là peuvent être assez rares, surtout de cette taille, mais après avoir bravé tous ces dangers, je m’attendais à une récompense digne de ce nom, pas à un lot de consolation.
Nous avons réalisé la grande partie du chemin de retour en silence. Charançon agissait de façon un peu étrange depuis que nous avions trouvé le « trésor », mais j’étais bien trop dépité pour y prêter véritablement attention. Une fois à la Bourgade, nous nous sommes séparés et plus jamais revus. Mais maintenant que je vous raconte tout ça, je me dis que, peut-être, cet objet avait finalement de la valeur à ses yeux. Que ce cœur représentait pour lui tout ce que nous avions vécu ensemble durant notre périple, les bons comme les mauvais moments, et que ces souvenirs, notre amitié, étaient le véritable trésor pour lui. »
Tu mets enfin un terme à ton récit et baisses le regard en faisant de ton mieux pour ne pas éclater de rire. Lentement, tu reposes le cœur dans la malle et reprends ta place au milieu du public. Il n’y avait plus qu’à patienter jusqu’à la tombée du jour, désormais.
Toutes ces histoires étaient merveilleuses, et nous pouvions assez facilement notifier l’émotion grandissante au fur et à mesure que les paroliers se succédaient.
Mais si tous portaient leur attention sur le pupitre ainsi que sur le coffre contenant la fameuse collection, le petit Antonin, du haut de ses huit ans, avait lui remarqué la présence anormale, presque angoissante, d’une silhouette au visage camouflée par l’ombre d’une capuche.
Impossible pour Antonin de dire s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme.
- « Mamie, mamie, regarde, derrière... », chuchota t-il.
- « Chuuuuut, je t’avais pourtant dit de te taire et d’attendre la fin sagement ! » rétorqua d’un ton sec sa grand-mère.
Sur ces mots, le dénommé Brock Hante, disciple du Dieu Xelor, venait de reposer
« respectueusement » le Coeur Gelé dans la malle, avec un étrange sourire sur le coin des lèvres...
C’est alors que la silhouette se leva doucement, et dégagea une aura qui fit se rassoir le prochain prétendant au fond de son siège. La silhouette en question s’avança vers le pupitre, sa cape englobant complètement son corps.
Maître Thierry Tage s’exprima alors, lui-même décontenancé : « Hum… Monsieur... ou qui que vous soyez, vous oubliez de prendre l’objet dans la malle qui vous lie avec Mr Charançon... » dit-il, balbutiant.
C’est alors qu’on entendit sa voix pour la première fois. Une voix jeune, douce et mélodieuse.
« Ce ne sera pas nécessaire. J’ai cet objet sur moi depuis bien longtemps maintenant, et attendais ce moment depuis des décennies. »
Un lourd silence d’incompréhension trônait dans la grande salle.
Dans un grand « Swoooooooch » l’étrange individu retira sa cape.
C’était incroyable. Une lueur rose pâle flottait autour de son corps, jeune et délicat. C’était manifestement une silhouette de femme, bien que personne ne sut réellement le deviner du premier regard.
« L’objet que je vous apporte n’est pas dans ce coffre, car il sera le déclencheur d’une nouvelle ère pour tous les êtres vivants du continent d’Amakna. »
Marc Hingol, le jeune Osamodas fougueux ne put s’empêcher d’intervenir :
- « C’est une plaisanterie ?! Vous sortez de n’importe où, et prétendez ces choses-là sans même nous avoir expliqué votre relation avec Mr Charançon ! » s’exclama-t-il.
- « Je suis désolé, mais mes raisons d’être ici sont infiniment plus importantes qu’une simple histoire relationnelle. Disons simplement qu’Inory était mon disciple. Je l’ai formé pour qu’il devienne ce qu’il était. En revanche, son côté irréfléchi, je dois admettre qu’il ne le devait qu’à lui... Mais je dois dire que les derniers mots qu’il m’a prononcés ont été d’une grande sagesse, et si vous voulez mon avis, c’est bien la première fois qu’il en faisait preuve... » Une larme était alors perceptible sur la joue immaculée et brillante de la jeune femme. « Sachez simplement que j’ai parcouru le Monde des Douze (du moins, c’est comme cela qu’on l’appelait encore, à l’époque...) en large et en travers avec le petit Inory. Bien avant qu’il se fasse appeler Mr Charançon d’ailleurs. Arrivé un moment, nous pensions avoir tout vu du monde extérieur. Je pensais lui avoir appris tout ce que je savais. Jusqu’au jour où nous sommes tombés sur ce passage secret, tout au fond du labyrinthe du Minotoror... Nous nous y sommes bien sûr jetés, ayant assez confiance en nos pouvoirs respectifs pour affronter tout type de situation. Je me souviens simplement d’un portail, mais d’un tout autre genre que celui d’un Eliotrope.
Je ne m’attends pas ce que vous me croyez, mais nous venions de découvrir la dimension mère de toute autre dans le Krosmoz. Nous avions rencontré en personne la Grande Déesse et le Grand Dragon. Tout le monde en Amakna les pensaient éteins à tout jamais. Notre entrevue fut courte mais extrêmement dramatique et constructive. Dès notre retour, je souhaitais crier des plus hautes tours de toutes les cités d’Amakna ce que nous avions découvert.
C’est à ce moment là qu’Inory a été plus sage que moi.
Il m’a convaincu que le Monde des Douze n’était pas prêt pour entendre ce que nous avions à dire. Sur le coup, je n’étais pas d’accord avec lui. La situation était si grave que selon moi, les gens devaient être au courant, pour agir.
Nous nous sommes alors fortement disputés et nous sommes séparés à tout jamais. C’était là ses dernières paroles pour moi. Une mise en garde. En revanche, après avoir pris du recul sur la situation, je me suis rapproché de son avis et j’ai donc décider d’attendre le bon moment... que je choisis maintenant comme étant celui-ci, qui, ironiquement, s’avère être causé par sa mort... »
L’auditoire était stoïque. Plus un bruit.
Les gens réunis dans la grande salle semblaient même avoir oublié ce pourquoi ils étaient là.
Alors la jeune femme (?) comprit qu’elle avait capté l’attention de tous.
Elle sorti de sa cape un objet ressemblant à une boule de cristal. Soudain, les lumières des quelques bougies furent soufflées et un récit « rétro projeté » à 360º dans la grande salle émanait de la boule.
« Le cataclysme venant du Sud est déjà en marche. Une nouvelle classe aux pouvoirs étranges, représentant un Dieu oublié depuis longtemps, va bientôt refaire surface. Nul ne pourra les arrêter. Anges et Démons tomberont, et les cités ennemies devront s’unir ou périr. »
La boule de cristal perdit de son éclat et la grande salle repris son aspect initial.
Des « glups » se firent entendre. Alors la jeune femme pris la parole pour la dernière fois avant de disparaître :
« Je m’en remets à vous. Inory avait raison de ne pas révéler cette prédiction faite par la Grande Déesse elle-même. Bonta et Brakmar se livraient alors une guerre sans merci, leurs citoyens se traquaient les uns les autres... Mais aujourd’hui, les vieilles querelles semblent s’être apaisées et je caresse l’espoir que nous saurons tous ensemble nous unir contre cette nouvelle menace. »
Sur ces mots, la jeune femme déposa la boule de cristal dans la malle.
Tout le monde compris alors qu’il s’agissait ici de la plus grande découverte de Mr Charançon.
Ou plutôt, « d’Inory », à en croire la femme qui s’était maintenant évaporé sous les yeux de tous les autres prétendants.
Dans la salle, on commençait à entendre déjà des messes basses...
« Est ce que nous venons d’être témoin de l’apparition d’une Déesse ? »
« Pensez-vous que c’est réel ?! »
...
« Môa être Bworkatre, chef tribu Valôa. Môa raconter à vous rencontre avec Françôa Charançon. Lui venir chez môa pendant guerre de Sentan contre tribu bwork de Pandala. Lui voulôar parler avec mages de tribu pour aider nous. Françôa parler longtemps avec mages. Après discussion lui avôar idée : lui penser que nous devôar prendre sang gob pour gagner. »
Bworkatre sortit une petite fiole remplie d’un liquide rougeâtre. Il dit : « Ça être sang gob ! » Et il avala le contenu de la fiole d’un coup. Après quelques secondes de silence, il releva la tête pour émettre un rot disgracieux. Et continua son histoire :
« Le sang de gob rouge permet aux bworks de parler comme les douziens, grâce à ça, il voulait nous aider à préparer le plan de notre prochaine bataille. Je ne sais pas pourquoi il voulait nous aider d’ailleurs.» La créature verte se tourna vers la famille du défunt en disant : « Il était très altruiste !» Puis il reprit son récit :
«La guerre était compliquée parce que les Bworkignons —la tribu de Pandala— avaient pris un net avantage. Toutes les dernières batailles, ils les avaient gagnées, ils nous avaient volé une grande partie de notre territoire et tué un bon nombre de nos soldats. Mais savez, quand on est bwork on ne doit jamais abandonner ! En même temps, qui pourrait refuser la baaaaaaaaaston!!!»
Le guerrier avait hurlé ces derniers mots. Il s’arrêta quelques secondes pour sonder son public. Sa blague n’avait pas eu l’effet qu’il souhaitait…
« Enfin… Nous étions perdus d’avance et nous n’avions plus rien à perdre. De plus, Mama d’Arque, la plus grande guerrière de la tribu l’avait prévu dans une de ses prophéties. Cette prophétie disait que quand nous serions proches de la victoire, un douzien viendra et nous aidera. Ce n’était la première fois que l’une de ses prophéties se réalisait. C’est pour cela que nous décidâmes de faire confiance à François.»
Le bwork fît une petite pause pour capter un peu plus l’attention de son auditoire. Il attendit quelques secondes avant d’annoncer :
« Sous sa demande, nous regroupâmes tous nos meilleurs guerriers : Bworkrash le chef des archers, reconnaissable à son casque doré, Bworkadabra le chef des mages et aussi le seul de la tribu ayant des poils blancs, Bworkoupeurdetête celui qui s’occupait des trolls et qui portait bien son nom, Bworkekrazeur l’homme des catapultes et enfin Mama d’Arque.La discussion se fit autour d’une table sur laquelle était posé du sanglier et surtout de nombreuses bières. Mais François ne voulait pas que l’on prenne trop de bière. Il disait que la bière, on la boirait demain sur le champ de bataille.
Il préféra faire boire du sang de gob à tout le monde. Comme ça, il pourrait plus facilement nous comprendre.
La soirée passa vite. Chacun parlait, donnait ses idées et surtout, s’écoutait. Je crois d’ailleurs que c’est la seule fois qu'une réunion de guerre ne s’est pas terminée en une baston… Cependant, au plein milieu de la soirée Mama d’Arque tomba au sol. Elle resta de longues secondes sans bouger. François était livide ! Puis elle se releva d’un coup avec un grand sourire, —et une dent en moins—, elle venait de trouver une nouvelle prophétie : Elle devait partir seule devant toute la tribu à l’assaut.
Cette nouvelle nous fit bondir de joie : Nous étions assurés de gagner. François, lui était moins d’accords. Il ne voulait pas que Mama parte devant toute seule au milieu de cette boucherie. Mama se mit en colère. Ils devaient suivre sa prophétie, quoi que cela puisse leur coûter et ce n’est pas un douzien qui allait l’empêcher !»
Il s'arrêta pour dire : «Moi, je ne me faisais pas de soucis pour Mama, elle allait les écraser !» avant de reprendre :
«Nous arrivâmes enfin à nous mettre d’accord quelques heures avant le lever du jour. Notre plan était le suivant : Mama allait partir seule en courant, devant, suivie par la moitié des soldats bworks qu’elle dirigera. Les archers, les mages et les catapultes la couvriraient de loin et enfin, quand toute l’armée adverse sera engagée, la seconde moitié des soldats partirait accompagnée des trolls pour l’effet de surprise.
Le matin, les troupes furent levées à l’aube. Il fallait préparer tout le monde à la bataille. Nous sortîmes tout un arsenal pour nous occuper de la tribu : Haches, masses, épées, lances...
Tous les bworklonels devaient s’occuper de leurs disciples pour leur expliquer ce que chacun devait faire, et moi, je devais me consacrer au discours d’avant-guerre. Il devait être incroyable parce que ça pourrait être le dernier que ma tribu entendrait !»
Le vert s’arrêta quelques secondes pour créer un petit suspense avant de dire :
«Vous savez, c’est important chez les bworks ces discours. Il parait que pendant le Bworkdrift le bworklonel Planbworksek aurait refusé de dire ce discours. Et vous savez comment ça s’est finis ? Les tripes à l’air ! »
Bworkatre éclata de rire, mais s’arrêta vite en remarquant que personne ne rigolait. Les douziens ne sont décidément plus ce qu’ils étaient… Il soupira avant de dire :
« Bref, l’heure de la bataille arriva. Nous étions sur une plaine entourée d’une forêt. J’annonçais donc une dernière fois le plan pour que tout le monde soit bien prêt. Les catapultes, les mages et les archers devaient rester à cent kamamètres de la première moitié des soldats bworks et les autres devaient s’éparpiller dans le bois pour attaquer par surprise. Je criais donc quelques mots encourageant à mes hommes. Ils répondirent en poussant des hurlements de bêtes.
Mama partit alors devant en criant. Quand elle eut pris 20 kamamètres d’avance nous pûmes enfin apercevoir nos ennemis en face. Ils étaient en train de courir. Bworkoupeurdetête s’élança en tonnant : « Baaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaston!».Tous se mirent à le suivre… Archers, mages, soldats, et même les trolls étaient emportés par le mouvement du groupe !
On avait oublié une chose… Ils étaient bworks et ils n’avaient pas pris de sang de gob.
Je regardais Bworkrash et Bworkadabra, ils n’étaient pas partis. Il ne fallut qu’une seconde pour que l’on parte à notre tour en criant.
Bworkekrazeur était derrière et préparait les catapultes pour envoyer leurs munitions.»
Le bwork fit une énième pause. Il brandit sa masse et la fit tournoyer pour animer son récit.
« J’arrivai sur le champ de bataille quelques secondes après tout le monde et je commençai par écraser la tête d’un ennemi contre le sol avec ma masse. Puis, je levai la tête et je vis avec stupeur quelque chose : Notre guerrière avait été capturée par la tribu ennemie. Elle était dans une cage de bambou surmontée de longues lances sur lequel se trouvait Bworkrameur, le chef des Bworkignons. Il mesurait au moins deux kamamètres et son corps était parsemé de cicatrices. Il se battait avec une torche et un sabre.
Je m’avançais vers lui pour lui faire goûter ma masse. Mais je fus bloqué par deux petits bworks qui essayaient de me trancher les bras. Je me débarrassai du premier sans trop de problèmes, mais pour le second, ce fut plus compliqué. Il esquivait tous les coups que j’essayais de lui asséner. Le combat durait depuis trop longtemps et j’en eus marre. Je décidai donc de lancer ma masse pour qu’elle vienne s’écraser sur sa tête, sauf que le bwork se baissa et l’esquiva. Je pris donc mon bouclier pour me protéger de ses assauts le temps de retrouver une arme au sol, mais nous fûmes interrompus par un hurlement énorme.
Je levais les yeux vers la cage de Mama : elle était en feu, et Bworkrameur s’était écrasé sur un des pics de la prison en bambou. Tous les bworks de pandala s’arrêtèrent, et moi, je courrais vers la cage en feu ! Je ramassai une hache près de la cage et sectionnais les bambous. Mama s’extirpa de sa prison brûlante et m’asséna un puissant coup de ma masse sur la tête. Comme ça.»
Le bwork avait mimé tous les gestes qu’il avait décrit pendant son récit avec la masse, et il mima aussi le dernier en se donnant un grand coup de masse dans la tête. Il prit quelques secondes avant de se redresser en frottant sa tête et de continuer son histoire :
« Môa être assomé pendant reste bataille, mais nous gagner. Mama dire que môa assommer Bworkrameur avec masse. Nous faire kdô Françôa : masse. Lui gagner avec nous, môa dire lui que lui pouvoir venir campement Bworkatre quand il voulôar.»
Le bwork se dirigea vers le coffre en se frottant la tête et reposa sa masse avant de reprendre sa place au second rang.
Et maintenant, me voilà, dans cette grande pièce avec plein de gens qui, comme moi, ont connu Charançon. Comme moi ? Tous ont l’air effondrés par sa disparition, sauf ce vieil Enutrof, là-bas, qui va choper un torticolis à force de reluquer les pièces en or exposées un peu partout. Le plafond est trop haut, l’estrade trop grande, le tapis central trop vieux – peut-être aussi vieux que l’était Charançon. Il a mis mon nom sur la liste des contributeurs à sa collection parce qu’il ne pouvait pas mettre le nom de mes parents. Je le sais. Parce que Papa et Maman ne sont plus là, parce que je suis toute seule, maintenant. Je passe une main lasse dans mes longs cheveux blonds peroxydés, j’époussète mes épaules et je prends une grande inspiration.
Pourquoi est-ce que je fais ça ? Est-ce que l’héritage du vieux m’intéresse ? J’aime penser que je le fais pour l’argent. Je vis chez Asky, en ce moment, et je sais qu’il n’ose pas me dire que ça l’embête. Il veut faire ses soirées poker tranquille mais moi, en bon parasite, je l’empêche de faire tourner son business. Oui, je pourrai me convaincre que c’est pour l’argent, pour pouvoir laisser Asky tranquille et prendre mon chez-moi, à Astrub ou à Bonta, peut-être. Mais ce n’est pas ça. Je le fais parce que Papa et Maman auraient voulu que je le fasse. Je fais claquer ma langue contre mon palais. C’est fou ce que les parents, même quand ils ne sont plus là – surtout quand ils ne sont plus là – peuvent mettre comme pression sur les épaules de leur petite fille chérie.
Assise sur cette petite chaise peu confortable, enfin, je regarde ce que les autres ont à dire. Le notaire a une tête de notaire, c’est-à-dire qu’il a des petites lunettes rondes et un air trop sérieux. Il aurait bien besoin de vacances à Moon, lui aussi… Je jette un coup d’œil à la famille du défunt, en me demandant ce qu’ils pensent vraiment de la mort de Charançon. Toute cette cérémonie peut-elle avoir un fond de sincérité ? Est-ce la disparition de Papa et Maman qui m’a rendue si cynique ?
Ah, le concours d’hypocrisie commence. Je réalise enfin que je vais devoir me prêter à cet exercice, et toute ma confiance en moi s’évapore. Je vais devoir parler devant tous ces gens que je ne connais pas, d’un type que je n’aimais pas, et il faudra sans doute que je vante la qualité de collectionneur de Charançon, que je dise à quel point notre expédition fut exceptionnelle, et tout le toutim. Il y a un Osamodas, comme moi, qui prend la parole. Il doit avoir mon âge. Un ami de Charançon ? Eh bien, la cupidité est intergénérationnelle… J’apprends finalement que ce n’est pas l’argent qui a réuni ces deux-là, mais le Boufbowl. Je ne sais pas ce qui est pire, à vrai dire. Les mots « match », « stade », ont sur moi un effet étrange : dès que je les entends, je fais une crise d’urticaire. Je décroche rapidement de ce récit.
Et ils s’enchaînent, et j’en viens presque à changer d’avis sur Charançon. Enfin, je vois une ouverture, et je fonce. Plus vite ce sera fait… Je regarde vers le plafond : peut-être que Papa et Maman y sont cachés, depuis tout ce temps, et qu’ils pourront me donner du courage.
« Salut… Euh, bonjour à tous. Je… Je ne me souviens pas très bien de Monsieur Charançon lui-même, tenté-je. »
Je lance un regard à la famille et fixe mes pieds. C’est encore plus difficile que je ne l’aurais cru. Je me retourne rapidement : j’ai oublié l’objet en question ! Je fouille dans le coffre et en sort un tout petit flacon, contenant de la poudre argentée. Je le pose devant moi, bien à vue.
« C’était un ami de mes parents. On était parti en vacances à Moon, une fois, parce que comme beaucoup l’ont déjà dit, c’était un… un bon vivant. Mes parents ne sont plus là pour vous le dire, mais apparemment, Monsieur Charançon disait que Moon, c’était l’occasion de bronzer et de découvrir des objets exceptionnels tout en même temps. Il buvait du jus de Noadkoko à la paille puis il jonglait avec les coques quand elles étaient vides. Il a arrêté quand il m’en a envoyé une à la figure, sans faire exprès… Hum, enfin, désolée. C’est que ma mère était très en colère après ça, alors que mon père et Charançon se marraient bien… J’ai eu très mal, mais bon. Tout ça pour dire que nous étions à Moon, moi bien décidée à bouquiner sur la plage, Charançon et mes parents bien décidés à découvrir les mystères de l’île. Il voulait trouver un trésor, quelque chose d’une valeur inestimable… La nuit, on a fait un feu de camp sur la plage. Charançon est parti explorer la jungle tout seul, enfin, c’est ce qu’il disait, mais avant ça, il n’arrêtait pas de gigoter sur place comme s’il avait une envie pressante… »
Consciente que mon récit ne doit pas plaire à la famille, je sens mes joues chauffer. J’ai une furieuse envie de quitter l’estrade, de dire à tout le monde : « Laissez tomber, je m’en fiche ! » mais quelque chose me retient. J’emplis mes poumons d’air, si bien que je crois qu’ils peuvent exploser. Et je reprends.
« Donc, il est parti dans la jungle pour faire ce qu’il avait à faire, peu importe ce que c’était finalement. Mes parents préféraient rester avec moi, parce que j’étais petite en ce temps-là, et la jungle la nuit est dangereuse. Ensuite, je ne sais pas ce qui s’est passé. Je me suis endormie dans les bras de Mam… de ma mère, et quand je me suis réveillée, Charançon était revenu. Il n’avait pas dormi de la nuit. Il nous a dit qu’après son détour par la jungle, il était resté là, face à la mer où il aurait dû grandir, il répétait qu’il était trop jeune pour mourir, et que sais-je encore. Je n’y comprenais rien, je crois qu’il avait l’air triste. Il voulait retourner dans la jungle, la nuit suivante. J’avais beau rouspéter, je n’étais qu’une enfant, et ce ne sont pas les enfants qui décident : alors, on est restés à la belle étoile une nuit de plus. Cette fois-ci, ma mère est allée dans la jungle avec Charançon, et elle est revenue peu de temps après, bouleversée. Elle a dit à mon père d’aller voir, et le voilà parti dans la jungle. Moi, je ne comprenais rien. Je voulais pourtant voir ce qui se passait dans cette jungle… »
Arrivée à ce moment du récit, je sens ma main trembler, ma bouche devenir pâteuse.
« J’ai donc échappé à la vigilance de ma mère, qui était de toute façon trop bouleversée pour véritablement y faire attention. Je suis entrée dans la jungle, j’ai cherché mon père et Charançon… Je voulais savoir… Alors, j’ai aperçu une lumière argentée entre les feuilles épaisses et humides de la jungle. Devant la sphère bleu argent, deux silhouettes : celle de mon père et celle de Monsieur Charançon. Ils se chuchotaient des choses étranges : ils disaient que c’était la brume lunaire descendue sur terre, que c’était l’enfant interdit de la Lune et du Soleil, réduit à l’état de poussière suspendue dans les airs, et qu’il leur parlait à travers leur crâne… Déjà consciente des herbes étranges qui peuvent se trouver à Moon, j’ai pensé qu’ils étaient en train de délirer totalement… Mais sans m’en rendre compte, je m’étais mise à franchir les feuillages pour rejoindre la lumière, je ne contrôlais plus mes pieds… Papa et Charançon se sont tournés vers moi, surpris, et Papa m’a attrapée et serrée dans ses bras. Il me disait de ne pas y aller, que je ne supporterai pas ce sentiment si fort, que j’étais trop petite… Vous savez, les enfants sont toujours trop petits aux yeux de leurs parents. Charançon, voyant que j’étais en sécurité, s’est assis face à la lumière argentée et a attendu. Mon père s’est retourné juste à temps pour le voir se faire absorber par la sphère, il m’a lâchée et s’est jeté sur Charançon pour le sortir de là. On a tous quittés la jungle. Le lendemain, nous avons carrément quitté l’île. »
Mon auditoire pense peut-être que mon récit ne mène nulle part, mais qu’importe. Le souvenir de cet épisode me fait presque monter les larmes aux yeux. Est-ce pour cette raison que je hais Charançon, finalement ?
« Deux mois plus tard, on a reçu un flacon similaire à celui-ci à la maison, dis-je en agitant le flacon entre mes doigts. Il y avait une petite étiquette dessus : Amour. Essence d’enfant de Lune. Mon père l’a enfermé dans un placard, pestant contre Charançon, qui avait eu la folie de retourner à Moon pour récupérer la poudre volante. La nuit, une lumière bleue et argentée s’échappait du placard. Mes parents ont passé leur vie à chercher l’utilité de cette poudre, à l’étudier… Leurs recherches les ont menés jusqu’à Frigost, où ils ont… D’où ils ne sont jamais revenus… Et le flacon non plus… Et il y a peu, j’ai appris que Charançon n’était plus là non plus, mais qu’il avait laissé son propre échantillon d’essence d’enfant de Lune. »
Je n’ai aucune envie d’élaborer une conclusion digne de ce nom à mon discours. Je crois qu’il se suffit à lui-même.
« Je… Je crois que c’est tout. Merci… merci pour votre attention, dis-je à mi-voix avant de quitter rapidement l’estrade. »
Je ne cherche pas la moindre réaction de la famille de Charançon : je sais qu’il n’y en aura pas. Je pense plutôt à Papa et Maman, mes yeux verts, embués, hésitant étrangement entre désespoir et détermination. Je l'ai fait, et je le ferai pour vous, pensé-je.
Je songe à toute ses soirées à ses cotées à griller des marshmallows aux landes, il m’en a raconter des belles et des moin belles; qui m’ont bien fait rire sur le moment , je l’avoue. Il avait ce je ne sais quoi pour raconter ses exploit tel une mamansot qui raconte sa journée sur le lac à ses timansot d’une voix tellement douce avant de s’en dormir.
Un de ses fameux soir il m’avait raconté qu’une dragodinde l’avait poursuivi jusqu'à bonta, elle était tellement furieuse, il avait juste voulu l’aider à remettre son oeuf dans le nid ..
Haaa .. il etait comme ça mon vieil ami; d’un coup de bec elle lui avait déchiré une partie de son pantalon, j’en rie encore en y pensant, il m’avait expliqué qu’il courait tellement vite qu’arriver au champ de cania il avait le pantalon aux chevilles et que pour pouvoir courir plus vite, il avait finit pas le retirer et a fini sa course contre elle en caleçon, j’imaginai et j’imagine encore la tête du tavernier quand il l’a vue débouler en slip dans sa taverne .
Une larme coula le long de ma joue; quand j’entendis plusieurs raclement de gorge, je sortit de mes pensées,j'étais vissé à ma chaise dans ce cabinet notarial, le vieux notaire Maître Thierry Tage qui m’avais appris le décès de mon mentor me regardait fixement. Avais-je pensé tout haut ? Pourquoi tout le monde me regardait ?
Qu’es qu’ils sont bizaaardd tout ces gens certes avec les histoires que François me racontais j’en identifie quelqu’un a leur allure douteuse et d’autres pas du tout !! Un enutrof avec des kamas a la place des yeux, un xelor avec un air malicieux, une bworkette .. Tellement de monde et ils en manque surement plus de la moitiée, j’ai même vue quelque enfants .. J’avais leur âge - me dit je
Je me leva sans plus attendre et me dirigea vers le pupitre qui attendait mon récit et me lança:
Charançon me répétait constamment “ ma petite tu n’as aucun talent pour raconter des histoires, il disait que j’y mettait trop d'émotion” et que même si j'étais impitoyable face aux roublard et aux traître de bonta, mon coeur était bien trop gros, mais en ce jour, j'espère que vous m’en voudrez pas trop si je verse quelque larmes. Tournant le dos aux autres aventuriers qui attendait patiemment mon aventure, je fis quelque pas vers le coffre de mon vieille ami, qui pour ce jour était grand ouvert , j’y plongea ma main et en ressortit un tissu blanc immaculé, avec deux trou et retournant vers le pupitre j’y passa mes doigt, en me souvenant, en souriant et en racontant ..
Gambada entre les roulettes des artiste et les majestueuses tentes, ma mission était d’entrer dans la maison de fantôme et d’y rester au moin 1 heure.
Une fois à l'intérieur je me suis aperçue très vite que je n'étais pas la bienvenue, la porte derrière moi c'était refermé et un vent glacial avait fait claquer les fenêtres, prise au piège dans ce lieu inconnu, me laissant aucun moyen de sortir, j’avais peur.
La maison gronda de fureur, un tel brouhaha venait des autres pièces, des bruits d’acier qui s’entre choquent se faisait entendre, je n’arrivait pas vraiment à identifier tous les bruits mais prise d’une envie de m'échapper de ce lieu hostile, je me suis mise a courir vers toutes les portes que je pouvais apercevoir mais, elles étaient toute clause.
Telle une pelote de laine pour l'ecaflip je me suis mis en boule derrière un vieux canapé tout poisseux et supplia qu’on me vienne en aide. Chaque seconde me semblait des heures et chaque minutes était une éternité. La maison se fit silencieuse, je redressa ma tête et sentit tout à coup que je n'étais pas seul, une respiration ou plutôt un souffle de fit sentir dans ma nuque, je hurla à plein poumon et fit face à mon adversaire prête à sauver ma vie quoi qu’il puisse m’en coûter!
Je tomba nez à nez avec un fantôme, un crie d’effroie se fit entendre dans la petite demeure du cirque de cania et un bruit de verre brisé au sol retentissa !
Bon j’avoue.. Le cris c'était moi.. Ben quoi après tout j'étais jeune et face à un fantôme; j’avais peur et c’est là, à cet instant précis que je fis la connaissance de François .. ENFIN... Mr Charançon, comme vous vous en douter le verre, c'était lui. Il était passé à travers la fenêtre en entendant mon cris, il se metta immédiatement devant moi pour me protéger et arracha le tissu blanc à son propriétaire et on tomba nez à nez avec boostache le maître des lieux.
Après une lutte acharné mais victorieuse, il me sortit de cet enfer. Une centaine de remerciement s’en suivis et on fis connaissance, je lui parla de moi et de ses jeunes que j’essayai d’impressionner. Il me parla de lui, il recherchait un des gobelin qui travaillait au cirque mais sa recherche avait été un échec puisque le gobelin avait déjà pris la fuite et puis il m’as entendu.
En me ramenant chez moi au dos de sa dragodinde on discuta de tout et de rien, de ses aventures et bien évidemment comme vous vous en doutez , on se lia d’amitié ce soir là. La nuit avait été longue en émotion et je venais de rencontrer celui qui allait devenir mon mentor, arrivé devant ma bicoque, il me tendit le tissu en me disant :
- Jeune aventurière voici ton premier trophée,garde-le précieusement, il sera la preuve que tu as combattu avec honneur, plus jamais boostache, ne pourra se cacher à présent !
Sachant qu’il faisait collection d’objet rare et loufoque, je lui demanda de le garder précieusement pour que l’on se rappelle toujours de ce jour où notre amitié né et où boostache a perdu son voile. A partir de ce jour on se vit chaque mois ou presque , il me racontait ses aventures avec certain d’entre vous et d’autres qu’il a vécu seul ..mon récit finis, une larme salée coula le long de ma joue et atterrit au creux de mes lèvres, je me redressa et aperçut les yeux lointains de mes auditeurs , ils devaient surement pensée eux aussi à leur vieil ami , Antonin qui devait penser à leurs partie de boufbowl, Dophilepe Sasel qui devait s’imaginer sur le dos de sa karne … ô mon dieu faites que où qu’il soit , chaque jour pour lui soit une aventure extraordinaire..
Il plongea ses mains dans la boîte, émerveillé par tous les trésors qu’elle contenait. Il chercha pendant une vingtaine de secondes avec la même excitation que lorsqu’il découvre le contenu d’un trésor, espérant trouver des objets de valeur parmi les roses des sables qu’ils renferment toujours. A mesure qu’il poursuivait sa fouille intense, Cornélius commençait à se demander si ses espoirs de trouver ce qu’il cherchait dans ce coffre étaient réellement fondés. En effet, la relique sur laquelle il tentait de mettre la main avait une grande valeur sentimentale pour lui, mais il commençait à douter qu’il en était de même pour Monsieur Charançon.
Après plus d’une minute de recherches, Cornélius dû se résoudre à l’évidence : Monsieur Charançon n’avait pas conservé le souvenir de leur rencontre. En bon chasseur de trésor qu’il était, Cornélius avait l’habitude d’être déçu. Mais ce sentiment qui naissait en lui à ce moment-là n’avait rien de comparable. Il était envahi d’une profonde tristesse mais également d’un sentiment de honte, et d’une certaine incompréhension.
Alors qu’il s’apprêtait à affronter les regards des autres convives, Cornélius commença à éprouver de la rancœur pour Charançon. Certes, il n’était encore qu’un enfant lorsqu’il a vu le collectionneur pour la dernière fois et l’objet qu’il avait conservé de leur expédition n’avait aucune valeur pécuniaire, mais Charançon avait manqué à sa parole et Cornélius lui en voulait terriblement.
En se dirigeant vers la sortie, Cornélius réalisa qu’il aurait souhaité ne jamais s’être levé, ne jamais s’être présenté à cette cérémonie. Ainsi, il aurait pu garder en mémoire l’image idéaliste qu’il se faisait de Monsieur Charançon. En écoutant les premiers témoignages des nombreuses personnes présentes dans la salle, Cornélius avait déjà commencé à se questionner sur l’importance que pouvait porter Charançon à la courte et infructueuse aventure qu’ils avaient vécue ensemble. Mais la réponse qu’il venait d’obtenir dépassait de loin toutes ses craintes.
Alors qu’il se dirigeait toujours vers les portes, Cornélius se souvint que celles-ci étaient verrouillées et qu’elles devaient le rester jusqu’à ce que chacun ait eu l’occasion de témoigner. Cependant, il n’avait aucun envie de retourner à sa place après ce qu’il venait de se passer, mais il ne se sentait pas non plus capable de raconter son histoire tout en sachant que Charançon n’en avait rien conservé. Il s’était donc arrêté, net, à coté de la chaise d’une vieille dame. Cornélius tourna timidement son regard vers celui de cette femme qui l’observait avec compassion. Elle le motiva à raconter son histoire, lui expliquant que toutes les anecdotes concernant Monsieur Charançon étaient les bienvenues ce jour-là, qu’elles soient tout à fait épiques ou davantage triviales. Après quelques secondes de réflexions, raconter son histoire lui sembla être la meilleure option. Le jeune homme tourna alors les talons pour se diriger vers le pupitre. Il essuya les larmes sur ses joues, frotta nerveusement ses mains sur son pantalon et se râcla la gorge.
« Veuillez excuser ce petit contretemps, je ne suis pas parvenu à mettre la main sur l’objet qui me lie à notre ami, Monsieur Charançon. Peut-être que cet objet n’avait pas la même importance à ses yeux qu’aux miens, mais en entendant les nombreux témoignages qui se succèdent depuis le début de l’après-midi, je comprends que notre rencontre ne l’ait pas marqué davantage. Mon nom est Cornélius Ledonnier. Monsieur Charançon et moi ne nous sommes rencontrés qu’à deux reprises, il y a une douzaine d’années. J’avais alors à peine huit ans. Je venais de perdre ma mère et mon père travaillait d’arrache-pied à l’atelier de Bowisse, le cordonnier d’Amakna, pour nous permettre de vivre décemment. Je n’avais ni frère ni sœur et pas vraiment d’ami non plus. Ainsi, j’étais souvent seul à cette époque et mon père n’aimait pas que je traîne avec lui dans l’atelier car on y trouvait toutes sortes d’outils dangereux. Durant l’une de mes escapades, j’ai découvert, derrière un rocher, un passage vers un endroit gardé secret. Celui-ci se résumait en une petite clairière au milieu de laquelle se trouvait une vieille chaumière qui semblait abandonnée. J’appréciais cet endroit pour son charme, mais aussi pour le calme qui y régnait. Cependant, il n’y avait pas grand-chose à faire dans cet endroit et cette maison, qui semblait inhabitée, attisait ma curiosité. Je me souviens que, durant mon enfance, j’avais toujours souhaité avoir une petite cabane à moi, où j’aurais pu, à ma guise, m’isoler du monde extérieur. Vous comprendrez donc aisément que cette demeure, aussi modeste était-elle, représentait pour moi un véritable fantasme. La porte de la bâtisse était naturellement verrouillée, mais je m’étais rapidement aperçu qu’une des fenêtres à l’étage était légèrement entre-ouverte. C’est ainsi que, un jour d’été, à l’aube, j’ai emprunté une corde dans l’atelier de Bowisse et je m’en suis servi pour atteindre cette fameuse ouverture. Contrairement à ce que j’avais pu imaginer, l’intérieur de l’édifice montrait que celui-ci était loin d’être abandonné. Si la poussière sur les meubles me confirmait que personne n’avait mis les pieds ici depuis quelques mois, la maison était loin d’être en ruines. J’ai ainsi passé la journée – et toutes les suivantes – à me prendre pour le maître des lieux. Après quelques semaines à passer le plus clair de mon temps entre ses murs, je connaissais la maison absolument par cœur bien que celle-ci renfermait de nombreux trésors. Vous l’aurez compris, cette maison était celle de Monsieur Charançon, du moins celle dans laquelle il exposait sa collection. A cette époque, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais de pouvoir admirer un si grand nombre d’objets à la fois uniques et précieux.
Malheureusement pour moi, le rêve ne dura pas. Comme ma relation avec mon père était loin d’être parfaite, il m’est quelques fois arrivé de m’enfuir de la maison et de me réfugier dans cette demeure que j’ignorais être celle de Monsieur Charançon. Ainsi, lorsqu’il rentra de la longue expédition qui l’avait tenu éloigné de chez lui pendant si longtemps, il me trouva assis en train de contempler les reflets du Cœur Gelé dont j’ignorais l’histoire, jusqu’à ce matin encore.
J’ai toujours été très reconnaissant envers Monsieur Charançon de ne pas avoir parlé de mon intrusion à mon père. Cependant, il m’a fait jurer de ne plus jamais mettre les pieds dans sa maison, m’expliquant que la présence d’un enfant de huit ans au milieu d’objets aussi précieux que fragiles n’avait rien de rassurant. Nous étions également arrivés à un compromis : j’avais toujours le droit de venir dans la clairière à condition que je n’en parle à personne.
Durant notre courte entrevue de ce jour-là, je me souviens lui avoir fait part de ma curiosité et de mes envies d’aventure, comme pour justifier ce que j’avais fait. Et il semblerait que l’information ne soit pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Ainsi, quelques mois plus tard, Monsieur Charançon vint à ma rencontre alors que je profitais de ce qui était, en fin de compte, rien d’autre que son jardin. Il m’expliqua qu’il avait besoin de quelqu’un de courageux pour remplir une mission qui lui permettrait peut-être de mettre la main sur un objet de grande valeur. Excité par son intrigante proposition, j’acceptai sans réfléchir, et Charançon m’emmena avec lui en direction du Zaap le plus proche. Durant le trajet, le collectionneur me donna davantage de détails. Il avait entendu dire qu’un deuxième Bouftou Royal avait fait son apparition dans le donjon de Tainéla, et que la querelle pour le trône avait mis le village sans dessus dessous. Ainsi, le berger Rotabla, en charge du donjon, avait lancé un appel afin de dénicher des aventuriers capables de remettre de l’ordre dans tout ça. Cependant, il refusait catégoriquement que quiconque entre seul dans l’antre du Bouftou Royal, car il craignait que la présence de deux gardiens ne rende la tâche impossible à un aventurier solitaire. Mais Charançon avait une autre théorie : nous étions au début du mois de Javian et les wabbits venaient, comme à l’accoutumée, de cacher quelque part dans le Monde des Douze leur fameuse Couwonne du Wa Dunow. Il n’était sûr de rien, mais l’apparition d’une deuxième couronne dans le donjon des bouftous à cette période de l’année lui semblait être une drôle de coïncidence. Ainsi, d’après lui, le danger n’était pas plus grand que d’habitude et il ne doutait pas une seconde de sa capacité à nous sortir indemnes du donjon.
Nous empruntâmes le Zaap afin de nous rendre au village de Tainéla. C’était la première fois que j’utilisais ces étranges téléporteurs, non sans une certaine appréhension. Je me souviendrai toujours de la première fois où j’ai mis les pieds là-bas. Les tuiles bleu nuit sur les toits donnait à cet endroit un charme tout particulier. Nous nous présentâmes devant Rotabla afin qu’il nous laisse accéder au donjon. Celui-ci émit quelques réserves quant à ma capacité à sortir vivant de cet endroit, mais Charançon l’assura que j’étais déjà, malgré mon jeune âge, un combattant aguerri. Ce mensonge nous permis d’entrer dans la chaotique antre du Bouftou Royal. Etonnement, les trois premières salles étaient désertes, mais la quatrième était gardée par quatre Bouftous. L’un d’entre eux capta plus particulièrement mon attention car il était bien plus gros que les autres et portait, entre ses deux impressionnantes cornes, une couronne aux reflets dorés. Monsieur Charançon m’expliqua qu’il ne s’agissait pas du Bouftou Royal mais d’un Chef de Guerre Bouftou. Il me précisa également qu’il n’était pas sûr que la couronne sur sa tête était celle qu’il recherchait et m’avoua alors ne jamais l’avoir vu de ses propres yeux. Cependant, elle ne semblait pas correspondre à la description qu’on avait pu lui en faire. Le Chef de Guerre couronné ne tarda pas à lancer la charge, dans ma direction. Comme je ne m’étais jamais servi de mes pouvoirs lors d’un combat, tenter de me défendre s’annonçait périlleux. Je décidai alors de fuir, mais le Chef de Guerre était plus rapide que moi. Guidé par mon seul instinct de survie, j’ouvris un portail en face moi et un autre devant le mur de pierre qui se situait quelques mètres plus loin. Au dernier moment, je modifiai ma trajectoire afin d’éviter de franchir le portail. Le monstre, qui courait la tête la première, ne se rendit même pas compte qu’il avait traversé le portail et vint s’écraser contre le mur. La bête était blessée, mais il fallait encore lui donner le coup de grâce. Rassemblant toute mon énergie entre mes mains, je lançai le seul sort que je maîtrisai à travers le portail. Celui-ci frappa le monstre qui disparut dans un nuage de fumée, laissant simplement la couronne qu’il portait à même le sol. En me retournant en direction de Monsieur Charançon, je constatai que ce dernier était déjà venu à bout des trois autres monstres. Il s’approcha de la couronne et la ramassa. Il l’observa un instant, la soupesa et la jeta au sol dans un soupir, m’expliquant qu’il s’agissait d’un vulgaire jouet pour enfant.
Nous franchîmes alors la dernière porte, celle qui menait à la salle finale, et c’est alors que je le découvris. Le Bouftou Royal. Le vrai. Avec ses cornes absolument majestueuses aux extrémités dorées, il aurait fait passer le Chef de Guerre pour un vulgaire Boufton. Le gardien du donjon n’avait pas du tout l’air hostile et Charançon s’approcha de lui pour le caresser. Le Bouftou Royal se dirigea alors vers un bloc de pierre dans lequel était sculptée une statue à son effigie. D’un coup sec, il frappa sa corne contre celle-ci pour en détacher la partie dorée. Charançon ramassa le morceau de corne et m’accompagna jusqu’à la sortie. Dehors, Rotabla nous expliqua que le gardien du donjon nous avait fait cadeau de cette corne qui renferme une partie de sa puissance, en gage de sa gratitude. Il précisa cependant que des objets possédant des pouvoirs bien plus importants que ceux-ci étaient monnaie courante de nos jours dans le Monde des Douze, et que celle-ci n’avait pas vraiment d’autre valeur que celle que l’on pouvait lui accorder, Charançon et moi, de façon symbolique. Devant la déception de Charançon, Rotabla conclut en nous faisant remarquer que le parfait état de la corne en faisait un remarquable objet de collection. Je me suis rendu compte plus tard que Rotabla avait surtout dit ça pour consoler Charançon et que cet objet ne restait rien d’autre qu’une corne de Bouftou Royal. Le collectionneur ne cachait pas sa déception de ne pas avoir mis la main sur la Couwonne du Wa Dunow ce jour-là.
Par la suite, nous avions convenu qu’il était préférable que Charançon conserve la corne, afin que mon père ne découvre pas notre secret. Il jura alors qu’il la garderait précieusement mais, finalement, je comprends qu’il ne l’ait pas fait, et je me rends compte à présent que prétendre à cet héritage était présomptueux de ma part. Je n’ai plus jamais croisé la route de Charançon après ce jour et, si ma rencontre avec lui a complètement bouleversé mon enfance, il est évident, et tout à fait normal, qu’il n’en ait pas gardé un souvenir aussi impérissable. »
Une fois que Cornélius eu finit son discours, une vieille dame se leva au premier rang. Il pensa d’abord qu’elle allait, à son tour, faire part de sa rencontre avec Monsieur Charançon mais, à sa grande surprise, la femme s’adressa à lui.
« Tu sais, jeune homme, j’ai déjà entendu cette histoire, et plus d’une fois. François adorait raconter sa rencontre avec toi, car, ce jour-là, il avait appris beaucoup de choses. En effet, le courage dont tu as fait preuve l’a beaucoup inspiré par la suite, mais ce n’est pas tout : après cette aventure, en prenant conscience du risque qu’il t’avait fait courir ce jour-là, il reconsidéra les limites de son imprudence et gagna énormément en sagesse, ce qui, croit-moi, lui a beaucoup rendu service ces dernières années. »
Cornélius fut très touché de découvrir ces révélations. Monsieur Charançon n’avait pas oublié leur rencontre, loin de là. Des larmes perlèrent de nouveau aux coins de ses yeux, mais cette fois-ci, il s’agissait de larmes de joie. Cependant, une question restait en suspens. Après avoir chaleureusement remercié la femme pour les précisions qu’elle venait d’apporter, il lui demanda si elle savait pourquoi la corne ne se trouvait pas dans le coffre, et elle lui répondit :
« De son vivant, François tenait beaucoup à garder cette corne toujours près de lui, c’est donc tout logiquement que nous allons l’enterrer avec. Au moment où je te parle, il la porte autour du cou. »
A peine avais-je fermé les yeux qu’un brouhaha voisin me tira de mon sommeil. Non loin, un bien étrange spectacle se déroulait : un regroupement de personnages tous aussi originaux que loufoques s’empressait de rentrer dans une grandiose penate Amaknienne. Curieux, je me faufilais rapidement parmi eux. J’entendais, ça et là, des conversations sur la mort d’un certain M.Charançon, autrefois grand aventurier. Mais un mot retint particulièrement mon attention, il était question d’un héritage...Ma roublardise me chuchota qu’il fallait agir.
Les personnes entraient, une à une, dans le bâtiment, visiblement sur invitation. D’un rapide coup d’oeil et grâce à mes dons je pus subtiliser l’identité d’un convié et j’entrai sans peine avec la foule.
Il s’agissait d’une étude notariale, présidée par un vieux Koalak : Maître Thierry Tage. Le déroulement était simple : chaque invité narrait le récit d’une aventure rocambolesque, relatant comment il avait fait l’acquisition, avec M. Charançon, d’un des objets rares présent dans la pièce.
Après plusieurs récits, vint alors mon tour. Je me leva et replaça droitement mon Nahitse . Je fouilla hasardeusement les coffres et en sortit une broderie encensée d’odeurs de chocolats, espérant qu’elles n’appartiennent à aucun convive. Par Ecaflip ! Je devais avoir fait le bon choix car personne ne broncha.
M’éclaircissant la voix, j’entamai mon aubade lyrique improvisée :
Osamodas téméraire ou grand-mère énergique,
Disciple Xélor, Bwork analphabète,
Ô récit extraordinaire de vos épopées épiques,
Vieillard charitable et autres ramasse-miettes,
Éleveur de Karne au destin tragique,
Laissez place à mon aubade poète,
Qui relate mes exploits héroïques !
Un matin parcourant les terres d’Amakna,
Dansant, virevoltant sur un air enjoué,
Quelle fut sa chance quand il me croisa,
Au détour d’un carrefour sur lequel je chantais.
«Hé toi là, le fougueux troubadour !»
Me lança t’il d’un air grave et sombre,
«Ton aide sans doute, sera d’un grand secours,
Mais sache que ce ne sera pas sans encombres...»
Ni une, ni deux, je l’accompagnai...
Nous marchâmes longtemps jusqu’aux abords d’un lac,
S’approchant de l’eau, son épée dégainée,
Il voulait combattre la prêtresse de Pwâk !
Ding Dong, aussitôt, nous partîmes,
A bord d’un engin atypique :
D’immenses cloches sublissimes,
Affolant mon indice glycémique !!
Spectacle burlesque dont nous fûmes témoins !
Le domaine et jusqu’à perte de vue,
Du chocolat jusqu’au moindre recoins,
Un paysage me laissant sur le...
A hauteur du temple nous arrivâmes,
Lorsque Charançon tira de sa besace,
Deux petites clefs du donjon de la Dame.
«Soyons prudent, elle est coriace..!»
S’en suivit une escarmouche Homérique,
Aux prises avec ses sbires sans pitié,
Quand enfin devant nous, maléfique,
La prêtresse nous dûmes affronter.
Terrible que ses châtiments !
Et ses innombrables maux,
Sa spatule tranche-gourmands
et ses Cloches du Kao !
Châtaignes, pains, tartes et beignets,
Ô grands champions valeureux,
Après des heures de baffrés acharnées,
Nous en sortîmes victorieux.
De retour vers les terres d’Amakna,
M. Charançon et moi éreintés,
Accoudés au comptoir de Linda,
Je sortis de la poche mon forfait.
Délicate broderie à la finesse sans pareille,
Dont l’odeur si enivrante et exquise,
Excita son goût des merveilles,
Il n’avait jamais vu semblable gourmandise.
D’une âme toujours philantrope
Au désespoir de ma roublarde fratrie
D’un cul-sec je finis ma choppe,
Comme héritage, lui léguai la broderie.
Haletant, je tira ma révérence et me rassis parmi les convives jetant des regards hésitants aux différents partis :
*Les avais-je convaincu ?*
De plus, il se demandait bien pourquoi il avait été invité puisqu’il n’avait aucun objet à présenter. Il connaissait le défunt depuis quelques mois à peine et bien qu’il eût un grand respect pour lui, il n’avait pas d’anecdote passionnante à raconter. Il avait écouté, un peu mélancolique, les histoires incroyables narrées sur l’estrade et plus les temps avançait, plus il regrettait d’avoir osé se présenter à la séance.
Abasourdi par l’aisance avec laquelle la précédente personne avait présenté son poème, Kucci la fixait alors qu’elle regagnait sa place et que le calme régnait sur l’assemblée. Personne ne semblait oser se lever pour prendre la parole. Le jeune félidé tenta alors de se donner du courage, il prit de longues secondes pour vérifier qu’il n’allait passer devant personne, avant de se lancer.
Après ce qui parut une intimité au jeune homme, la place semblait toujours libre. Il se leva alors et s’éclaircit la voix pour s’adresser à l’assemblée :
« Bonjour, messieurs, mesda-… »
Quelqu’un venait de se lever. Le sang de Kucci se glaça. Il s’interrompit net. Soudainement couvert de honte, il se rassit pour laisser la place à un grand gaillard qui s’avançait déjà sur l’estrade et n’avait pas l’air d’avoir seulement remarqué sa timide intervention. Il chercha quelques secondes dans la malle contenant les merveilles de Charançon et en sortit un petit anneau rouge qui semblait tout à fait banal. Il le tint alors bien en vue pour le présenter à l’auditoire.
L’homme était tout l’oppose de la condition de gringalet de Kucci. Il était très grand, avec une musculature bien sculptée et une grande tignasse brune en pagaille. Son visage avait quelque chose d’avenant, ce qui lui permettait, malgré sa carrure de mastodonte, d’inspirer la sympathie. On lui aurait donné une grosse quarantaine d’années, tout au plus. Il observa quelques secondes le bijou avant de prendre la parole.
« Bonjour, je m’appelle Lowice Mahile et je suis venu vous raconter les quelques mois où j’ai pu connaître François dans ma jeunesse. Je suis content de constater qu’il a gardé cet anneau, mais ça n’a rien d’étonnant, puisqu’il a un pouvoir particulier. Notre rencontre n’a rien d’exceptionnel, si ce n’est qu’elle est liée à sa passion pour le boufbowl. Quand j’étais encore un petit jeunot tout frais, j’étais inscrit au club de boufbowl local où il était entraîneur.»
Lowice s’arrêta alors pour regarder Marc Hingol et lui sourit. Il fut alors interpellé par l’attitude d’un jeune homme au premier rang qui avait l’air très mal à l’aise. En effet, Kucci était toujours paralysé par la honte après sa pathétique tentative de prise de parole. Il fixait le sol, incapable d’affronter le regard du grand brun. Ce dernier ne fit aucun commentaire et reprit alors son histoire :
« J’avais déjà entendu dire qu’il avait été très bon dans sa jeunesse et qu’il était devenu trop vieux pour concourir lui-même. Il nous entraînait pour continuer quand même à vivre sa passion. Il était plutôt apprécié par tous les boufbowleurs en herbe qu’il côtoyait, moi compris. Je jouais toujours au poste de bloqueur et j’avais cette prétention juvénile qui me faisait penser que j’allais devenir un grand sportif renommé dans le monde entier. »
Il esquissa un sourire, l’air quelque peu nostalgique.
« Je vous laisse imaginer ma stupéfaction, le jour où j’ai appris que je n’étais pas sélectionné par François pour un tournoi régional ! Quand il annonça sur le panneau d'affichage devant le stade les noms des joueurs sélectionnés, je n’y crus pas. J’étais persuadé qu’il s’agissait d’une erreur, d’un oubli. J’étais jeune et trop sûr de moi. »
En y repensant, il rit. Tout seul. L’assemblée lui offrait tout au plus un sourire.
« Qu’est-ce qu’ils sont coincés, il va falloir que je leur en mette plein la vue pour qu’ils réagissent. »
songea-t-il intérieurement. Il poursuivit :
« Je savais où François habitait. Je décidai alors de lui rendre visite sur le champ pour corriger cette teeeerrrrible erreur d’inattention de sa part.
Mais arrivé à hauteur de sa maison, je remarquai une femme qui en sortait, et le François qui essayait de la retenir ! Je me cachai alors bien vite pour éviter d’être repéré. En fait, c’était surtout pour joueur les fouineurs, parce que j’aimais me tenir au courant des ragots. Ils avaient l’air de se disputer. La femme était plutôt charmante pour son âge, la cinquantaine peut-être, comme François à l’époque. Il la suppliait de rester mais elle ne voulait pas. Je l’entendis dire qu’elle le trouvait charmant mais que ça ne faisait pas tout, qu’elle aimait les hommes de lettre. Elle finit par partir malgré les supplications de mon entraîneur.
J’attendis alors qu’il rentre pour me pointer quelques minutes plus tard à la porte. Il était irrité de me voir débarquer chez lui mais m’écouta. Je lui fis alors part de son « erreur » ».
Il fit des guillemets avec ses doigts, et balaya un peu la salle du regard. Les gens présents semblaient déjà un peu plus attentifs à son histoire.
« Mais il me fit très vite déchanter ! Il m’expliqua que je devais mes résultats en grande partie à ma condition physique mais que j’étais trop lent à réagir par rapport à d’autres joueurs plus compétents.
Je tombai des nues. Mon entraîneur osait nier mon talent - et il avait sans doute raison. Mais dans mon esprit de jeune homme, c’était inconcevable ! Il fallait que je trouve une raison qu’il me choisisse. Je lui promis de faire les meilleurs progrès jamais observés chez un jeune joueur et de me surpasser à chaque rencontre, mais il ne voulut rien entendre.
Il me fallut alors profiter de la situation ! Je lui dis que si j’arrivais à faire revenir sa dame, il devrait me sélectionnait. Il rit jaune. Puis il me montra l’objet posé sur sa table. C’était un cœur gelé. Il avait voulu lui offrir cette magnifique relique pour essayer une énième de gagner son cœur, mais rien n’y avait fait. »
Lowice se mit à regarder d’un air suspicieux le xélor qui avait auparavant conté l’histoire présumée de cet objet. Il n’en parla pas plus que ça et reprit.
« Je savais pourquoi elle ne voulait pas de lui. Et je connaissais également quelqu’un qui avait un objet capable de l’aider. Au marché du village se tenait toutes les semaines un vieil homme qui exposait son étalage de bijoux sur la place marchande. Il vendait des tas de joyaux contrefaits bon marché, mais ce n’était pas ça qui m’intéressait là. Il avait aussi, dans un coffret verrouillé, un anneau particulier, au prix exorbitant. À ma dernière visite du marché, le vieillard m’avait vanté ses vertus. »
Il présenta alors l’anneau une nouvelle fois à la salle en avançant sa main, paume vers le ciel.
« Je vous présente l’Amour du Verbe ! Ce petit anneau permet à son porteur d’exprimer ce qu’il souhaite sous la forme d’un poème. Les mots vous viennent tout seuls ! Plus la conviction est grande, plus c’est facile, et plus le poème est beau. C’était évidemment l’objet qu’il fallait à François pour conquérir le cœur de sa belle. Avec cette idée en tête, je promis à François de réussir et le lendemain, je partis voir le vieillard, décidant de lui céder mes économies et de lui faire confiance. Je n’avais pas d’autre solution de toute manière, et je voulais plus que tout participer à ce tournoi.
Une fois le précieux artefact en poche, je courus chez mon entraîneur pour le lui présenter. Je n’avais pas pris le temps de l’essayer puisque j’attendais de revoir François pour le faire. Il ne nous en laissa pas le temps. Aussitôt l’objet en main -ou plutôt à la main-, il partit à la rencontre de sa bienaimée. Il m’avait laissé tout seul sur place, c’est dire à quel point il était pressé.
Mais mes efforts avaient porté leurs fruits. Au prochain entraînement, j’appris que j’étais sélectionné en tant que bloqueur, pour participer au tournoi régional. »
Lowice eut un sourire fier
« Il y avait eu un oubli dans la formation de l’équipe ! »
Il y eut de nombreux rire dans l’assemblée.
« C’est maintenant ou jamais, j’ai leur attention, il faut que je les achève ! » pensa le gaillard.
« On a réussi à se hisser jusqu’à la finale du tournoi, et on l’a remporté ! François était si fier qu’il voulut me rendre l’anneau. Mais la joie de la victoire me suffisait. Donner cet anneau faisait parti du chemin parcouru pour en arriver là. Je décidai alors de le lui laisser. Quelques années plus tard, je fus invité au mariage de François. C'était fantastique : J'avais perdu mes petites économies mais je m'étais fait un très bon ami et j'avais eu mon moment de gloire sur le terrain de boufbowl ! Bon, je n’ai pas été un grand boufbowleur pour autant après ça. »
Nouveaux rires dans la salle.
« Mais laissez-moi vous montrer la puissance de cet anneau. Toi, viens par ici, je sais que tu avais envie de parler. »
Lowice adressa alors un grand sourire chaleureux à Kucci. Celui-ci resta l’espace d’une seconde stupéfait. Il ne s’attendait pas à être interpellé par le grand brun. Il hocha la tête vivement et se leva pour rejoindre l’estrade. Les quelques mètres qui l’en séparaient suffirent à montrer qu’il boitait sérieusement.
« Est-ce que tu voudrais essayer l’anneau ? J’ai vu que tu n’osais pas prendre la parole. »
Le félidé acquiesça sans un mot et Lowice lui enfila l’anneau autour de l’index. Kucci prit une grande inspiration puis se lança :
Mais je fus rattrapé par la pauvreté
Puis une bagarre a fait de moi un estropié
Et me voilà clochard, claudiquant, inactif.
J’ai rencontré deux hommes très coercitifs
Qui m’ont poussé au délit et manipulé
Korba, Pikel, ce sont leurs noms, furent arrêtés
Mais je reste toujours sans le sou et naïf
Je baissais les bras, attendant que vienne ma mort
Un homme bon me tendit la main, me donna tort
Il me redonna espoir ainsi qu’une maison
Je n’ai de lien avec aucun de ces trésors
Mais venais rendre hommage à mon gracieux mentor
Sans qui je ne serais plus, monsieur Charançon. »
Errant avec mélancolie dans les souvenirs heureux de leurs folles aventures, il avait à peine vu passer les jours le séparant de la convocation fatidique.
Le jour dît, il s'y était finalement rendu le coeur lourd. Une fois sur les lieux, un des scribes du notaire l'avait guidé jusqu'à sa place : une chaise en bout de rangée au deuxième rang. Dans son affliction, il remarqua la foule bruissante de profiteurs et , ou, d'amis fidèles venus rendre un dernier hommage à son vieil ami.
L'arrivée du petit Koalak calma rapidement le brouhaha ambiant... Le silence se fit encore plus profond lorsqu'il livra les dernières volontés du défunt. Si la plupart des convives en restèrent cois, cette dernière blague de la part de Charançon, réveilla chez lui l'étincelle de malice que l'annonce de sa mort avait provisoirement mouchée. Les termes du testament devaient paraitre loufoques à tous ceux qui n'avaient pas connu le vieux collectionneur aussi bien que lui, mais en réalité le vieil excentrique avait toujours adoré les histoires: "Qu'y a -t-il de plus intéressant que de découvrir un trésor? ... Et bien , l'aventure pour y parvenir bien sur !" .
Dès cet instant, toute son attention se porta sur les divers participants choisis par son compère pour participer à sa dernière aventure. Ils n'étaient pas tous très doués et on repérait vite les imposteurs de ceux qui avaient vraiment connus le défunt, mais tous: appâtés par les récompenses merveilleuses ou par leur volonté de rendre un dernier et vibrant hommage, firent un réel effort !
Quand enfin vint son tour, il se leva plein d'entrain, le pas vif et la démarche animée, il n'avait plus rien du vieil homme abattu qui était entré dans l'étude quelques heures plus tôt. Chaussant une paire de lorgnons, il entreprit de fouiller le coffre qui contenait dans souvenirs.
Une bonne partie de ce qu'il contenait venait de ses aventures communes avec Charençon, mais il lui fallut un moment pour trouver exactement ce qu'il cherchait. Poussant une exclamation satisfaite il se redressa brusquement et montra sa trouvaille à l'assistance.
Il s'agissait d'un sous. Un unique sous, brillant comme le soleil, posé sur un coussin de velours noir et protégé d'une petite vitrine cubique.
Bombant le torse, relevant le menton, il leva le bras afin que la lumière des lampes joue sur la pièce et que tous puissent l'admirer. Puis, après avoir pris une profonde inspiration, il commença son récit.
"Mesdames, Messieurs, Laissez moi vous présenter : le seul , l'unique, le merveilleux SOUS FETICHE !!!!"
Même si aucune des personnes présentes ne savait réellement de quoi il retournait, devant tant d'emphase dans la présentation de l'objet, tous poussèrent des OHHH et des AHHH émerveillés.
"Je me nomme Philibert Rododindron et laissez moi vous compter la manière plus qu'extraordinaire dont Monsieur Charençon et moi sommes entrés en possession de cette merveille du Monde des Douze .
C'était il bien longtemps à présent, je n'étais qu'un jeune Iop et Monsieur Charençon n'était encore qu'un jeune Ecaflip que tout le monde appelait simplement Charençon. Nous nous connaissions depuis tout gosse et étions copains comme Don Dorgan. A l'époque Charençon n'avait pas encore la passion, qui l'habita par la suite, pour la collecte de trésors, d'objets anciens et insolites et autres phénomènes. Cependant, une nuit il reçut la visite du Dieu Ecaflip dans son sommeil. Ils jouèrent aux dès et comme ce fut le jeune ecaflip qui gagna la partie, le Dieu lui indiqua où trouver une carte, qui le mènerai au plus grand de tout les trésors : le seul et unique Sous Fétiche ! Un Kama d'or pur, le premier gagné par le Dieu, lors de son tout premier paris et qui d'après la légende, insufflerait à son possesseur la chance de la divinité elle-même!
La carte était bien là où elle était censée être et après l'avoir découverte, Charençon vînt me trouver pour me raconter toute l'histoire et me prier de partir à la recherche du précieux sous avec lui. Je ne pouvais pas laisser mon ami vivre une telle aventure seul, aussi l'après-midi même nous étions sur les routes, un sac de l'aventurier sur le dos et les poches pleines de pains d'incarnam."
Le conteur autant que son public captivé par le récit ne virent pas les heures passer. Vivant les aventures rencontrées au fil de leur périple par les deux jeunes aventuriers : la traversée de la grande Plaine des Porkass et leurs premières escarmouches avec les monstres du même nom, comment la carte les mena à travers les mers et les tempêtes sur un continent couvert de sable et où la chaleur faillit avoir raison du pauvre Charençon (couvert d'une fourrure peu pratique sous ces latitudes). Leur fuite éperdue à l'ombre de la grande pyramide maudite, talonnés par des vers des sables gigantesques capables de gober une maison d'un seul tenant, les innombrables rencontres :bonnes ou mauvaises faîtes sur le trajet, les amitiés nouées et les rancoeurs provoquées et enfin comment, au bout de presque une année, ils touchèrent au but en arrivant aux pieds d'un bâtiment gigantesque : l'antre du gardien du mythique Sous Fétiche !
Devant son public en haleine, le vieux Iop marqua une pause dramatique, histoire de faire monter la tension et de se désaltérer .
"Après tant d'aventures, nous touchions au but. Nous étions enfin arrivés à destination. Devant nous le maléfique Coffre-Fort se dressait aussi inébranlable qu'impénétrable, mais nous savions que notre but se trouvait à l'intérieur, à nous attendre et il était hors de question que nous reculions après être arrivé aussi loin!
Au cours de nos voyage crocheter des serrures et déchiffrer des combinaisons était devenu un jeu d'enfant et nous vînmes rapidement à bout des massives portes d'entrées. A l'intérieur l'obscurité régnait et c'est à la lueur des torches que nous progressâmes le long des couloirs poussiéreux, avec la désagréable sensation d'êtres épiés à chacun de nos pas. Pièges et chausses-trappes ponctuaient notre parcours, à croire que l'architecte avait fait appel à un sram pour installer le système de défense du bâtiment.
Non sans quelques poils roussis pour Charençon et de belles entailles aux mollets de mon côté, la salle du trésor apparue finalement devant nous.Les portes étaient grandes ouvertes et la lumière de cent lanternes illuminait les lieux. L'immense salle était vide si ce n'est un unique piédestal en son centre.,, sur lequel trônait l'objet de nos convoitises: l'unique et précieux Sous-Fétiche. Malheureusement pour nous en emparé nous dûmes encore livrer une bataille épique et sanglante contre son gardien. Une créature des plus étranges, couvertes de plumes blanches, habillée d'une redingotes rouge et d'un chapeau haut de forme, qui maniait avec une grande habileté sa canne-biere.Je vous passerais le récit sanglant de sa fin car je vois que des femmes et des enfants son présents... Enfin bref, voilà comment nous sommes entrés en possession de cette relique inestimable, mais surtout: voilà comment le goût de l'aventure et de la collection est née dans nos coeurs à Charençon et à moi !!!".
L'esprit tranquille et un petit sourire satisfait aux lèvres, le vieux iop retourna s'asseoir à sa place au milieu des murmures impressionné et des yeux brillants des plus jeunes. S'il avait seulement fait naître chez un ou deux d'entre-eux le désir d'aventure il s'estimerait amplement satisfait et il avait dans l'idée que ce vieux Charençon le serait tout autant...
Ce qu'il ne leur avait pas dit, c'est que plusieurs années plus tard ils avaient appris qu'en fait le sous fétiche n'avait rien d'unique ! C'était l'une des blagues du Dieu Ecaflip. Périodiquement il envoyait de jeunes aventuriers sur les routes afin de cultiver leur goût de l'aventure.
Mais après tout : "Qu'y a -t-il de plus intéressant que de découvrir un trésor? ... Et bien , l'aventure pour y parvenir bien sur !" .
A la fin du récit de Tarn, il n’avait pas pu s’empêcher de se lever. C’était tant de souvenirs d’enfance évoqués en un seul récit qu’il fallait réagir, qu’il devait parler, que...
...
Mais il n’avait pas eu le temps. Quelqu’un d’autre s’était précipité vers l’estrade, et lui s’était rassis, bêtement, honteux. Mais voilà qu’un silence s’étale désormais dans la salle, attendant le prochain témoin prêt à prendre la parole. La bravoure – ou peut-être la stupidité ? – reprend le dessus chez le vieux guerrier. Il s’élance.
Encore grand malgré son âge, il domine toute l’assistance de plusieurs têtes une fois monté sur l’estrade, sauf naturellement le notaire au sommet de son promontoire. Ses cheveux blancs sont parsemés de touches rousses, comme si l’individu ne s’était jamais vraiment décidé à vieillir. Après une minute de silence où il cherche ses mots en fixant, un peu décontenancé, la foule de ses yeux pâles, il parvient à prendre la parole.
« Je me présente, je m’appelle Henri, et je… Je ne suis pas ici pour dire du bien de Monsieur Charançois. Heu, de Monsieur Charançon. De François. »
Si l’audience réagit de façon variée à cette annonce, elle semble ne faire ni chaud ni froid à la plupart des membres de la famille Charançon. Le Iop respire un grand coup, essaye de calmer l’anxiété qui monte en lui, puis reprend.
« Certains semblent ici parce qu’ils ont perdu un ami. D’autres, un ennemi. Je crois que j’ai perdu les deux à la fois. »
Des murmures parcourent la foule, principalement pour commenter à quel point il est étonnant que le dénommé Henri ait un discours aussi soutenu pour un Iop. Quelques-uns rient en pensant qu’il joue la carte du mélodrame, comme d’autres avant lui.
« Je… Je viens également du petit village de Chabrok, perdu dans les plaines de Cania, dont vous a parlé Tarn un peu plus tôt. »
Le Iop ne peut s’empêcher de jeter un œil à l’orateur et à sa compagne à une natte et de leur faire un discret signe de la tête.
« J’ai côtoyé François étant enfant. C’était une vie paisible dans un lieu tranquille, un endroit où il faisait bon vivre. Ma famille, des Fécas depuis des générations, avait je crois toujours vécu là, et c’était dans l’ensemble la philosophie de Chabrok tout entier : restons ici, la vie est belle. A six ans, j’ai été naturellement scolarisé avec François dans la minuscule école du village, et… François était… Différent. Je l’admirais pour ça, je crois. Il voulait voir ailleurs, il voulait vivre des aventures, et comme l’a dit Tarn, ça se sentait : il finirait par partir.
Je… Je ne sais pas comment l’expliquer. Il avait un magnétisme incroyable, je suis sûr que vous êtes nombreux ici à vous être rendus compte de ça. Nous passions ces jours d’enfance allongés dans l’herbe à rêver du futur, et même si la plupart d’entre nous n’avait pas envie de bouger d’ici, nous l’écoutions avec des étoiles dans les yeux parler de ce qui pouvait nous attendre si nous partions. Il avait un goût du risque et du défi incroyable. Nous avions monté des équipes de Boufbowl à la récréation, et il était invariablement le chef de l’une d’entre elles – et le responsable des paris. Il était doué, déjà, ça se sentait. Il était sportif, il était astucieux, et, hé bien, je suis… Je suis heureux, je crois, de savoir que ça lui a servi ? Je ne sais pas. Je... »
Le vieil homme marque un temps, ayant manifestement perdu le fil de ses pensées.
« … Pardonnez-moi. Je… Je sais que vous attendez que j’exhibe un objet de sa collection, que j’explique comment nous l’avons acquis, mais je… Je n’ai pas envie de faire ça. »
Une rumeur de mécontentement parcourt la foule. Certains commencent à bâiller d’entendre un Iop parler aussi longtemps.
« Laissez-moi poursuivre. »
Le ton du Iop est soudain devenu dur, impératif, comme on attendrait qu’un Iop le fasse, en somme. Il n’a pas crié, mais c’est tout comme. La rumeur se tait.
« Ce dont je veux parler, c’est… C’est un souvenir. Une occasion que nous avons eue, peu avant nos douze ans, peu avant la cérémonie de choix de culte, de passer du temps ensemble. Douze ans, c’était décisif, à Chabrok. Je ne sais pas si c’est encore le cas partout, mais là-bas, on nous laissait jusqu’à nos douze ans pour décider de la divinité à laquelle nous allions dédier notre foi. Il était évident – tout le monde le disait – que François se dédierait au culte d’Ecaflip. Quant à moi, à dire vrai, mes parents me pressaient un peu pour que j’embrasse celui de la Déesse Féca ; mais j’avais toujours été attiré par le culte de Iop. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce qu’il existe une explication, en-dehors du fait que j’aimais l’apparence de ces guerriers, j’aimais leurs sortilèges, j’aimais leur philosophie de faire face au danger plutôt que de s’en abriter ? Je ne sais pas. Je ne crois pas.
Ils étaient nombreux, à Chabrok, à me dire que je ne pourrais pas faire un bon Iop. La plupart de mes camarades, adeptes de paris et de défis, n’arrêtaient pas de me provoquer sur le fait que je faisais ça par esprit de contradiction, que j’allais faire honte à ma famille, que ça ne m’allait pas du tout. Mes parents, eux, m’en parlaient à l’occasion, comme je le disais. Ca les inquiétait de me voir choisir un chemin différent ; que je devienne un peu le Boufton Noir de la famille. Même vous, public, je vois bien que cela vous interroge : je vous entends depuis tout à l’heure vous moquer de mon vocabulaire pour un Iop. Le seul, à l’époque, à n’avoir encore rien dit explicitement sur le sujet, c’était François Charançon, et je l’appréciais tellement, tellement pour ça.
Un jour d’été, nous sommes allés au nord du village. Nous avons marché un long moment, plusieurs heures, je crois, pour atteindre les calanques au nord de Cania. C’était le paysage le plus exotique que nous puissions faire : l’océan. Oui, comme la jeune femme l’a dit tout à l’heure, François aurait probablement préféré grandir face à la mer… J’avais apporté une petite maquette de bateau – le Minikrone – que j’avais construite moi-même, et nous avons passé la journée à jouer dans le sable et à faire voguer l’embarcation sur le rivage, remplie d’un équipage en coquillages. Nos douze ans approchaient, et la cérémonie de culte avec elle, et c’était… Reposant d’être loin de toutes ces préoccupations. De prendre du temps pour nous. J’étais profondément heureux que François accepte de jouer avec moi… Mais je n’arrivais pas à savoir si ce n’était pas simplement parce que je lui avais proposé de jouer au bord de l’eau et avec une maquette de bateau. Par moments, j’avais l’impression qu’il ne faisait que m’utiliser pour satisfaire ses envies de voyager, de voir de nouveaux horizons. Mais ce jour-là avait été si beau que, je ne sais pas, je ne voulais pas y croire. C’était François Charançon, le garçon le plus fascinant du village, et j’étais touché qu’il me considère pour qui j’étais.
Et puis…
Et puis à la tombée de la nuit, alors que nous rentrions, ma maquette sous le bras, il m’a dit cette phrase de garçon de douze ans, toute simple :
"Tu sais, tu ne devrais pas gâcher ta vie en choisissant d’être un Iop." »
La voix du vieux Iop manque de se briser.
« Je crois que mon coeur a fait un bruit horrible à ce moment-là. Et ma maquette, aussi, en se fracassant sur le sol. Et lui, il a continué :
"Tu as moyen de faire tellement de grandes choses. Regarde-toi. Regarde tout ce que tu peux fabriquer. Regarde comment tu t’exprimes. Ce serait une perte pour le culte Féca. Et pour tellement de groupes d’aventuriers !"
Je sentais venir sa proposition. Elle n’a pas tardé à suivre.
"Je veux quitter ce village. Tu peux être autre chose qu’un Iop. Tu n’as rien d’un Iop. Choisis d’être un Féca, et viens avec moi. Nous pourrons nous battre ensemble. On t’a probablement dit qu’un Iop se débrouillait mieux, que c’était un culte mieux considéré, mais c’est faux. N’écoute pas ce que disent les gens. Ne te laisse pas avoir par la pression extérieure."
Je… J’aurais voulu lui expliquer que ce n’était pas une histoire de pression extérieure. Que c’était ce dont moi, j’avais envie. Que c’était moi qui définissais si le culte me convenait ou pas, peu importe ce qu’on pouvait dire sur les stéréotypes des Iops. Être un Iop, ça ne changeait pas intrinsèquement mon moi. Être un Iop, c’était simplement la façon dont j’avais envie d’être perçu par le monde : ça correspondait à l’apparence que j’avais envie d’avoir, ça englobait des pouvoirs que j’avais envie d’avoir. Je restais moi, même en choisissant ce culte. En fait, c’était moi justement parce que je voulais faire partie de ce culte. Ce n’était pas une histoire de choisir d’être un Féca : je n’étais pas un Féca. Si, aux yeux des autres, mon comportement me catégorisait comme un Féca, c’étaient les autres qui avaient tort.
Car j’avais, au fond, tout ce qu’il fallait pour être un Iop : l’envie d’en être un. »
Le vieil homme inspire un grand coup, puis reprend :
« Mais à moins de douze ans, je n’avais pas le recul pour mettre les mots sur ça. A dire vrai, à plus de quatre-vingts, j’ai l’impression de commencer à peine à l’avoir… J’ai essayé de répondre, pourtant, de lui dire que lui n’était pas obligé d’être un Ecaflip, par exemple. Il m’a ri au nez. Comme un enfant rirait devant quelque chose qu’il trouve stupide. Et pourtant… Je ne sais pas comment dire ça. Aujourd’hui encore, je continue à penser qu’il aurait pu ne pas vouloir être un Ecaflip. Que son goût pour les défis ne le conditionnait pas, ne conditionnait pas son apparence, ne conditionnait pas sa foi. Que son identité dépassait ce que les autres pouvaient lui assigner. Mais… Je pense que je n’ai jamais réussi à lui faire comprendre ça.
Le jour de la cérémonie, je… J’ai réussi à faire face à tout ça. J’ai choisi le culte de Iop, en dépit de ce que mes camarades avaient pu me dire. J’ai pris tout le monde par surprise, c’est sûr. Les mois qui ont suivi ont été difficiles. Ma famille aussi a protesté un moment mais en définitive a laissé tomber en voyant que j’en étais heureux. Parce que pour ma part, ce que j’ai ressenti, ç’a été de l’euphorie. Je n’avais pas, ou peu, la bêtise qu’on pouvait attribuer à la plupart des Iops. Mais ce n’était pas grave. La bêtise ne fait pas le Iop, pourrait-on dire. »
L’orateur marque un temps. Il semble soudain se rendre compte qu’il devrait en revenir à Monsieur Charançon.
« François… N’a pas bien pris la nouvelle. Il a choisi Ecaflip à la cérémonie, bien sûr, et il m’a dit que j’avais fait le mauvais choix. Que je m’en rendrais compte un jour. Et pourtant, j’ai continué de l’admirer. Après tout, il était incroyable en tout. Généreux, compétent, attentionné, mais… Trop entouré, peut-être. Sans doute. Il avait tant de prétendus amis qui n’ont été que l’occasion d’un pari… Je veux dire, pourquoi pensez-vous qu’il y ait autant de monde ici aujourd’hui, tant de monde qui ne se connaît pas, comme autant d’amis d’un jour ? Des fois, j’ai l’impression… J’ai l’impression qu’il collectionnait les gens autant que les objets. Et qu’il les jetait lorsqu’ils ne lui convenaient pas.
Ma décision ne lui a pas plu. Je crois que je sortais du moule qu’il aurait voulu pour moi. J’ai continué à le côtoyer durant notre adolescence, à le regarder de loin, mais… Ca n’a plus jamais été pareil. J’aurais aimé… Je ne sais pas. J’aurais aimé qu’il continue à me voir, je crois. Qu’il accepte que ma décision ne le concernait pas. Mais… Il a continué à être la coqueluche de Chabrok, et puis il est parti, comme tout le monde s’y attendait.
J’ai entendu parler de ses exploits au Boufbowl. J’ai même retrouvé sa résidence, cette petite chaumière près de l’atelier des cordonniers d’Amakna. J’ai hésité à entrer, plusieurs fois ; et plusieurs fois j’ai pu voir l’impressionnante collection qu’il avait réunie. Mais je n’ai jamais osé le déranger. Je… »
Le Iop s’arrête en pleine phrase. Il vient de se rendre compte qu’au premier rang, depuis plusieurs minutes, des personnes lui font des signes de la tête pour l’inviter à chercher dans la malle d’objets de Charançon. Hagard, il se dirige vers cette dernière, et laisse échapper une exclamation de surprise.
Dans cette malle se trouve une maquette de bateau, remplie de coquillages, laborieusement réparée. Sa plaque porte les mots Le Minikrone. Les larmes montent aux yeux du vieux Iop. Il ne peut pourtant s’empêcher de se demander si cela ne fait pas que corroborer son idée, s’il n’a été qu’un élément de collection pour François Charançon, un enfant notable simplement pour sa foi absurde. Et puis, dans le mât, il remarque un petit rouleau de parchemin. Le déroulant, il lit au public, dans la mesure où sa voix est encore en train d’émettre des sons :
"En souvenir de cet été d’avant nos douze ans, de cette journée passée près de l’océan à rêver du futur. Pardonne-moi de n’avoir pas accepté ce dernier tel qu’il a été.
François C."
Le Iop se tait. Il pense à cette réconciliation qui aurait pu être. Il n’est plus capable de poursuivre.
Lentement, il range le morceau de papier, repose la maquette parmi les autres possessions de Monsieur Charançon, puis retourne s’asseoir.
Ses yeux sont emplis de larmes.
Elle réajusta son chapeau d’halouine et scruta l’assemblée. Ils étaient encore nombreux dans la salle à ne pas s’être exprimés. Alors qu’elle les regardait tous un à un, son regard s’arrêta sur la Féca du premier rang aux cheveux bleu sombre. Son visage semblait tordu par un sourire chaleureux. Elle avait des rides autour de ses yeux et une mèche décolorée dans sa natte.
Combien de fois il faudra répéter que sourire strie un visage ! Encore une qui n’a pas compris comment plaire aux hommes. Elle devrait prendre exemple sur moi.
La vieille Sacrieuse avait passé toute son adolescence à essayer de plaire à François, en vain. Ce n’était pas faute de faire des efforts pourtant : elle arborait toujours les nouveautés de l’huppermage Shyne Acoudre, le plus talentueux des tailleurs de tout Chabrok ; elle s’affamait pour paraître mince comme un Chafer et elle allait jusqu’à sourire, parfois. Elle ne pourrait mettre des mots sur ce qu’elle avait ressenti le jour où François était parti avec la dame du premier rang. C’était indiscutablement cet événement qui l’avait poussée à s’investir davantage au sein des Sacrieurs et à mettre de côté ses émotions.
Son travail avait porté ses fruits car elle avait remis François dans le droit chemin peu après la cinquantaine. Il sortait d’une relation basée sur un anneau magique, ça avait évidemment mal tourné. Ils s’étaient mariés -après qu’elle eut découvert les trésors de sa maison- et elle avait réussi à le tenir 30 ans ! 30 ans à le supporter lui et ses lubies. Quel n’avait pas été son ascenseur émotionnel quand elle avait appris qu’il était enfin décédé mais qu’il la trahissait sur son testament ! Elle se voyait déjà riche mais non, elle était là à écouter des histoires plus abracadabrantes les unes que les autres. De surcroît, elle semblait lui découvrir une nouvelle femme une histoire sur deux. C’est dire la vie de débauche qu’il menait avant qu’elle n’arrive illuminer son quotidien avec tout son …amour.
Elle était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’avait pas vu l’Eliotrope qui était monté sur l’estrade. Il semblait avoir une soixantaine d’année et était habillé aux couleurs de Bonta, malgré sa peau cuivrée. Il portait un pantalon de lin probablement fauché dans les champs de la cité, une armure qui le couvrait des épaules aux cuisses et des gants en cuir de Bouftou. Son armure brune était échancrée au niveau de la taille, si bien qu’on pouvait apercevoir des dagues sur ses hanches. Ses cheveux étaient cachés par le bonnet si caractéristique de la classe des Eliotropes. Il semblait dégager un certain pouvoir, son charisme peut-être. Alors qu’elle l’étudiait consciencieusement, elle découvrit un coffret à ses pieds. Il avait l’air d’être en bois de kaliptus, avec une anse tressée en bambou sacré.
Elle croisa les bras, teigneuse, et fit mine de s’intéresser à son histoire.
« Bonjour à vous, citoyens du monde des douze !
…
ça fait un peu pompeux comme salutations non ? »
La salle resta de marbre.
« Oui je suis d’accord avec vous, c’est définitivement trop pompeux. Je suis désolé, je ne suis pas un habitué de l’exercice. J’ai plutôt l’habitude de travailler enfermé dans mon bureau à Bonta et de parler avec mon chat. Je me présente, je m’appelle Igaro. Je viens partager aujourd’hui un morceau de mon histoire. J’ai vécu beaucoup d’aventures dans ma vie mais je suis persuadé que sans François, ou Mr Charançon comme disent certains, je serais très différent. »
Il sembla réfléchir quelques instants et il lissa son pantalon dans un geste qui ressemblait plus à un réflexe qu’à un acte volontaire.
« Je vis une vie. Dans ma vie, chaque jour a 24 heures et chaque heure a 60 minutes. C’est une réalité qui peut paraître banale, un fait qui est vrai pour la plupart d’entre nous ».
Il parcourut rapidement la salle des yeux, ayant l’air de chercher la trace d’un éventuel Xélor mais n’en trouva pas. Il eut un petit soupir de soulagement.
« Pourtant François lui, il avait beaucoup plus que 60 minutes dans ses heures, plus que 24 heures dans ses journées et probablement plus qu’une vie, au vu de tout ce qu’il a accompli, au vu du nombre de personnes présentes aujourd’hui. Je ne sais pas vraiment qui j’étais pour lui. Quand je l’ai côtoyé j’ai toujours eu l’impression qu’on avait un lien spécial qui allait plus loin qu’une simple amitié. Je le comprenais vraiment … Vous voyez ? En tout cas j’en avais l’impression, ou il me laissait le croire.
Quand je l’ai rencontré, c’était au mois d’avril. Je m’en souviens très bien car c’était juste avant le recrutement annuel des cités. Pour vous contextualiser un peu la situation, je dois vous expliquer que j’étais à l’époque assez …perdu. Je venais de subir un grand changement dans mon quotidien.
Je suis un enfant des îles, comme aiment le dire les habitants d’Otomail. Pour ceux qui ne connaissent pas l’expression, ça désigne les enfants qui sont confiés à l’hébergement de l’arbre Hakam. Sans cet hébergement, ces enfants risqueraient de se perdre dans les mers et d’échouer dans des contrées inconnues et potentiellement dangereuses. J’ai donc été élevé par des Eniripsas les êtres de l’amour. Je dois dire qu’être élevé dans une partie reculée du monde, ça suscite des questions. Je n’ai jamais arrêté de me demander quelles étaient mes origines, la classe de mes parents ou simplement pourquoi j’avais été abandonné à l’âge de deux mois seulement.
Très tôt, j’ai eu des difficultés à comprendre les accès de violence de mes camarades ou des guerriers aguerris. Je me souviens encore d’avoir aperçu des Cras de feu s’amuser à lancer des flèches enflammées sur des pauvres bêtes et attendre qu’elles rebondissent pour en tuer d’autres… »
Il eut l’air de se rendre compte qu’il racontait des détails très privés de sa vie et se ressaisit : « Enfin bon, voilà, je ne savais pas qui j’étais et j’étais en quête de sens. Quand j’ai eu l’âge de partir découvrir le monde, j’ai donné tout ce que je possédais pour traverser la mer et me rendre sur notre continent. Arrivé là, je me suis fait démarcher par la milice qui sécurisait les quartiers. Ils m’ont proposé de rejoindre leurs rangs et je dois vous avouer qu’à cet âge-là, porter une armure était déjà un accomplissement en soi… Oh pardon j’en oublie mon objet, excusez-moi ! »
Il recula d’un pas, semblant se diriger vers le coffre.
Vas-y, prends l’objet, tu peux le faire, preeeends l’objet, oui, comme ça.
Il se ravisa au dernier moment et repris la parole. Letharha se mordit les lèvres pour étouffer son cri de protestation. Du sang coula et elle l’essuya de manière distraite. Toute l’assemblée était pendue aux lèvres du soixantenaire. Seulement ses dents étaient pendues aux siennes. Elle fronça les sourcils et se tortilla sur sa chaise, de sorte à faire le plus de bruit possible.
« C’est quand j’étais en pleine hésitation entre la force sombre ou celle de lumière que j’ai rencontré François. Je ne saurais dire comment mais il est arrivé sur mon chemin. Nous avons beaucoup discuté, assis contre des parois rocheuses. Il a répondu à beaucoup des questions existentielles d’un jeune homme d’une vingtaine d’années. Je me demandais si choisir Brakmar signifiait être un cœur de pierre, si choisir Bonta signifiait être faible … Je voulais même qu’il m’explique la différence entre le bien et le mal, la raison d’être de tous ces combats d’aventuriers.
Je ne dirais pas qu’on a parcouru le monde ensemble ou qu’on a révolutionné Astrub mais je dirais qu’il m’a apporté ce que je cherchais à ce moment-là. À mes yeux il semblait si intéressant, surtout que je n’avais jamais croisé d’Ecaflip auparavant ».
Il s’agenouilla et chercha son objet dans le grand coffre. Il ôta délicatement certains biens précieux, notamment l’œuf de Fabre Bergé et finit par saisir précautionneusement une toute petite boule de poils au fond de la caisse. Un Bitouf Aérien en peluche. Il le regarda d’abord quelques secondes, puis il le serra tendrement contre lui.
Certaines personnes de l’assemblées eurent l’air attendries, d’autres détournèrent le regard pour lui laisser une certaine intimité. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit un représentant de Bonta presser une peluche contre une armure.
« Je vous présente Bitouf Depoil, mon compagnon de longue route. Je peux imaginer que ça en surprend certains, il n’est pas issu de combats sanguinolents ou de quêtes interminables… En fait c’est juste un souvenir que j’ai offert à François.
Je ne pense pas, contrairement à certains dans cette salle, que François était matérialiste ou qu’il collectionnait les objets comme les personnes. Il s’est peut-être mal exprimé dans sa jeunesse comme nous avons tous pu le faire. Je voudrais d’ailleurs rassurer l’Iop qui est passé avant moi. Tout le monde choisit sa voie et personne ne doit nous obliger à suivre un chemin déterminé. Dans ma carrière à Bonta j’ai croisé nombre de Iops venus chercher l’aventure. Ils étaient souvent semblables, c’est vrai. Mais j’ai également croisé un Iop qui performait lors des batailles en ralentissant les monstres de loin. Il les empêchait de bouger. Ça peut certes paraître surprenant mais je dis cela pour que personne dans cette salle, particulièrement les plus jeunes, ne se sente obligé de suivre une voie « qui fait bien ».
Pour en revenir à François, Je pense que c’était un homme qui avait peur. Alors que la nuit était déjà bien avancée et que nous étions assis au coin d’un feu de bois à regarder des artifices au loin, il m’a raconté avoir eu des trous de mémoire dans son enfance. Ces moments d’oublis sont également survenus lors de son adolescence, de manière plus sporadique. Il avait parfois l’impression de se perdre. Pour se souvenir de toutes ses rencontres et de toutes ses histoires, pour vivre pleinement sa vie, il avait besoin d’un support matériel. On pourrait apparenter sa maison à un aide-mémoire grandeur nature, je pense. J’ai … J’ai cherché pendant de nombreuses années à l’aider, même si je ne l’avais croisé qu’une fois. Il m’avait touché, il m’avait aidé à me comprendre. J’ai performé dans les rangs de Bonta afin qu’on me confie des missions toujours plus importantes. Un jour, j’ai découvert, caché au fond d’une grotte, une psychine. Malheureusement, je n’ai jamais recroisé François…
Il s’agenouilla à nouveau et redéposa la peluche dans le coffre, sans manquer de la caresser de manière fugace une dernière fois. Ensuite, il dénoua le bambou sacré de son coffret.
C’est de l’or ? Dites-moi que c’est de l’or ! Elle se pencha pour mieux voir mais elle n’aperçut que l’écrin rouge.
Il en sortit une bouteille ocre remplie de psychine. Il la déposa précautionneusement à côté du Bitouf, en lançant un coup d’œil rapide vers le koalak, en attente d’une éventuelle protestation. Il se leva, plissa ses vêtements et repositionna son bonnet, ce qui fit apparaître quelques mèches de ses cheveux qui étaient cachés jusqu’à présent. Des mèches bleu sombre et une mèche décolorée.
Puis, la jolie blonde prit place à côté du pupitre, en cachant derrière son dos l’objet qu’elle avait habilement extrait du coffre sans que personne ne puisse le voir. Le sourire aux lèvres, elle regardait l’assemblée de ses grands yeux, d’un bleu dont le turquoise semblait savamment mis en valeur par la couleur rose de ses habits. Il émanait d’elle une telle franchise que, de prime abord, on lui aurait volontiers donné n’importe quelle divinité sans confession ! Puis, dans un second temps, tout le monde remarqua la capuche qu’elle avait rejetée en arrière, ainsi que la boucle de sa ceinture, représentant une tête de mort : c’était une disciple de Sram ! Tous ceux qui n’étaient pas absorbés par la contemplation de ses charmes purent constater que cela n’avait d’ailleurs pas échappé au notaire, qui la regardait avec une méfiance non dissimulée. La sramette prit néanmoins la parole, sans se formaliser le moins du monde.
- Bonjour ! Je m’appelle Fantomine et je ne suis pas véritablement une amie de François... Plutôt une collègue de travail ! Je suis collectionneuse à mes heures, moi aussi, et il nous est arrivé, à diverses occasions, de faire quelques expéditions ensemble.
Ces déclarations ayant éveillé leur intérêt, les membres de la famille de M. Charançon se redressèrent sur leurs chaises, comme s’il était acquis qu’ils entendraient mieux en se tenant plus droit. « Alors c’est elle, Fantomine ? », demandaient les yeux de l’un d’entre eux. « Oui, elle ressemble bien à la description qu’il nous en a faite ! », disait le sourire d’un autre.
- J’ai fait sa connaissance par hasard, poursuivait la jolie blonde, dans l’une des salles de la bibliothèque de Maître Corbac, où je cherchais un ouvrage assez rare : un vieux grimoire rempli de formules ésotériques... J’étais sûre qu’il s’y trouvait quelque part, sans être capable de mettre la main dessus. Cette bibliothèque est un véritable labyrinthe et je ne savais même pas par où commencer ! En revanche, elle semblait n’avoir aucun secret pour François. Il avait réussi à se procurer une carte des lieux avant de partir et se promenait dans ces salles comme s’il était chez lui ! Mais, il était inquiet : il avait peur de ne pas réussir tout seul à ramener l’objet qu’il convoitait et, en me voyant, la solution à son problème lui sembla évidente.
- « Et si nous collaborions ? » m’a-t-il demandé. « Je t’aide à trouver ton grimoire et, en échange, tu m’aides à ramener ce que je cherche. N’étant pas intéressés par la même chose, rien ne nous empêche de nous entraider! ».
- Cependant, je vous avoue que je n’étais pas très emballée par sa proposition. Jusqu’alors, j’avais toujours opérée seule et puis... Ne le prenez pas mal, mais je me suis toujours méfiée des écaflips. « Avec un écaflip, tu as toujours une chance sur deux, » disait mon père, « comme à pile-ou-face ! Soit il se comporte comme chaton et ne pense qu’à jouer, soit au contraire, tu as affaire à un vrai tigre (ou une vraie tigresse) et, alors-là, cela peut s’avérer très dangereux ! Mais, dans tous les cas, ils ne sont pas fiables... » Et il n’avait pas tord.
- « Tu ne me fais pas confiance ? » me demanda alors François, comme s’il avait deviné le fond de ma pensée. « Soit, ajouta-t-il, je peux le comprendre... Que dirais-tu d’un échange de serments magiques, alors ? Je te promets de t’aider de mon mieux à trouver le livre que tu cherches et toi, en contrepartie, tu dois promettre de m’aider à ramener l’objet de ma quête. Et, bien sûr, si l’un d’entre nous ne respectait pas son serment, alors, il s’exposerait aux pires souffrances... »
- J’étais sidérée ! Comment pouvait-il croire à l’efficacité d’un truc pareil ? Rien ne m’empêchait de lui promettre de l’aider et de le tuer une fois que ce serait fait ! Alors, j’ai accepté. Je me suis dit que l’on ne pouvait pas être foncièrement mauvais tout en étant aussi naïf… Nous nous sommes donc promis de nous aider mutuellement, en utilisant la formule magique habituelle, avant de partir en quête du livre. Mais le trouver ne fut pas une mince affaire, même si, grâce à la carte de François et à son sens de l’orientation, je n’avais plus l’impression de tourner en rond et que nous pouvions aller où nous le voulions. Enfin, presque ! Pas tout à fait, parce qu’il y avait des monstres dans les couloirs et les salles du labyrinthe, qui nous bloquaient le passage. Je les aurais volontiers exterminés, mais François ne voulait pas utiliser la violence si ce n’était pas nécessaire… Je vous jure, c’est ce qu’il a dit :
- « Non, Fantomine, pas de violence inutile ; même sur un monstre ! »
- François était une sorte d’idéaliste, je crois... Enfin, toujours est-il qu’on a dû faire toutes les salles de ce fichu labyrinthe, en faisant un détour quand le passage était bloqué par des buveurs, des renardos ou des corbacs. Cela nous a pris une éternité ! Et puis, la carte de François ne donnait aucune indication sur la façon dont la bibliothèque était organisée. Or, les livres n’étaient pas rangés par ordre alphabétique, ni par thème, ou je ne sais quel autre type de classement. Il était impossible de deviner où se cachait le grimoire parmi les milliers d’ouvrages qui se trouvaient là.
La sramette fit une courte pose : penchant gracieusement la tête sur le côté, elle se mit à battre des cils à plusieurs reprises, tout en souriant à son auditoire, avant de poursuivre son récit.
- Finalement, au bout de je ne sais combien de temps et alors que je commençais à douter, c’est par chance que je l’ai trouvé… en passant devant l’étagère sur laquelle il était posé ! Avec sa reliure en cuir de Minotoror et les cornes gravées sur la tranche, c’était lui, il n’y avait aucun doute ! Plus par réflexe que par prudence, je l’ai glissé le plus discrètement possible dans mon sac et, au même moment, le Maître Corbac est apparu devant nous, au centre de la salle, sans que nous l’ayons entendu arriver.
- « Qui t’a permis de prendre un livre de cette bibliothèque ? » croassa-t-il d’une voix caverneuse, qui fit trembler les étagères de parchemins et de livres qui se trouvaient tout autour de nous.
- Je dois reconnaître qu’il était vraiment impressionnant ! Avec ses grandes ailes et sa faux immense, il me faisait penser au Dieu Sram en personne et je n'étais pas sûre que l’affronter était une bonne idée. Je l’ai regardé un instant, en me demandant s’il ne valait pas mieux négocier, quand François s’est exclamé :
- « C’est le moment de tenir ta promesse, Fantomine ! Tu as fais le serment, n’oublie-pas... »
- Alors, tout en me traitant d’idiote et en me promettant de ne pas me faire avoir la prochaine fois, j’ai fait face au maître des lieux. Il était accompagné d’un buveur, d’un corbac et d’un renardo qui ne m’inquiétaient pas beaucoup. Après avoir réussi à maintenir le Maître Corbac à l’écart, grâce à un piège d’Immobilisation, je n'ai pas eu de difficulté à les éliminer. François n’a pas vraiment participé au combat. Il est simplement resté en retrait en me criant des encouragements : « Oui, vas-y, c’est bien ! ». Ou bien : « Allez, continue comme ça, tu vas l’avoir ! ». C’était assez surprenant et j’ai vite compris qu’il ne fallait pas trop compter sur lui... Aussi, par sécurité, j’ai pris le parti de laisser le Maître Corbac à distance, pour qu’il ne puisse pas me frapper trop fort. Mais, mes attaques n’étaient pas non plus très puissantes et ne faisaient que le blesser. Ce fut un combat long et pénible, où je n’ai réussi à l’emporter qu’en épuisant mon adversaire à petit feu. Enfin, après lui avoir porté un nombre incalculable de coups aussi divers que variés, le Maître Corbac a montré tous les signes du plus complet abattement. Il ne lui restait manifestement plus assez d’énergie pour être très dangereux et j’ai alors pris le risque de me rapprocher pour pouvoir me servir de mes dagues. J’allais lui porter un coup décisif quand François s’est écrié :
- « Ca y est, je l’ai ! Vite, Fantomine, la Brume ! La Brume ! »
- J’ai hésité un instant, je l’avoue : le Maître Corbac était à ma merci et je n’avais plus qu’à lui donner le coup de grâce. Mais, d’un autre côté, j’avais fait un serment magique ! Si je ratais mon coup et que François ne pouvait pas ramener l’objet de sa quête à cause de moi, je risquais de le payer très cher... Alors, au lieu d’achever le Maître Corbac, je me suis contentée de le repousser le plus loin possible. Puis, comme convenu, j’ai invoqué un Double de moi-même, pour détourner son attention, avant de déployer une Brume suffisamment épaisse pour que François et moi puissions nous y cacher. Le vieil écaflip sortit deux petites fioles de sa poche : deux potions de Rappel, que nous nous sommes empressés d’avaler et, l’instant d’après, nous étions au Zaap d’Astrub. Là, François m’a entraînée à la taverne pour fêter la réussite de notre expédition.
La sramette s’interrompit pour s’humecter les lèvres de façon langoureuse. Et, d’ailleurs, il faut reconnaître que la grande majorité de la gent masculine y était pendue. Puis, elle les gratifia d’un sourire charmeur, comme pour les remercier de l’attention qu’ils lui portaient, avant de reprendre le cours de son histoire.
- Une fois confortablement assis à la même table, moi devant une chope de Bière d’Astrub et François un grand verre de Lailait, je ne pus retenir davantage ma curiosité : « Alors, c’était quoi l’objet de ta quête ? » lui ai-je demandé. « Tu peux bien me le dire, maintenant... ». Et, bombant le torse d’une fierté non dissimulée, Françoisme me l’a montrée.
Sans rien dire, la sramette exhiba ce qu’elle tenait, cachée derrière son dos, depuis qu’elle avait rejoint le pupitre. C’était une plume, un peu plus grande que la moyenne, de couleur noire : une plume de Maître Corbac.
- « Quoi ? » Me suis-je exclamée. « Tout ça pour ça ? »... J’étais furieuse ! Le Maître Corbac était à ma merci et j’aurais pu le tuer si j’avais voulu. Mais, au lieu de cela, François m’avait contrainte à y renoncer au criant « Je l’ai ! », comme un enfant, jouant avec ses petits camarades, aurait dit : « chat ! ». Tout ça pour une plume… Et, en réalisant à quel point l’objet de sa quête était futile et vain, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que mon père avait raison : François s’était comporté comme un chaton qui ne pense qu’à s’amuser. Un chaton capricieux qui plus est… « Mais enfin, si tu voulais une plume de corbac, il suffisait d’en acheter une ! T’étais pas obligé de risquer ta vie pour ça ! », me suis-je écriée.
- « En acheter une ? » M’a répondu François. « Mais voyons, Fantomine, cela n’aurait pas eu la même saveur ! Ce serait comme gagner un match de boufbowl après avoir soudoyé l’arbitre : sans aucun intérêt… Ce qui fait la beauté du sport, au contraire, c’est de se donner à fond pour gagner la partie ! Et, d’ailleurs, grâce à toi, je pourrai me vanter d’avoir vaincu le Maître Corbac en équipe. En duo, même ! » a-t-il ajouté avec un clin d’oeil.
- Ses arguments n’étaient pas suffisants pour me convaincre : j’étais fâchée d’avoir dû abandonner ma victime pour une simple plume. Je lui en ai voulu jusqu’à ce que je réalise que, s’il avait été un sram, il aurait bu sa potion de Rappel sans rien dire et m’aurait laissée me débrouiller toute seule avec le Maître Corbac... Au lieu de cela, François s’était montré loyal et m’avait ramenée avec lui à Astrub. Et puis, j’étais obligée de reconnaître que c’était tout de même grâce à lui si j’avais pu mettre la main sur le manuscrit. Notre collaboration avait été profitable, malgré tout. Aussi, quand il est revenu me trouver, quelques mois plus tard, pour me proposer un nouvelle expédition, je n’ai pas su refuser. Par la suite, il a fait appel à mes services aux quelques rares occasions où il avait besoin de mes talents de sram... Il y a bien deux ou trois objets dans cette malle dont j’aurais pu vous parler, ajouta-elle, en faisant au clin d’oeil au roublard qui avait chanté une si belle chanson. Mais, je vous avoue qu’il m’est impossible de voir une plume de couleur noire sans penser àFrançois et, pour moi, son souvenir restera toujours associé au Maître Corbac...
La sramette fit alors un dernier sourire à son auditoire, pour lui faire comprendre que son récit était terminé. Tous les regards suivirent le moindre de ses mouvements lorsqu’elle se pencha, à nouveau, au dessus du coffre, pour y remettre la plume de M. Charançon. Et, une fois qu’elle eut regagné sa place, Maître Tage ne put s’empêcher de vérifier, aussi discrètement que possible, que les objets de la collection du défunt n’avaient pas bougé. Finalement, il ne fit aucun commentaire. Pourtant, l’oeuf de Fabre Bergé ne semblait plus avoir tout à fait le même éclat. N’était-il pas plus brillant tout à l’heure, lorsque le iop, Igaro, avait ramassé son bitouf en peluche ?
tous le monde je vais vous comptez l'histoire de << la quête du krane >>
tout a commencé a la tarverne d'astrub j'étais avec mon amis Provençal-le-gaulois en train de nous rincer la poire quand un vieux arriva c'étais M.Charançon a ce moment on a su qu'il allait nous demandez un service.
<> dit-il
je lui ai répondu <>
<>
C'est à cette instant qu'il nous parla du Karne qu'il avais apperçut la nuit dernière il nous demanda de l'aider a le capturer et à le dompter alors ni une ni deux nous partons chercher nos dragodindes,
Sur la route M.Charançon nous expliqua qu'il étais un grand collectionneur et qu'il nous donnerai un objet de la collection si on y arrivez ,mais nous des chevaliers de la table carré donc nous refusons sont offres toute de fois alléchante nous faisons sa pour aidez le peuple .
Arrivez a quelque mètre de la ou il avais aperçut le Karne nous voyions un homme que tous le monde appel <> il nous vis sur nos dragodindes en armure et se jeta sur nous sans dire un mot il blessa mon amis Provençal au bras et le fis tomber de sont destrier .
c'est a cette instant que j'ai dégainé mon épée et commence un combat très compliqué ,
Je dit a M.Charançon d'allez se cacher mais il n'écouta pas il voulait se battre lui aussi .
après beaucoup d'esquive de ma part le Dark Vlad commençais a être fatigué il pris donc la fuite.
J'alla immédiatement voir comment Provencal allais ,heuresement il etais juste sonné .
Tout a coup j'entendis un cri strident c'étais le Karne mais il n'étais pas tous seul il y en avais un autre a cette instant je vis des orties a coté de moi je su qu'il fallait que j'utilise mes compétence de cra de pris deux flèche dans ma main j'y ai mis les orties sur les pointes et tira dans leur ventre ce qui les a endormie immédiatement .
M.Charançon invoca son ours et son dragaoeuf qui les porta jusqu'à son enclos personnel et moi pris Provencal et le mis sur ma dragodinde et nous allâmes tous de suite chez M.charançon qui étais marié a une eniripsa qui soigna Provencal.
Le lendemain nous étions retourné a la taverne d'Astrub M.Charançon devais nous y rejoindre quand il arriva c'etais sur un des deux Karne vu que c'etais un Osadomas il avait eu beaucoup de facilité et les dompter .
<> .
Nous l'acception sans rechigner .
Hrp: merci d'avoir lus et désoler pour les fautes d'orthographe.
Je reviens à moi en toussant. Oreilles qui sifflent. Mal de crâne. Ma jambe fait un angle bizarre, j'espère qu'elle n'est pas cassée. La bonne nouvelle, c'est qu'être morte ne peut pas faire aussi mal. Je m'aperçois que je n'y vois rien. Où est-ce que je suis encore tombée ? Je me redresse précautionneusement, et j'attends quelques instants. La douleur reflue lentement. Alors que je reprends péniblement mon souffle, mes mains s'élancent à tâtons à la recherche de ma besace. J'essaie de remettre de l'ordre dans mes idées : qu'est-ce qui a bien pu mal tourner...
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La silhouette massive de Vasgor dominait silencieusement l'assemblée depuis le fond de la salle. Il était arrivé en avance, mais s'était tenu coi jusqu'à présent. Bien bâti, comme la plupart des disciples d'Ouginak, il n'était vêtu que d'un pagne maintenu par des sangles, portait un sac de cuir en bandoulière, mais son inséparable marteau de guerre manquait exceptionnellement à son côté. Lors de ses jeunes années, sa force et son adresse étaient vite devenues légendaires dans sa petite tribu de Sidimote. Doté en sus d'une redoutable intelligence, d'un sens tactique hors pair et d'un courage à faire pâlir les Iops, ceux qui l'avaient vu combattre avaient tôt fait de voir en lui l'égal d'un Rykke Errel ou d'un Goultard. Cependant, nulle célébrité pour Vasgor, pas d'amis parmi les dragons, ni d'invitation à casser la graine dans les nuages floconneux de l'Ingloriom.
Quiconque aurait trouvé étrange cet état de fait et lui aurait posé la question en face en aurait été pour ses frais. Aucune réponse ne lui aurait été donnée, car Vasgor était muet de naissance. Quelle malédiction ancestrale, quelle maladie insidieuse, quel caprice des Douze lui avait valu d'être frappé de mutisme ? Lui-même l'ignorait, ou se refusait à l'ébruiter. Toujours est-il qu'il en avait pris son parti, et s'était tourné vers une existence moins grandiloquente. Que valent l'intelligence et la stratégie à un général incapable de haranguer ses troupes avant la bataille ? Que valent la puissance et l'audace à un guerrier incapable de pousser un cri de guerre en se jetant dans la mêlée ? Son mutisme lui avait forgé une sorte de réserve naturelle, qu'il entretenait à dessein. Il avait cette sorte d'attitude effacée qui compensait sa haute stature, et cultivait une discrétion qui lui valait de passer inaperçu la plupart du temps.
Moi, je l'avais remarqué, bien sûr. Je pourrais dire que de longues années passées à affuter mes sens et à repérer les plus infimes détails dans mon environnement m'avaient dotée d'une capacité de perception hors normes. Je pourrais aussi dire que ma capacité instinctive à déchiffrer la physionomie des gens m'avait appris en quelques instants tout ce que je devais savoir de son caractère. Tout ceci, bien entendu, serait nettement exagéré. En vérité, si je connaissais si bien Vasgor, c'est qu'il était mon complice depuis plusieurs années. Nous nous étions associés lors de l'affaire des Dofus Tachetés, dans laquelle nous avions brillamment tiré notre épingle du jeu, et depuis nous trempions dans des affaires plus ou moins recommandables, à essayer de ramasser quelque pactole sans trop nous faire d'ennemis. On aurait pu croire que j'étais la tête et lui les bras, mais rien n'était moins vrai. Mon taciturne compagnon était le cerveau et les muscles ; c'est lui qui concevait la plupart de nos plans.
Pour ma part, je me débrouillais comme alchimiste, mais surtout j'avais de l'entregent, et l'instinct des bons coups. Je savais où laisser traîner mes oreilles, et comment délier les langues. On imagine mal à quel point un sourire innocent, une taille d'un kamètre dix et des ailes papillonnantes aident à mettre les gens en confiance. Et lorsque ça n'était pas suffisant, une bourse bien remplie ou quelques mots bien choisis finissaient le travail. Les gens sous-estiment souvent les Eniripsa : tant pis pour eux. À force d'essais et d'échecs, j'étais devenue bonne pour distinguer le riche pigeon du marchand habile, le béjaune dans son armure rutilante du vétéran aguerri ; en un mot, les bonnes occasions des mauvaises.
Autrement dit, si les mots manquaient à l'Ouginak, au moins l'Eniripsette avait-elle du flair.
Une semaine plus tôt, nous avions eu vent du décès de François Charançon. Sa collection hétéroclite nous avait toujours alléchée, mais de son vivant on la disait protégée avec une paranoïa digne des Enutrofors. En prévision de cette cérémonie d'hommage, nous avions donc préparé un coup, pour faire main basse sur quelques précieuses pièces. Je passai la main dans ma sacoche fétiche, et vérifiai que rien ne manquait. Tout était bien là : les potions de soin, la boussole enchantée, les deux potions de rappel (une pour moi et une pour Vasgor ; lui aussi en avait en double, on n'est jamais trop prudent), et quelques autres bricoles alchimiques.
Au fur et à mesure que défilaient les orateurs, je prenais le temps de détailler le contenu des coffres, et notais les objets dont les histoires étaient racontées, afin de soigneusement les laisser en place plus tard. Nous allions déjà être recherchés par la moitié du territoire des Koalaks, pas la peine de provoquer des rancunes personnelles en plus.
Il est vrai que la plupart des pièces de la collection Charançon avaient une histoire extraordinaire. Certaines étaient épiques, certaines étaient moralement douteuses, d'autres encore étaient empreintes de tendres sentiments. Je réprimai un sourire alors que mes yeux se posaient enfin sur ce que je cherchais : la seule pièce de la collection dont François Charançon lui-même ignorait l'histoire ! Il s'agissait d'un lot de fées d'artifice modèle grand luxe, "Un spectacle à réveiller un Chafer et à rendre la vue à Kalisthe", disait l'annonce.
Si Charançon ne connaissait pas l'histoire de de ces fées, c'est parce qu'il y a une semaine elles ne faisaient pas partie de sa collection. C'est nous qui les y avions introduites : nous savions que la surveillance lors de la cérémonie serait sévère, aussi avions-nous préféré mettre quelques atouts dans nos manches en prévision du coup. Des engins de ce calibre auraient paru étranges parmi les convives, mais personne n'aurait été étonné de les trouver au milieu de tout ce bric-à-brac. Personne, exceptée bien sûr l'individu chargé de l'inventorier.
Maître Tage n'avait pas été facile à convaincre. Dans notre milieu, il se coltinait une réputation un peu louche, et on savait que sa probité était parfois secrètement mise aux enchères, en même temps que ses legs. On savait aussi que ses prix étaient exorbitants, mais après des heures de rudes négociations, nous étions parvenus à le convaincre de glisser notre cargaison parmi l'héritage. Pour prix de ses services, en plus d'une part de butin, le tabellion n'avait rien exigé de moins qu'un Dofus Kaliptus ! L'investissement était énorme, mais nous espérions bien qu'il serait juteux. Raconter comment cette relique du Koulosse était entrée en notre possession suffirait à combler de longues soirées d'hiver, aussi je me bornerai à préciser qu'au jour et à l'heure convenus, notre avare avait son Dofus. Quant à nous, nos noms avaient discrètement été ajoutés à la liste, et notre cargaison de fées d'artifice à l'héritage.
Le plan était simple : sous prétexte de raconter leur histoire, je devais me saisir des fées et en faire éclater une ou deux dans l'assistance. Au milieu de la confusion, Vasgor et moi en profiterions pour nous remplir les poches, et disparaitrions en avalant une potion de rappel avant que la fumée ne se dissipe. Pas de coups, pas de blessés graves, une histoire de plus à raconter pour les vieux de la vieille, et nous serions en sécurité avant que quiconque ne remarque le méfait.
En préparation de l'opération, nous avions fait quelques tests avec les fées. J'estimais que nous aurions environ trente secondes de bruit et de fumée avant que la salle ne reprenne ses esprits. C'était bien suffisant pour que Vasgor me rejoigne d'un bond sur l'estrade, et que nous remplissions nos sacs de ces joyaux sans histoire. Comme Vasgor le signait toujours : pas d'histoire, pas de sentiments ; pas de sentiments, pas de problèmes ; pas de problèmes... pas de problèmes.
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La journée passe, les aventuriers défilent. Au bout d'un moment, je me permets même une petite sieste discrète. Passer toute une après-midi sur les nerfs, c'est un coup à faire une bourde fatale au dernier moment. D'ailleurs, les deux guerriers koalaks engagés comme gros bras pour l'occasion par Maître Tage en font les frais : je les devine plus lourds sur leurs appuis, moins vifs, j'en vois même un étouffer un bâillement. Le rythme commence à diminuer, il est temps d'y aller ; je jette un coup d’œil à Vasgor, il opine. Je quitte le rang du fond et je m'avance d'un pas mesuré.
« Messieurs-dames, j'éprouve beaucoup de plaisir à me trouver parmi vous aujourd'hui. Mon histoire fera pâle impression après les vôtres, j'en suis sûre, mais je tenais avant tout à vous remercier de m'avoir permis, de nous avoir permis de découvrir toutes ces facettes de l'individu exceptionnel qu'était François Charançon. »
Puis je me présente (sous un nom d'emprunt, évidemment), je me dirige vers les coffres et fais mine de chercher un peu, en laissant entrouvert le coffre aux joyaux.
« Voici, dis-je en brandissant finalement la grappe de fées d'artifice, ce dont je voudrais vous raconter l'histoire. Ces fées en elles-mêmes n'ont rien d'extraordinaires, on pourrait sans doute acheter les mêmes au village des Brigandins. Ce qui sort de l'ordinaire, en revanche, ce sont les circonstances qui les ont mises sur la route de ce cher François. À cette époque, voyez-vous, je n'étais encore qu'une apprentie ébéniste auprès d'Oli Venders. Alors que ma journée commençait à peine, je vis entrer dans la boutique un individu étrange... »
Tout en parlant, j'avais sorti une fée de son emballage, et la montrais à mon public. J'approchais alors d'une des bougies disposées sur le devant de la scène, et d'un faux mouvement que je m'étais entraînée à faire paraître le plus naturel possible, lâchai la boule de verre, qui vint se briser à deux doigts de la flamme nue.
« Vous imaginez bien quelle fut ma stupeur, quand je découvris que... Oups ! »
La détonation fut moins assourdissante que ce à quoi je m'attendais, mais qu'importe ! En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'avais plongé la main dans un coffre, et fourrais une émeraude de belle taille dans mon sac, suivie d'un magnifique bloc de jade, et d'une nacre aux reflets miroitants. Si seulement j'avais été moins empressée ! En effet, en quelques secondes à peine, bien trop tôt, la fumée était déjà retombée ! Un des guerriers, finalement pas si assoupi que ça, s'écria :
« Hé, elle essaie de piquer des trucs ! »
Les deux malabars s'avançaient vers moi, quand Vasgor intervint. Il en étendit un d'un coup au plexus, et invoqua un roquet pour occuper le second. D'un bond, il m'avait rejoint. Sentant le vent tourner, je décidai de ne pas tenter ma chance plus longtemps. Je saisis une potion de rappel, et vis mon comparse faire de même. Alors que j'allais la porter à mes lèvres, mon regard croisa involontairement celui de Thierry Tage, et je crus voir y briller un éclat de joie malsaine. J'avalai.
Rien.
Soudain, ce fut clair : le vieux filou nous avait doublé ! Non content d'empocher son Dofus, il avait voulu conserver sa réputation intacte, et même briller auprès de héritiers en empêchant un vol ! Il avait trafiqué les fées d'artifices, et fait enchanter son étude pour empêcher les potions de rappel de fonctionner ! Le zaap aussi devait être bloqué, inutile d'espérer s'échapper par là ! Les deux gardes reprenaient déjà leurs esprits, et les membres les plus alertes de l'assistance se dirigeaient eux aussi vers nous. La situation devenait critique, j'apostrophai Vasgor :
« Hé, Vas' ! Je crois qu'on ne s'en tirera pas sans casse, cette fois ! »
Quitte à provoquer des dégâts, autant que ce soit sur quelque chose de réparable. Je plongeai une nouvelle fois la main dans mon sac, et en sortis une de mes concoctions spéciales, du genre à porter une étiquette "BOIS MOI PAS". C'était un cocktail de Potion d'Apisaphé, de Cocawotte et de Potion de Voyageur Dimensionnel. Une chose était sûre : quel que soit l'endroit d'où vous partiez, ce truc là vous envoyait ailleurs. Pas forcément intact, pas forcément en sécurité, mais ça valait mieux que de finir dans une geôle parfumée au kaliptus. J'adressai une courte prière à Eniripsa, vis Vasgor se saisir de sa propre fiole, et avalai d'un trait.
Alors que je me disloque en un million de particules douloureuses, j'aperçois Maître Tage fulminer du haut de son siège.
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Ma main se referme sur la forme familière de mon sac. Je pousse un soupir de soulagement. J'y trouve une petite fiole dont je reconnais la forme. Je la secoue, et enfin j'ai un peu de lumière. Bon. J'aurais pu plus mal tomber, j'ai l'air d'être dans une caverne naturelle. Je fais rapidement l'inventaire de mon sac : la deuxième potion de rappel est intacte, je pourrai sans doute m'en servir pour sortir d'ici. Les fioles de soin sont toutes brisées, tant pis. Je soigne mes blessures d'un mot de jouvence, j'essaie d'éponger tant bien que mal le liquide rosâtre qui coule dans le sac, et reprends ma fouille. Les quelques joyaux que j'ai pu attraper avant de m'enfuir sont encore là, enfin une bonne nouvelle ! Je les examinerai plus tard, mais au moins la journée n'est pas perdue. Mes doigts s'égarent entre les débris de fioles, et se referment sur la boîte de la boussole enchantée. Je vérifie qu'elle fonctionne toujours : c'est bien le cas.
Un sourire narquois se dessine sur mon visage, alors que je me remets en route en sifflotant un air guilleret. La suite des opérations est claire. Primo : retrouver Vasgor et nous sortir d'ici. Secundo : fourguer les pierres chez Milone Corichel. Tertio : suivre la boussole. Je remercie une fois de plus Ouginak d'avoir mis son disciple sur mon chemin. C'était son idée, d'enchanter le Dofus Kaliptus avant de le donner à ce faux-jeton de Thierry Tage ! Désormais, nous n'avons plus qu'à suivre l'aiguille pour trouver, au lieu du nord, la chambre forte secrète où le vieux grigou entrepose ses biens les plus précieux !
Je donnerais cher pour voir sa tête lorsque, au lieu de tous ses trophées, il ne trouvera qu'une poignée de fées d'artifice trafiquées ! Il saura alors ce qu'il en coûte, de doubler Vasgor et Calliope !