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[Animation] Récits d'Invention #8 : Vous êtes cette bardesse...
Par Toko-Rakle#8358 - ABONNÉ - 13 Mars 2020 - 00:34:53
Vous êtes cette bardesse, celle-là même qui a osé accompagner une troupe d’aventuriers à l’assaut des domaines respectifs des Cavaliers de l’Eliocalypse. Qu’on se le dise, ce n’était pas une balade de santé. Ce n’était pas une balade tout court et c’est pourtant, aujourd’hui, votre devoir, votre métier et votre passion d’en faire une pour transmettre ce que vous avez vu, plus ou moins fidèlement.
Bien des choses sont passées sous votre regard, de la Galère de Servitude au putride Royaume corrompu. Vous avez également pu profiter de la quiétude du Sanctuaire du dernier espoir, si fertile à côté du Désert de Misère et si paisible en comparaison des Blessures de Guerre.
En ces lieux vous avez donc trouvé l’inspiration dans les actes marquants de ces Douziens de tous les jours. Peu vous importaient les généraux car les gens du peuple, votre public, raffolent d’histoires auxquelles ils peuvent s’identifier.
On aura rarement vu une troupe d’une telle diversité rassemblée sous une seule et même bannière. Bontariens, Brâkmariens, jeunes, vieux, riches ou pauvres, armés jusqu’aux dents ou soigneurs jusqu’aux mots. Tous égaux en grade comme en importance face à la menace pesant unanimement sur le Monde des Douze.
Cette mission volontaire à haut risque avait comme objectif de réduire les forces armées de ces calamités tout en sauvant ceux qui pouvaient encore l’être. Était-ce une réussite ? Il est bien difficile de le dire. A terme, les quatre Cavaliers sont toujours bien en poste et les membres de la mission n’en sont pas tous sortis indemnes. Au moins avez-vous espoir que toutes ces actions auront eu un petit impact positif sur la situation.
Une chose est certaine, vous ne souffrez pas du syndrome de la page blanche et il vous tarde de conter toutes ces aventures avec votre style si particulier. Particulier, oui, car vous êtes connue pour changer de style de narration comme de taverne ce qui n’est pas peu dire.
Munie de votre inspiration sans limites et votre prompte capacité à l’improvisation, vous vous figurez déjà quelle sera votre prochaine prestation.
(HRP) : Retrouvez toutes les règles de participation sur le sujet HRP. Vous pourrez également y commenter les participations, le sujet RP étant exclusivement réservé aux participations.
La nuit était tombée sur le sanctuaire. Les lumières semblaient plus pâles qu'à l'accoutumée, les voix plus étouffées, les regards voilés. Cette nuit, le « Dernier Espoir » ne faisait pas honneur à son nom. La dernière expédition qui était partie à l'assaut de l'ennemi était revenue abattue et grandement diminuée. Les pertes avaient été lourdes et l'échec cuisant. Les quelques rescapés s'en tiraient avec des blessures qui s'étaient avérées difficiles à guérir. La plaie faite au moral, elle, était béante.
Béante et contagieuse.
Parmi les survivants du dernier affrontement, il y en avait une qui avait déjà quitté l'infirmerie. Elle déambulait parmi les réfugiés du sanctuaire. Elle constatait les têtes baissées et sentait la ténacité de chacun défaillir drastiquement. Il fallait faire quelque chose pour ranimer la force de toutes ces âmes avant d'atteindre un point de rupture qui serait fatal. Elle pouvait aider.
Abandonnant son errance, elle se rendit jusqu'à ce coin de pavé où elle entreposait ses affaires et ses armes.
Ses armes. Elle les regarda tour à tour, se demandant laquelle serait la plus efficace... Luth, tambour, bâton de pluie, maracas, flûte, trompette, harpe... Elle avait presque autant d'instruments qu'il en existait et pourtant, ce soir-là, elle n'en choisit aucun. Ce soir, les gens avaient besoin de vérité.
Il avait fallu du temps pour motiver les réfugiés à se rassembler dans le sanctuaire. La nuit était d'un noir abyssal et les étoiles manquaient à l'appel. Tous s'étaient assis en tailleur devant une lourde table de pierre éclairée par des torches. La bardesse inspira profondément et se hissa sur l'estrade de fortune. En même temps qu'elle surplombait la foule, un poids terrible écrasait ses épaules. Face à elle, les torches se reflétaient dans des centaines et des centaines de paires d'yeux qui ne renvoyaient qu'un éclat brumeux. La bardesse se raidit en rejetant ses cheveux en arrière. L'enjeu était de taille. Elle inspira et, après une seconde interminable, elle se mit à parler d'une voix claire et vibrante, une voix irrésistible :
« Ce soir, je me suis glissée parmi vous et j'ai entendu les murmures. J'ai entendu les soupirs. Aujourd'hui, nos forces Douziennes ont essuyé une défaite. Notre objectif n'a pas été atteint, nous avons perdu beaucoup de valeureux guerriers, et l'ennemi a fait un pas de plus vers nous...
Elle s'interrompit. Le rythme était la clé. Les épaules s’affaissaient et les yeux se fermaient. Toutes les têtes se relevèrent cependant quand elle reprit la parole. Elle sourit. Touchés.
Tout ceci n'est pas vrai. Si nous avons perdu des amis, des vaillants, laissez-moi vous dire que nos adversaires ne s'en sont pas sortis sans égratignures, et si notre objectif principal n'a pas pu être mené à bien, nos combattants ont accompli des merveilles. Si aujourd'hui, c'est nous qui avons battu en retraite, c'est bel et bien l'ennemi qui a fait un pas en arrière ! »
La bardesse marqua une pause pour jauger son public. Ses mots avaient frappé juste. Les yeux la fixaient maintenant avec curiosité, circonspection, doute... Ils s'étaient animés, enfin. Elle se félicita d'avoir choisi le style du conte plutôt que la chanson pour cette fois. Pour ce genre de situation, la voix nue et sincère avait bien plus d'impact.
Elle s'accroupit. Sa voix s'éleva à nouveau comme un murmure pourtant audible par tous. Sur le ton de la confidence, elle commença à conter :
« Les troupes ont traversé le portail qui menait à la galère de Servitude. Tous ensemble sous la même bannière, et avec dans la tête et le cœur le même objectif : libérer le plus de prisonniers du joug de Servitude, et occasionner le plus de préjudice possible à son empire de métal. Ils étaient tous volontaires et prêts à se sacrifier pour sauver les innocents qui avaient été capturés. Le plan était simple. Vider le pont, prendre le contrôle des escaliers, sortir les prisonniers, les mener jusqu'au portail. Et pourtant...
La première partie du plan se déroula sans encombres. Silencieux comme des ombres, les Douziens se sont glissés sur le pont et ont entamé leur implacable et mortelle méthode. Les sbires de Servitude, pourtant sur le qui-vive, ne semblaient pas s'attendre à un tel déferlement. Très vite, les escaliers qui menaient à la cale de la galère furent sécurisés et des sentinelles furent postées à chaque entrée. Les autres, arme au poing et dans la tête la désagréable sensation que tout était peut-être un peu trop facile, pénétrèrent dans les entrailles du navire... »
Nouvelle pause. La bardesse changea de place sur la table-estrade. Les ombres dansantes projetées par les torches redessinaient les contours et les reliefs de son visage d'une inquiétante façon. À nouveau elle reprit, la voix vibrante de tension :
« La pénombre était grande maîtresse à l'intérieur. Les prisonniers qui résidaient là, s'ils n'étaient pas enchaînés aux murs ou enfermés dans les cages, lavaient le sol comme des spectres obéissants. Leurs regards vides ne s'illuminèrent pas à la vue de leurs sauveurs, comme s'il s'agissait d'une hallucination commune à laquelle ils s'étaient depuis longtemps habitués.
Quelque chose clochait. Parmi les soldats, un Ouginak au franc parler le fit remarquer :
- Pourquoi n'y a-t-il aucun geôlier ?
Mais on lui fit signe de se taire. La discrétion était de mise. Alors que le groupe de Douziens s'infiltrait partout dans le dédale de prisons, l'Ouginak décida de suivre son pressentiment et remonta l'escalier. Le pont était toujours aussi silencieux, il n'y avait pas âme qui vive, l'air marin était frais …
Pas âme qui vive ?
- Où sont nos sentinelles ? se demanda le soldat Ouginak. Au moment où il remarquait leur absence, des cris retentirent à l'intérieur de la galère...
- Ne libérez pas les prisonniers ! NE LIBÉREZ PAS LES PRISONNIERS !
Le cri venait d'une jeune milicienne qui fendait les rangs, l'air paniqué. Qu'un des leurs profère une telle absurdité provoqua une vague de confusion chez les sauveurs douziens.
- Qu'est-ce que tu racontes ? On est là pour ça !
La jeune milicienne criait de plus belle :
- Ils n'ont pas de marques sur leurs poignets et sous leurs chaînes. Leurs liens ne sont pas serrés ! C'est un piège !
Et le piège se referma sur eux. Implacable. Alors que les Douziens s'étaient enfoncés dans le bateau en semant derrière eux des esclaves libérés, ceux-ci les avaient encerclés. La milicienne avait vu juste, c'était un traquenard ! Les sbires de Servitude s'étaient déguisés en esclaves pour tromper leur vigilance et maintenant...
La bardesse frappa dans ses mains comme si elle écrasait une Moumouche. Comme s'il était complice de la mise en scène, un vent froid souffla sur l'assemblée. Les spectateurs rentrèrent la tête dans leurs épaules.
Les Douziens n'avaient aucune chance, mais grâce à l'avertissement de cette jeune milicienne ils purent se réorganiser et percer le cercle mortel des sbires de Servitude avant qu'il ne se fut complètement refermé sur eux.
- Repliez vous sur le pont ! Il faut gagner le pont !
Mais les sbires étaient dans tous les escaliers, des Tambourreaux et de massifs Gentyrans bloquaient toutes les issues. Nous étions fichus. Le massacre commença, et il n'était pas en la faveur des nôtres. Piégés dans la cale, les guerriers valeureux tombaient un à un, écrasés par le nombre... La fin était proche. »
La voix enrouée de la bardesse s'éteignit en un souffle déchirant. Dans le public, un enfant Ouginak se lova dans les bras de sa mère qui tremblait elle aussi. Devant, un Sacrieur se mordait la lèvre inférieure jusqu'au sang sans s'en apercevoir. La bardesse bondit soudain sur ses pieds, en pleine lumière, et reprit son récit en s'exclamant, les mains en porte-voix :
« - Ici ! Par Ici !
Personne ne savait qui criait, mais décidés à saisir la moindre chance de survivre, les troupes douziennes se précipitèrent vers l'appel.
Miracle ! Il restait un escalier libre ! Les survivants – trop peu – s'engouffrèrent à l'air libre, et le spectacle qui s'offrit à eux les sidéra.
Sur le pont, le farouche Ouginak se battait comme un démon pour protéger l'accès. La fourrure maculée de son propre sang, les griffes abîmées et le torse constellé d'entailles, il tenait en respect trois sbires qui lui tournaient autour en rechignant à l'attaquer, sans doute refroidis par le tas de cadavres de leurs compères qui gisaient aux pieds de l'Ouginak en furie. Le vent tourna et un soleil blanc baigna les muscles tendus du molosse. Ainsi mis en scène, il ressemblait à un esprit vengeur descendu tout droit de l'Ingloriom que même Servitude aurait sans doute hésité à affronter ! Quand ils virent les survivants douziens émerger sur le pont, ils prirent leurs jambes à leur cou en hurlant pour donner l'alerte. L'Ouginak s'effondra à ce moment, épuisé.
- Au portail ! Tous au portail !
Les Douziens restant battirent en retraite en tentant de tenir leurs poursuivants à distance. Malgré l'urgence, la jeune milicienne qui avait survécu à la boucherie dans les cales de la galère s'arrêta pour relever l'Ouginak aux portes de l'Externam. Elle lui fit passer un bras par-dessus ses épaules et le tira vers la sortie.
Mais elle était trop lente. Il était trop lourd. Derrière eux, la promesse des chaînes se rapprochait dangereusement. Mais avant qu'ils n'aient atteint les deux traînards, un autre Douzien revint vers eux et aida la jeune milicienne à emporter l'Ouginak. Ensemble, ils furent les derniers à passer le portail. Exténués, traumatisés, mais vivants.
J'ai moi-même failli mourir dans cette expédition. Mais j'ai survécu, et je suis ici ce soir pour vous rappeler que nous avons toutes nos chances. Cet Ouginak qui nous a tous sauvés, avant que ce cauchemar ne commence, n'était qu'un charcutier de Bonta. Il s'est enrôlé pour faire sa part, pour faire la différence. Et il a réussi ! Tout comme cette jeune milicienne sans qui le piège se serait refermé trop tard sur nous pour espérer nous échapper.
Comprenez-vous ? Nous ne sommes pas des héros de guerre ou des champions des armées. Notre force nous la tirons de ce que nous sommes de plus important : des êtres libres. Nous avons un foyer que l'on veut nous dérober. Et nous sommes prêts à tout, à tout pour le défendre ! Chacun d'entre nous est capable des plus grands exploits pour sauver ce qui lui est cher. Aujourd'hui, nous avons perdu beaucoup d'amis. Mais nous avons aussi survécu ! Nous avons survécu et grâce à ça, l'ennemi ne nous aura pas deux fois de la même façon. C'est un coup porté à leurs défenses ! Nous avons marqué un point !
Plus que ça, nous avons encore une fois montré que quelques Douziens peuvent faire la différence, et nous sommes encore si nombreux ! Ne perdez pas espoir. Il y a dans notre infirmerie en ce moment même un Ouginak et une jeune milicienne qui se sont dépassés pour nous sauver, et nous rappeler que tous ceux que nous avons perdu ne doivent pas être tombés en vain. Levez la tête, mes amis ! Vive l'espoir ! Vive nous ! »
Les réfugiés se levèrent comme un seul homme et la bardesse fut noyée sous un flot d'applaudissements. Elle sourit, radieuse. Elle descendit de la table de pierre en se disant que la prochaine fois qu'elle accompagnerait une escouade dans le désert de Misère ou dans le Royaume Corrompu, elle espérait bien assister à une victoire pour pouvoir la chanter !
Être barde, quelle vie ! Cela va sans dire.
Son sourire toujours radieux, et galvanisée par de si bons souvenirs, la bardesse se redressa. Voilà déjà trop de jours qu’elle attendait sans rien faire – seulement trois jours depuis l’une de ses campagnes dans le royaume de Corruption en réalité. Certes se laisser aller contre le tronc d’un arbre pouvait avoir ses bons côtés, malheureusement...
« Si je continue sur cette voie, autant rester cloîtrée chez moi à lire un livre, ce sera tout aussi productif. Ce n’est pas ainsi que je vais pouvoir bâtir ma renommée ! » pensa t-elle avant de se mettre en route vers la cité la plus proche tout en se raclant la gorge.
Des périples ? Elle en avait à raconter, évidemment. Des héros ? Elle savait les façonner, sans aucun doute. Des émotions ? Elle les transmettait comme personne, assurément.
Le rythme, voilà le maître mot de son art. Le rythme. Un terme aussi poétique que dynamique, semblant avoir été inventé spécialement pour son talent – ou celui que tout Terra Amakna, du paysan des champs au roi du Château, ne pourrait que reconnaître et admirer une fois devant le fait accompli. Toujours, elle souriait.
« Du rythme, une histoire, et ma belle voix. Du rythme, une histoire, et ma douce voix ! » chantonna t-elle mélodieusement.
En approchant des murs de la cité une affiche kollée et clouée sans soin à même la pierre attira l’attention de la grande poétesse en devenir.
Son sourire devint rictus et tout son visage se crispa. S’il avait été possible de la voir, d’aucuns auraient pu penser qu’elle travaillait sous un chapiteau à jongler avec des balles et non des mots.
« Alors comme ça j’ai de la concurrence ? Qui c’est celui-là ? Jamais entendu parler ! souffla t-elle. Je n’ai pas risqué ma vie pour que mes récits passent au second plan… Hum, 20 heures… si je me dépêche je n’aurai manqué que le début ! »
La porte de la fleuriste du quartier s’ouvrit en grand et plusieurs regards se tournèrent vers cette inconnue qui osait les déranger en plein récital. Toutefois, le centre de toute l’attention demeurait un bel et jeune Ecaflip – à peine âgé de 20 ans à en croire son allure de petit poupon – qui tenait dans ses bras un bouquet de clochettes fanées.
« … trèfle de plaisanterie : il faut toujours piquer à cœur pour ne pas finir sur le carreau. Ainsi va la survie dans le pourri Royaume de Corruption... » déclamait-il tout en émiettant les pétales de ses fleurs violettes.
Gênée de faire ainsi irruption, et préférant éviter de rire aux éclats devant ce qu’elle venait d’entendre, la bardesse se dirigea sans attendre vers le bar pour noyer ses pensées moqueuses.
« … lentement le mal s’est introduit dans nos rangs. L’ombre putride de l’armée du maître des lieux n’était pas notre seul problème : là-bas, tout n’est que mort. Rien ne se créer si ce n’est notre fin. Les fleurs, les arbres et même l’air ambiant nous l’ont bien fait comprendre... »
Tout en terminant sa seconde – ou cinquième – pinte, la spectatrice attentive ne pouvait s’empêcher de se remémorer sa propre expédition dans cette dimension digne de dévaster jusqu’à Zebdara. Sa présence n’avait pas été du goût de tous les Douziens du groupe auquel elle s’était greffée. Certains ne comprenait pas l’intérêt de son art. Ils ne pensaient qu’à ce corps sans défense qu’ils allaient devoir protéger, sans doute au péril de leur propre vie. Mais là était justement l’enjeu de la compagnie qu’elle leur offrait. Sans elle, pas de périple à raconter, à exalter. Sans elle, pas de gloire, d’admiration, de vertu arrachée dans les toilettes d’une taverne. Heureusement, la plupart des membres de l’hétéroclite bande avaient su cerner le rôle majeur que son assistance allait permettre.
L’expédition s’était étendue sur deux semaines et est allée d’aventures en mésaventures. Rapidement un Ouginak – Thomalinois, un simple berger de Tainéla – avait flairé un espace qui semblait être protégé de la corruption qui gouvernait ce maudit royaume. Une petite clairière baignée d’une lueur protectrice qui faisait fuir même le plus tenace des Gangredogues.
La bardesse souriait.
Si pour nombre de ses confrères il était évident de brosser les talents guerriers d’aventuriers – ce qu’elle ne s’empêchait jamais de faire par ailleurs – son goût se portait davantage sur l’héroïsation par l’acte du quotidien. Il était difficile de faire plus valeureux, à ses yeux, que de mettre en lumière le dévouement d’un groupe de volontaires majoritairement non professionnel – mais monté dans le cadre d’une campagne militaire – œuvrant dans un objectif commun de protection.
Monter le camp. Délimiter un périmètre de sécurité. Organiser la préparation des repas. Définir le tour des rondes. Créer une dynamique de camp. Entamer le travail.
Personne n’avait chômé, l’effort était collectif et l’entraide magistrale. Quand l’un commençait à fatiguer, il y avait toujours quelqu’un pour s’occuper de lui, un autre pour poursuivre la tâche. L’objectif de l’expédition était original, et c’est pour cette raison qu’elle avait tant tenu à rejoindre ce groupe en particulier. Il ne s’agissait pas de vouloir pourfendre l’un de ces fameux cavaliers, mais plutôt de…
« TCHAC ! scandait l’Ecaflip. Les épées se coinçaient dans les branches des créations maladives de Corruption. Rahiane poursuivait l’assaut, pourfendant tout ce qui se trouvait devant lui ! Son armures se gorgeait d’une sève violette qui semblait la ronger.
Mais le courage de ce soldat était plus puissant que toutes les souffrances offertes par ce Royaume. Sa persévérance fut telle qu’une ouverture était désormais créée jusque à un grand arbre dont les racines paraissaient se nourrir de tous les maux de la dimension… et devant lesquelles ce valeureux soldat s’écroula au sol, blessé mortellement.
Nous ne pouvions pas le sauver. Rien ne pouvait le sauver. Le mal était déjà là, et tous nous venions de le comprendre. »
Il était impossible de ne pas prendre quelques nouvelles gorgées de bière devant aussi peu d’intelligence.
La bardesse soupirait.
Comment était-il raisonnable qu’un groupe de soldat ait pu chercher à se confronter à un environnement hostile et inconnu sans se demander ce qui avait pu le rendre ainsi. Voilà précisément l’objectif que s’était fixé l’expédition qu’elle avait rejoint. Voilà précisément pourquoi elle ne pouvait s’empêcher de boire – et boire encore, et encore, et encore – lorsqu’elle entendait cet ignare de conteur expliquer que…
« … les divins semblaient nous avoir abandonné. Ce lieu impropre ne peut être sauvé, il n’est qu’une incarnation du danger à venir. Un rappel. Une fenêtre sur notre vie, un portail vers notre mort. La corruption est déjà parmi nous, elle nous ronge et n’a fait que nous ronger davantage une fois dans son monde. Mais ne nous leurrons pas, si nous souhaitons agir, il faut le faire maintenant, ici. Cette corruption, c’est nous. Cette corruption, c’est notre mode de vie. Cette corruption est ... »
Ridicule. Complètement ridicule. Absolument pitoyable. La bardesse ne comprenait pas pourquoi autant de personnes écoutaient ce charlatant avec une attention religieuse. Le mal en question pouvait s’expliquer rationnellement : la chercheuse Eniripsa de son groupe – une mondaine répondant au nom de F. Barré S. - avait comme aspiration de créer une liste des diverses formes de maladies qui semblaient se mouvoir, invisibles, dans cette dimension et qui avaient un impact bien visible sur l’ensemble des volontaires.
Pour cette visée il fallait récolter le plus d’échantillons possible, en évitant au mieux tous risques de contamination inutile. A nouveau, l’opération fut réalisée collectivement, et tout le groupe avait travaillé à l’unisson pour récupérer ce qui pourrait être analysé : des bouts d’écorce, des restes de fleurs putréfiées, mais aussi des bouts de peau d’aventuriers infectés par des créatures environnantes ayant rendu leur épiderme semblable à celle violine d’un gobelin.
L’état de santé de ces derniers avait évidemment inquiété tout le monde, qui ne désirait que de pouvoir les soigner. Mais la science exigeant des sacrifices, l’un des malades - un Pandawa nommé Barry M. - avait de lui-même accepté de laisser les effets de cette altération se développer en lui dans l’espoir de mieux connaître et, à l’avenir, de prévenir d’éventuelles évolutions de l’infection . Que peut-il y avoir de plus altruiste que cela ? L’abnégation de ce douzien vaut bien tous les exploits militaires. Aucuns glaives ardents battant le fer. Aucunes batailles féroces aux issues incertaines. Aucune allégeance si ce n’est au Monde des Douze.
Entendre l’Ecaflip poursuivre ses aberrations était un affront à la mémoire de toutes ces braves personnes qu’elle avait côtoyé. Un outrage qu’elle ne pouvait laisser impuni : il était grand temps de fendre la foule, son plus beau luth en main, et de répandre un air de vérité dans cette boutique florale.
Une dernière – grande – gorgée de bière pour s’humidifier la gorge, et elle se décida à entrer en scène. Voilà une belle opportunité de laisser son talent briller aux yeux de tous.
« eeeeeEEEEEEEh tOA ! beugla t-elle, en pointant du doigt le conteur. Bou je je bj… bouge pâ ! Ch… chtop… eeEEEEee chtop tes bêutises ! Ch… chnimprot… nimpote… chacharlatan vaaAA... »
La bardesse cherchait à s’avancer en direction de l’Ecaflip mais ne faisait que tituber sur place et rencontrait des difficultés pour maintenir son équilibre. Visiblement agacée de ne parvenir à bouger comme elle le souhaitait – ou de ressembler à un pantin sous le joug de Servitude, elle agrippa le manche de son luth et l’envoya en direction son rival d’un soir, qui s’abaissa pour l’esquiver et laissa le pauvre instrument se fracasser contre un mur.
« Oooooskourrre ! IlmecasSsE m… m… Ile..me.. me… Ilmecass… Ooooskourr ! Ovol ! M..mon matlé… maltel… mAAatlériel ! Emerd émerd c’est… c’est é-eeeh-é... c’est ‘claté… cassé ! Poursuivit-elle, les yeux rouge et l’haleine fétide. Chtopé le ! Chtopé leuh ! Idi des… idi… ché faux chqu’il dit ! BwaaAAAh ! Chtou faux ! »
Elle soupira, fit une pause puis plaça son index droit comme un orme devant son visage comme si elle avait quelque chose de magistral à annoncer.
« Touléfo ! Toutoutouléfo ! Courou… Carouf… Castou… Coucou… ngraaaAaAAh ! Couroupssssion, cépassa dutoudutou ! Alpffreh. C’que que qu’chui en tr… wouh, de dire c’que… lavant… la… laventur-r-re, c’est scientifik. Ehoui ! Scie. En. Ti. Fik ! Ik ! Ui ! Messsedamémessessieurs ! Tifik ! Lémale lémama malade-de-die c’est… du pichon !
Hein ? Non, hein… pich… poison ! Du poi-so-o-o-on ! Ehoui ! La nénéripsa elle la riz ! Dit. Dit ! Ché la véri… et thé, la vérité. Ehoui ! Et toi..., continua t-elle en désignant de nouveau l’Ecaflip du doigt, attEnTIon à chque tudi ! Hun hun. On… on peut… on peut tr-romp-er un… ne personne mille fois, mille fois, et on… on peut tromp-per mille perSOnnE une fois… mais… mais pas Emile mille ! Non… non, pas mille perssss...onnes, mille fois ! Ehoui ! »
Dans un mouvement incontrôlé, elle tomba au sol et eut quelques difficultés à se relever.
« AChnANsMdoe, hein ! T’as pas tété… été… t’as pafé de champagne toi ! Hein ? CAmpAgNE, de chant… chANt pAgne. B.. bl… oouh ! Ouuuuuuh ! Ilapafé de… hip. Moissi, hein. Moissi j’aifé. Et… hey, arr-a-arrête de tanguer que chte dis ! » poursuivit-elle en plissant les yeux.
Un murmure parcourut alors l’assistance. Des protestations fusèrent à son égard, sans qu’elle puisse précisément en apprécier la provenance. Nombreux étaient ceux qui s’insurgeaient en lui criant de partir. D’autres riaient de sa mésaventure. Par chance pas un fruit n’était disponible dans cette boutique, et personne ne songea à lui lancer des fleurs tant cela semblait être inapproprié.
« Cébon eeeh cébon ! C’pas vu… vou… vu qui qui m’faitsiez plartir c… c’moi que ce que que je m’en ail… pars d’abord… hein... deux… hein ?! » finit-elle par marmonner tout en agitant négligemment ses mains en direction de ce très mauvais public qui ne semblait rien comprendre.
Alors qu’elle chancelait jusqu’à la sortie, elle heurta sans trop le vouloir un spectateur de l’assemblée. Une curieuse sensation traversa soudainement tout son corps. Ce visage, elle le connaissait. Ces yeux, elle y avait déjà plongé. Ce nez, ces joues, ce large front et ces cheveux bien brossés ne lui étaient pas inconnu. Qui pouvait-il bien être, déjà ? Et d’où le connaissait-elle ? L’avait-elle déjà croisé lors d’une de ses anciennes représentations ? Plusieurs ? Elle en était certaine. Mais où ? Où ? Quand ? Et pourquoi est-ce que cette personne la regardait avec autant d’insistance… et de surprise. Et si… non… si ? Oui, et si...
« BiiIN q..quOI ?! T’veUx ma GrAvuRe ?! » lui postillonna t-elle avant de claquer la porte de la boutique, penaude et exempt de toute dignité.
Cela va sans dire. Être barde, quelle barbe !
Allongée sous un frêne près d’un étang, la douce mélomane se réveillait difficilement, soutenant son crâne qui cognait dans tous les sens et lui donnait l’impression d’être sur le point d’exploser. Sa gorge était sèche, pâteuse. Ses souvenirs vaseux.
« Désolé pour hier soir... » laissa t-elle échapper, comme pour demander son propre pardon.
Le chemin du succès était encore long, et semblait peu compatible avec certaines consommations.
Et nous allions la quitter.
Les derniers survivants des ravages de l’Eliocalypse annoncée par des récits Éliotropes s’étaient regroupés en ce lieu de paix, presque tellement paisible qu’il en devenait oppressant. Les quatre cavaliers étaient si proches… Et si lointains à la fois.
Un fait encore plus étrange était la présence d'un bon nombre de bardesses autres que moi dans le sanctuaire. Elles vaquaient à leurs occupations respectives mais je n'avais pas le temps de m'occuper d'elles ou de leur adresser un "Bonjour", amical ou non. Je ne savais ni d'où elles venaient ni qui elles étaient. Je ne les prenais pourtant pas en rivales, bien au contraire. Plus on était plus l'histoire avait de chance de persister dans la mémoire des futurs douziens libres.
Sacrieurs, Iops, Crâs. Tels étaient les derniers peuples de la planète. Les derniers peuples libres. Et puis il y avait moi. Et maître Joris, qui avait disparu. Les hautes instances du commandement savaient probablement où il était parti, mais il était sans doute resté bien mystérieux, comme à son habitude.
J’étais donc la dernière survivante à n’appartenir à aucun peuple distinct. Étrange impression que celle d’être la seule représentante d’une forme de vie. Et malgré tout, malgré mon impossibilité à me raccrocher à des prières quelconques envers un dieu ou un méryde, j’étais confiante. J’étais confiante parce que je connaissais le potentiel, le courage et l’espoir qui brûlaient, sans se consumer, dans le cœur de ceux avec qui je vivais depuis des mois.
Les huit « Héros » qui menaient l’armée prétendaient connaître le potentiel des cavaliers. Ce que j’en sais, c’est que connaître la force de son ennemi ne permet pas de le battre. Ils ont anéanti tout un monde et savoir de quoi ils sont capables ne saura que déprimer encore plus les derniers remparts de l’humanité.
Mais alors que je jouissais de mes derniers instants de repos prématuré, tous les occupants du sanctuaire furent contactés (mentalement ou quelque chose comme ça) par le dernier Dragon, celui des rêves, celui qui faisait partie des Huit Héros.
L’heure était venue.
Les fiers combattants, bien que peu rassurés, empoignèrent leurs armes et chacun sortit de sa tente respective. Des martèlements de pas tambourinaient sur les barges de bois dispersées sur l’eau autour de la partie émergée du sanctuaire selon un schéma géométrique particulier, développé dans le but de faciliter les manœuvres de ce type.
Toute l’armée était réunie devant les quatre portails pourpres que personne n’osait regarder directement. Ils étaient comme la porte vers la Shukrute. Y entrer ne présageait que de longues souffrances, d’une agonie longue et douloureuse.
Je pris place aux côtés d’Allisterine qui prit la parole en s’adressant à tous ceux qui vivaient probablement les derniers instants de leur vie. Ou de leur vie de douziens libres. La première option, celle de la mort, était peut-être la moins dure.
La fécate parla bien, et le feu intérieur qui aidait les combattants à tenir encore plus ou moins debout se raviva. L’espoir renaissait, le courage croissait. À leurs yeux, les cavaliers étaient devenus vulnérables.Moi-même, je fus tenté de prendre part au combat, d’attraper une lance, un heaume et un étendard pour montrer à nos ennemis de quel bois j’étais fait.Puis un grand silence tomba. Un silence que personne ne prit le temps de contester. Chacun se remémorait sa vie et regrettait de n’être né plus tôt ou plus tard, afin d’échapper à l’inévitable.
Puis Krâ Kleure leva le bras. Le commandant des derniers Crâs libres interrompit les quelques instants de recueillement en donnant ses derniers conseils stratégiques. Les Sacrieurs et les Iops seront en première ligne tandis que les représentants du peuple des archers couvriront le ciel de leurs flèches.
Le Dragon puisa quelques instants dans le pouvoir de son Dofus respectif et prit un air concentré avant d’ordonner le départ dans la Blessure de Guerre. Les huit héros entrèrent chacun leur tour dans le portail que Pandora maintenait ouvert. Je rentrai à la suite du Duc d’Amakna qui avait l’air confiant en ce qui concernait l’issue de la bataille. Le discours d’Allisterine avait l’air d’avoir eu son petit effet sur lui et je le suspectais même de ne pas la considérer que comme un compagnon d’armes malgré l'âge avancé de la fécate.
Quoi qu’il en soit… Dès mon entrée dans le territoire du cavalier, je fus prise d’une violente nausée. Le sol était recouvert de sang. Des amas de cadavres jonchaient le sol. Chacun tentait de rester digne mais aucun véritable héros ne pouvait rester impassible à ce spectacle morbide. Pendant ce temps, les militaires s’avançaient dans la dimension et même les plus fervents adeptes de la déesse Sacrieur avaient l’air de se sentir mal. Je ne parle même pas de la réaction de certains crâs;certains s’évanouirent avant même de n’avoir pu clairement observer le paysage.
Or, Guerre n’était pas du tout surprise de notre arrivée. Ses troupes étaient déjà prêtes et, contrairement à nous, ne s’étaient jamais senties aussi bien. Le sol recouvert de cendres blanches faisait encore mieux ressortir leurs armures de sang. Et je ne parle pas ici que de la couleur, mais bien de la composition même de nos ennemis. Le sang était omniprésent, même nos ennemis en étaient faits.
Guerre nous toisait d’un air mauvais du haut de sa forteresse. Construite dans une montagne, elle semblait parfaitement imprenable. Et sa propriétaire ne semblait pas moins intouchable.
Un nouveau silence s’installa. D’un côté, les troupes de Guerre qui attendaient un ordre quelconque avant de se jeter au cou des peuples libres. De notre côté, malgré une angoisse écrasante, chacun essayait tant bien que mal de se concentrer sur ce qui importait le plus : vaincre ce maudit cavalier.
Mais rien ne se passait. Le combat ne semblait pas vouloir commencer. Personne n’osait donner l’ordre d’attaque. La propriétaire des lieux observait la scène avec un certain ennui et ne semblait pas pouvoir attendre plus longtemps le début de l’affrontement. l’action semblait lui faire défaut, mais la guerre psychologique faisait aussi partie de ses spécialités.
Le Dragon contacta les six autres héros et moi-même (Pandora étant restée à l’extérieur s’occuper du bon fonctionnement des portails) et nous confia son inquiétude quand au déroulement de la bataille. Guerre contrôlait ses troupes mentalement et pouvait très bien donner l’ordre d’attaquer sans même que nous nous en apercevions. On pouvait entendre un général hurler mais pas un démon penser.
Je ne sais combien de temps il nous a fallu attendre dans la plus grande inquiétude. Chaque minute passée nous remémorait la cuisante défaite que nous avions essuyé plus tôt, en sous-estimant la force des cavaliers.
Mais Krysaor, le commandant des Iops, restait avant tout un incorrigible bagarreur et hurla un ordre incompréhensible, rompant ainsi le plus terrible des silences. Un certain soulagement prit place dans mon cœur lorsque tous les soldats répondirent par un cri qui ne voulait pas dire grand-chose non plus.
Puis ce fut le carnage. Les deux armées chargèrent avec une force impressionnante. Pour ma propre sécurité, je restai en arrière, notant tout ce qui se déroulait sous mes yeux effrayés. Les flots de sang ne faisaient que s’accroître. La première délégation de Iops était tombée au combat et leur sang coulait déjà vers la forge de Guerre où on ferait de nouveaux ennemis de leurs globules rouges. Chaque combattant perdu pour nous en faisait un de plus en face. Le dragon survolait la bataille, recouvrant les ennemis d’un flot continu de flammes dévastatrices. Il dut battre en retraite lorsqu’une dizaine de haches volèrent dans sa direction. Krâ Kleure parlait continuellement à ses troupes, tant pour qu’ils gardent espoir que pour les aider stratégiquement. Pendant ce temps, Denn Kratz et ses Sacrieurs semblaient bien mal en point. Leurs blessures ne se refermaient pas aussi vite que les ennemis ne leur en provoquaient. Frida Mofette de Sufokia, de son côté, détruisait les ennemis par dizaines grâce à son formidable canon à Stasis. L’énergie violette provoquait d’incroyables explosions et d’innombrables pertes parmi nos adversaires.
Guerre semblait commencer à douter d’elle-même. Nos troupes gagnaient du terrait malgré tout et cela ne lui plaisait pas du tout. Son rictus moqueur s’était changé en regard de haine. En quelques instants, elle était descendue de sa forteresse et galopait vers le champ de bataille sur le dos de son Boufrog. Son imposante hachebarde dépassait de la ligne de têtes ennemies et les sanguinaires s’écartaient pour la laisser passer. Son visage demeurait presque indiscernable et sa cape virevoltait au rythme des galopades du bouftou magmatique.
L'un des crâs, pris d'une soudaine inspiration belliqueuse, empoigna vigoureusement son arc et déversa un torrent de flèches sur le cavalier. Lorsque Guerre fut suffisamment proche, un flot continu de projectiles fusa en direction du camp ennemi. Il tirait avec une précision étonnante malgré la distance, mais brusquement, le Boufrog de Guerre bondit en avant, provoquant l’échec de la tentative de l’archer qui n’avait pas pris en compte d’éventuelles variations de la vitesse de sa cible.
De mon côté, j’étais perpétuellement accompagné par deux gardes qui me garantissaient une certaine sécurité. Ils étaient perpétuellement harcelés par des soldats ennemis et défendaient ma vie comme si c'était la leur. Ils connaissaient parfaitement leur travail et revenaient souvent vers moi, me demandant tantôt si j'avais été touchée, tantôt si j'avais besoin de quelque chose en particulier.
Puis le cavalier arriva devant son armée. Elle nous jaugea du regard, calculant pendant combien de temps encore les troupes libres allaient bien pouvoir la divertir. Discrètement, l'un des soldats sufokiens rechargea son canon à staser respectif et, avec l'appui d'un crâ rapidement sorti des rangs de ses pairs, prépara un projectile particulièrement dévastateur. Ils étaient cachés derrière une maison en ruines et les ennemis ne pouvaient les voir. Ils bricolèrent tous deux quelques instants, puis l'archer fit un signe discret à l'un de ses collègues Iop. Je me rendis compte alors que depuis l’arrivée de Guerre sur le champ de bataille, le combat avait cessé et un nouveau silence pesant régnait sur le territoire du cavalier.
Le iop qui avait été prévenu d'un évènement encore inconnu par son ami archer tira son épée au clair et défia Guerre du regard. Mais elle n’avait pas le moins du monde l’air impressionnée. Elle avait même un air amusé… Mais le guerrier au cœur vaillant ne se laissait pas impressionner non plus. C’est alors que je reportai mon attention sur le groupe de bricoleurs à ma gauche. Leurs modifications sur le Staser avaient l’air d’être complètes et tous s’écartèrent du Sufokien et de son arme au potentiel dupliqué.
Lorsqu’il l’enclencha, un léger vrombissement se fit entendre, mais la cible, Guerre, était trop occupée avec son propre adversaire pour s’en rendre compte. Les deux combattants ne s’étaient pas encore rentrés dedans mais le début des hostilités semblait proche. Toutefois, malgré sa ioperie, le soldat n’avait aucunement l’intention de défier Guerre. Pour l’instant.
Puis la lumière ambiante prit une teinte mauve. Le projectile magique était en route vers son destin. Guerre n’était absolument pas préparée à ce qu’on lui tire dessus à ce moment psychologique. La déflagration fut d’une violence inouïe. Si les deux armées n’avaient pas été aussi loin l’une de l’autre à ce moment, les troupes libres en auraient subi les conséquences. Plus un sanguinaire ne tenait debout. Leurs armures étaient retournées à l’état liquide et un torrent de sang se ruait vers la forge macabre. Notre soulagement n’avait jamais été aussi grand. Nous avions vaincu un cavalier! Guerre n’était plus et c’était bientôt le tour de ses collègues. Chaque douzien poussa un cri de joie victorieux et tous pleuraient de joie. Les deux soldats qui avaient préparé l'attaque au stasis furent acclamés et chacun voulut les féliciter personnellement. Guerre avait tout simplement été pulvérisée !
Les soldats libres quittèrent la dimension morbide retrouver leurs familles respectives. Notre joie n’avait jamais été aussi grande.C’est alors que je me rappelai d’un écrit eliocalyptique écrit il y a bien longtemps au sujet de la longévité des cavaliers…
En effet, ils étaient…
Immortels…
Paniquée, je regardai tout autour de moi dans l’espoir de trouver ne serait-ce qu’une bribe, une parcelle du cadavre de Guerre. Mais rien. Pas même une corne de boufrog ou un éclat de sa hache.
Lorsque je constatai la disparition de mes deux gardes du corps, qui étaient probablement rentrés dans le sanctuaire comme tous les autres, je commençai sérieusement à m’inquiéter… Je me dirigeai vers le portail afin de quitter ce lieu maudit, mais… Il devint instable et en un éclair, se referma, comme ça, sous mes yeux, sans que je puisse quitter l’enfer dans lequel j’étais désormais enfermée.Lorsque je fus capturée par des sanguinaires forgés avec le sang des anciens, je ne fus pas tuée, mais simplement assommée. C’est ce qui m’a permis de rester en vie et d’écrire ces lignes depuis une cage dans la galère de Servitude où j’ai été emmenée.
En tant que barde, on m’a fourni des parchemins et de quoi écrire. Servitude se fera un plaisir de déchirer ces écrits devant mes yeux, mais si par hasard ils tombaient entre les mais de quelqu’un d’autre qu’un asservi ou de Servitude lui-même, je vous supplie de venir me sauver. Cette maudite galère me rend folle et je ne vais pas tarder à devenir comme tous ces esclaves qui obéissent aveuglément aux ordres.
Mais c’est l’heure de l’arrivée de cet immonde personnage. Il ne va pas tarder à arriver et je ne puis écrire plus longtemps. S’il ne me voit pas écrire il croira peut-être que je me suis endormie et me laissera une paix relative. Je vous en prie, sauvez-moi. Je n’ai pas mérité ce qui m’arrive.
Sylvie Ktime
*une note est inscrite en bas de la page*
Je ne remercierai jamais assez ceux qui ont eu le courage de venir me tirer de là. Et malgré le piège tendu par servitude lui-même, nous avons pu nous en sortir grâce à l'audace d'un Ouginak et la subtilité d'une milicienne. Je leur en suis redevable à vie.
*Commence à jacter silencieusement afin d'entretenir une part de mystère...*
Braves gens du royaume de Nidas, je vins vous conter une légende...
En Novamaire 649, après avoir finie ma douzième pinte de bière du Pinchaut, j'entendis une voix,
"Non tu n'es pas folle, rassures toi" me dit-il, je brandis ma baguette de Boisaille, prête à lui jeter des
Infamies pour le restant de ses jours, quand je vis sa couronne d'épines, prises de stupeur, aucune
Réponses ne put sortir de ma bouche, pas un seul petit mot, c'était Brumaire, le saigneur macabre !
"Il faut que tu te rendes sans plus attendre au Sanctuaire du dernier espoir, je sens en toi un grand
Pouvoir, tu as le pouvoir de renverser les guerres..."
Sans attendre ma réponse il disparut dans un brouillard épais d'automne.
Il fallait donc que je me presse, après tout c'est un Dieu qui me l'a demandée, sans attendre je pris un
Aspirine, surement dû à l'alcool ce mal de crâne ou les moules-frites d'Amakna.
*Tousse, tousse, dans la populace de la taverne, plus de la moitié à fuient, tant pis je continue*
Une fois sur l'îlot je fus accueillie par un Iop et un Féca, quelle prestance ils avaient, le Iop se nommait tristepin et le Féca Rambo, apparemment ils attendaient ma visite.
Ils m'ont enseigné l'art du combat et de la défense et moi-même leur apprirent l'art des mots en tant que barde Eniripsia, c'était normal.
Nous voilà entrainé prêt à affronter mille dangers, là où notre embarcation nous emmène, je n'ai pas de mots pour décrire le spectacle désolant devant mes yeux ni l'odeur, les cadavres jonchés le sol devant cette impressionnante forteresse de fer.
Tout ce monde est pourri même le royaume des Sadidas qui n'était pas aussi verdoyant que disaient les légendes, était dans un état lamentable, une forêt emplie de ronce et sans aucune âme ni couleur vivifiante.
Nous trois nous avons réussi à braver les dangers de ce monde ainsi que son désert et d'affrontés les quatre cavaliers de l'Eliocalypse.
Brumaire en personne vint nous remercier.
Une fois de retour à Bonta je fus prise dans les ordres des esprits salvateurs afin de partager mes connaissances et toujours rester proches des livres, contes et légendes...
D'ailleurs vous savez ce qu'on dit à propos des légendes... Il y a toujours une part de vérité...
Merci...
Pelle-Zebuth
du royaume de Nidas
Post scriptum:
Je me suis laissé prendre et je me suis rendu compte que je suis légèrement hors sujet concernant les cavaliers et mon équipage... pareil j'ai dépassé de peux les 2050 caractères ...
On verra bien l'indulgence du jury ;-)
Ça fait un bon moment que je lis silencieusement les participations des candidats des autres éditions (merci à tous de nous éclater ainsi, c'est tellement stylax!!!!), mais je n'avais jamais participé à un de ces concours!!! Je me jette enfin à l'eau : D
Je tiens avant tout à noter que je n’ai pas effectué les quêtes des quatre cavaliers, et ne souhaitant me spoiler, tout ce que je connais sur eux se résume à leur visuel, les équipements qui y sont liés ainsi que leurs descriptions (et le fait qu'on y accède par Astrub lol). J’espère que vous prendrez ceci en compte lors de votre lecture, que je souhaite la plus divertissante possible ! [/HRP]
La taverne du Feubuk était en proie à un foutu capharnaüm. La cohue était de mise : des soldats bontariens édulcorés de quelques-unes de leurs dents revenaient du front et se contaient leurs déboires à qui mieux mieux. Les rumeurs fusaient, les tons se haussaient et les coudées des plus fervents amateurs de houblon étaient sèches, au même titre que leurs godets.
Il se disait que Beldarion était déchiré entre Amayiro, très inquiet des murmures qui lui étaient rapportés par ses espions au sujet d’une prétendue apocalypse ; et Danathor, qui tentait de le dissuader d’investir des ressources qui sont bien plus précieuses pour la cité, sa priorité absolue.
La scission était évidente, la situation frustrante. La menace, elle, était bien réelle, et écouter les conspirationnistes contrepéter les affiches publicitaires de la milice m’exaspérait. Je m’étais donc fait un devoir de convaincre les masses, armée de mon seul oud.
Cela dit, je connais ma force, et elle ne réside aucunement dans mes prouesses martiales. Il serait donc peut-être plus raisonnable d’attendre que les mœurs se relâchent…
Je battais mon jeu de tarot en observant la foule, hébétée par les bribes de phrases que j’entendais. Je tirai une carte. Le flaqueux.
Je souris, et mon cœur sauta un battement.
Je réfléchissais à ce que je pouvais faire pour capter l’attention de cette foule. Ma voix seule serait évidemment insuffisante… J’avais donc besoin d’un élément perturbateur.
Je tirai une nouvelle carte. La justice.
Mon cœur se noua soudainement et j’eus un léger vertige.
Le tavernier finit alors enfin par m’apporter mon repas, que j’engloutis sans réserve. Il me lorgna un instant d’un œil ému, mais je n’eus aucun mal à m’apercevoir par la suite de son regard virevoltant entre mon instrument et ma besace. Il n’était pas le premier, mais les observateurs étaient plus nombreux qu’à l’accoutumée. Toute cette ambiance commençait à sérieusement me stresser.
Je tirai une dernière carte. Le jugement.
Non loin de moi, un groupe attablé que j’épiais depuis quelques dizaines de minutes portait une clameur plus fervente, mais aussi plus dissuasive. Ces loubards avaient l’air capables de me fracasser la colonne vertébrale sans réfléchir. Cela dit, si je voulais que l’on me remarque ce soir, j’avais besoin de l’attention de ceux qui font le plus de bruit. J’avais suffisamment attendu. Je saisis mon oud en ayant au préalable pris soin de ranger les trois cartes que j’avais tiré dans ma manche, et j’abordai les sept malabars à l’air patibulaire.
— Messieurs, je n’ai pu m’empêcher d’écouter vos réserves quant à la polémique actuelle de notre cher Amayiro. Je souhaiterais vous conter le récit d’un être cher à la verve dynamique, qui s’avère aussi être un héros !
Un blanc s’installa quelques secondes. Je suffoquais presque, mais je ne perdais pas la face. Ils se regardèrent un court instant, puis éclatèrent de rire.
— Mais qu’est-ce tu baves petit crapaud ? C’est haut comme trois pommes et ça veut causer politique et baston ? Va voir dans les jupons d’Abrazelon si j’y suis et retourne à tes enclos, ça t’apprendra !
Je n’eus pas le temps de me retenir d’exploser de colère qu’une dague se planta dans l’ébène de la table. L’encapuchonné qui venait d’interrompre leurs gloussements rauques avait une voix d’outre-tombe.
— Laissez la parler…
Il me lança un regard sans animosité, mais à peine perceptible derrière l’ombre de sa capuche.
— Allez-y, Agartha.
Ma queue tressaillit. Cet inconnu connaissait mon nom ? Mais je n’allais pas me laisser déstabiliser : ce n’est pas la première taverne où je chanterai mon histoire et je ne laisserai de toute façon pas passer une occasion de me produire face à ce qui semble être la moitié de la cité blanche. J’avais peur, j’étais furieuse, mais l’effet de surprise avait fait mouche… ils étaient effrayés.
Ni une ni deux, je me saisis de mon oud et je posai mes fesses sur leur foutue table. La, Mi, Ré, La ; en boucle et en mineur.
— Écoutez l’histoire de Vlamont, disciple de Féca, martyr à Misère et parangon de bravoure !
Vlamont est né le 31 Javian 614, avait grandi en Amakna, au sud du champs des Ingalsse, dans la forêt. Membre de la fière famille Gros-Bâton, il était maître cordonnier et ses prouesses au combat lui valurent de rentrer dans l’Ordre du Cul Botté.
— Le jour, il confectionnait des ceintures pour la cour d’Allister. Le soir, il bottait le train d’abraknydes prépubères.
J’avais fait sa connaissance à la bibliothèque d’Astrub alors qu’il enquêtait sur les travaux de Candice Yonéhair, dont il avait entendu parler par Bowisse. Sa fascination pour son art n’avait d’égal que sa surprenante timidité, pour un membre altier d’une famille aussi renommée.
— Incapable d’aligner deux mots, vivement blagueur et plutôt coquin, mais surtout fort d’une curiosité sans fin.
Pour ma part, je jouais de la musique au coin de la taverne d’Astrub et vivais de la générosité de mes mécènes.
Même si, il faut le dire, ils étaient épars.
Mais il me visitait souvent et amenait à boire.
— Il rejoignit aux côtés de Badufron la milice Astrubéenne lorsqu’il eut vent de la menace que vous semblez encore plus négliger chaque matin.
Nos après-midis à Tainéla...
— L’objectif était d’effectuer un raid contre la calamité qui menace encore de ronger nos vertes contrées. Fallanster, finalement, l’aura dirigé.
Je n’ai rien pu faire.
— Nous traversâmes le désert de Misère, assaillis par ses sbires, déterminés à voler les vies de nos pairs. Les combats s’éternisaient. Les forces de nos troupes, sapées par leur avidité, la sécheresse et le désespoir, s’amenuisaient.
En une journée, nous avions perdu toute notre détermination ainsi que nos plus jeunes pousses. Impossible de progresser dans un environnement aussi hostile face à des troupes présentant une hargne si farouche.
— Mais ça n’a pas empêché les plus téméraires de se frotter au balance-fléau de la mégère. C’est galvanisés par les discours et les rêves d’héroïsme de Badufron qu’ils se lancèrent à l’assaut de sa forteresse calcaire.
Je ne voulais pas le laisser au front sans mon support. Mais que pouvaient mes dragonnets face à la sentence d’un être immortel ?
— Après une pénible ascension à travers un dédale monumental érodé par le sable, nous arrivâmes face à sa rapace pestilence.
Je n’avais jamais rien vu de tel.
— Misère balaya d’une attaque la moitié de nos troupes, sans aucune autre forme de procès.
Je n’en peux plus.
— J’ai vu mes camarades morts sur le coup et Vlamont agonir, sa propre égide plantée dans le bassin.
Je n’ai pas pu lui dire au revoir.
— Sans Fallanster, je serais aussi morte à ses côtés.
❧
Mon oud s’était tu depuis un moment déjà, et la cohue de la taverne avec. Je pris un moment pour sortir doucement de ma transe et me calmer. J’avais froid et me sentais infiniment seule sans Vlamont à mes côtés. Mes rêves de bohème et de voyage se sont éteints avec lui ce jour-là.
— C’est pour ça que je ne peux vous laisser ne serait-ce que suggérer une conspiration du gouvernement d’Amakna, un complot Brâkmarien ou des ragots de bonne femme. Cette menace existe bel et bien. Et elle doit être stoppée.
Je repris mes esprits à mesure que des applaudissements se firent entendre dans la salle. Chacun des soûlards, précédemment irrités d’entendre les déboires de ce qui leur semblait être une jeune écervelée, tapaient des mains d’un air grave et résolu. Je remarquai les trois cartes que j’avais tiré précédemment jonchées au sol, avec seulement l’arcane du jugement retourné vers moi.
L’encapuchonné qui m’avait assisté avait déjà mis les voiles. Dans un éclair de lucidité, je reconnus le regard que j’avais entraperçu auparavant : c’était celui d’un des rescapés de l’expédition dans le Désert de Misère.
Au retour de cette dernière, Fallanster m’avait prise sous son aile. Il connaissait bien la famille Gros-Bâton et il partageait ma peine. Il écouta mes lamentations et m’aida à commencer le deuil de Vlamont. C’est en son honneur que je partis conter son histoire, et c’est avec son courage et son cœur que je continuerai chaque soir. J’écumerai les tavernes et les auberges pour convaincre le monde du danger des cavaliers.
Et, Osamodas m’en soit témoin, je convaincrai les grands et les guerriers de ce monde que cette menace doit être éradiquée. Je sais que d’autres héros tels que Vlamont sauront l’éliminer à tout jamais.
Aujourd’hui fut une journée comme une autre… Mais pour encore combien de temps ?
En repensant au village que j’habitais jadis en compagnie de mes chers valeureux grands frères faisant partie intégrante des valeureux Douziens, partis en guerre sur le pitoyable repaire des Cavaliers de l’Eliocalypse, je me sens terriblement offusquée quand je repense au chef de notre village Raval laissant mes héros de frères partir en guerre... Sachant très bien que depuis leur plus jeune âge, guerre et gloire englobait la plus grande partie de leur cervelle d’Iop, moi leur petite sœur, 5 ans à l’époque n’ayant pas assez d’envergure pour les retenir bien que faisant de mon mieux pour attirer leur attention sur moi, les regardant jour après jour se débattre, je vis en eux une étincelle de courage envahir la plus profonde partie de leur âme bouillonante de gloire, et c’est à cet instant précis que j’abandonna mon idée de les retenir. M’inspirant de leur bravoure , je décide de prendre mon courage à deux mains et faire mes valises pour tenter de rejoindre le fameux repaire de l’Eliocalypse qui a inspiré plus d’un de mes frères…
Le début d’aventure de Juliet
« Mais qui tape à une heure pareille ? se demanda l’un des gardes de la cité de Bonta.
-Je me présente, Juliet 7 ans haute comme trois pommes, je souhaiterai avoir des informations concernant l’accès au repaire des Cavaliers de l’Eliocalypse, dit Juliet d’un ton prometteur.
-Hum…je crains que vous deviez retourner chez vous, ma petite demoiselle, car à une heure pareille les enfants de votre âge ne devrait pas…QUOI vous dîtes le repaire de l’Eliocalypse ? s’interrogea le garde d’un air songeur.
-Et bien monsieur, qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Juliet.
-Je ne veux pas vous décevoir ma petite, mais je ne peux pas vous donner plus d’information concernant le repaire de..euh.. je suis désolé mais je dois vous laisser et puis j’ai une sieste à commencer moi ! s’exclama le garde en claquant la porte à Juliet.
-Mais ce n’est pas possible, la légende disait donc vrai ! Ils sont donc si bons à rien dans cette ville ! s’énerva Juliet.
Mais comme disait ma grand-mère Turlepine, qui ne tente rien n’a rien, alors essayons une deuxième fois et puis jamais deux sans trois ! pensa à haute voix Juliet.Elle retapa à la porte…
Toc toc.
Le gardien ouvrit un œil et regarda par le trou de la porte et se dit : « Encore cette petite ! Mais qu’est-ce qu’elle me veut à la fin ? Elle compte vraiment aller à cet endroit stupide où même les plus valeureux de nos soldats n’oseraient pas y jeter un coup d’œil ! »
Une ombre surgit à pas lent et dit : « Ouvre-moi cette porte.
-Euh…oui grand maître Amayiro, dit d’un air doux le gardien, vos ordres sont aussi les miens. Et la porte s’ouvrit.
-Vous êtes vraiment si lent pour ouvrir une…s’étonna Juliet en voyant le vieux bonhomme. Oh mais vous êtes sire Amayiro, celui qui a entraîné mes frères dans mon jardin ! Je me souviens de vous mais je pense que vous non car à l’époque j’étais encore petite.
-Tu veux parler du légendaire quadrio Pinpin, Ponpon, Panpan et Pinpon ? ajouta Amayiro.
-Oh oui mais comment avez-vous su ? demanda Juliet.
-Eh bien..il n’est pas très difficile de le deviner surtout que je n’ai entrainé que peu de valeureux guerriers au cours de ma vie, répondit Amayiro. Je vous ai entendu parler du repaire de l’Eliocalypse, c’est bien de cela que vous parliez avec mon brave gardien tout à l’heure ? reprit Amayiro.
-Brave ? euh je voulais dire oui c’est bien du repaire des Eliocalypses dont je parlais tout à l’heure avec votre br…soldat, répliqua Juliet.
-Je pense deviner pourquoi tu veux aller là-bas ma petite , et bien il est très simple d’y accéder, mais sache que je dois t’avertir d’une chose, c’est qu’une fois dans ce repaire tout retour sera beaucoup plus compliqué que l’allé à moins d’être un génie. Es-tu sûre de vouloir y aller ? questionna Amayiro d’un air songeur.
-Oh que oui, et puis je désire pouvoir conter ce lieux aux personnes que j’aime du village d’Astrub une fois mon retour établi et aussi d’une autre chose qui me tiens particulièrement à cœur, dit Juliet d’une voix silencieuse.
-Très bien, alors prends cette carte, elle te mènera à la Tour des Voyageurs Temporels, le seul moyen pour te mener au repaire puis prends avec toi ce petit sachet de poudre de perlinpinpin, il te portera chance, j’en suis sûr, ajouta Amayiro.
-Merci beaucoup monsieur ! répondit Juliet d’un air satisfait.
-Ah et aussi, je te laisse mon fidèle garde, il pourra te porter secours en cas de grande nécessité, aller debout toi ! ordonna Amayiro.
Oh non pas lui, pensa Juliet.
-Euh oui grand maître, balbutia le garde. »
Deux heures sécoulèrent après le passage de notre petite Bardesse et de son brave garde à la Tour des Voyageurs…
Ils sont désormais juste devant l’antre qui permet l’accès au repaire de l’Eliocalypse.
« Gagaaagaaaga, mais il fait un froid de Timansot ici ! Je comprends pourquoi personne ne met les pieds ici à part ceux dont la cervelle est à moitié remplie ! s’exprima le garde.
-Aller avance d’un pas au lieu de trembloter, rétorqua Juliet, et en route !»
Mais ce que nos deux aventuriers ne savaient pas c’est qu’ils étaient suivis durant leur petit périple...
Juliet étant aiguisée d’un sens de perception accrue depuis son plus jeune âge, sentie quelqu’un s’approcher d’eux durant la marche vers l’antre du repaire de l’Eliocalypse. Elle vit l’ombre s’approcher de plus en plus d’elle, serra ses poings de toute ses forces tout en se protégeant le visage d’une éventuelle attaque surprise (eh oui même les plus jeunes savent se défendre) puis se retourna lentement et vis…
« PONPON ? s’interroga de surprise Juliet, est-ce bien toi ? Mais la personne dont Juliet pensait que ce fut Ponpon ne répondit pas, et disparu aussitôt qu’il apparu tel une ombre malléable plus rapide que Lucra Lucky.
Le garde sentant Juliet envahie de panique dit :
-Ne fais pas attention à ce que tu penses voir à l’intérieur de cette grotte, car selon le livre du Bwork Mâge, aucune des personnes ayant traversé ce chemin n’a eu à faire à qui que ce soit.Puis une voix alourdissante surgit :
-Qui à dit que j’étais une personne ? répliqua l’ombre sombre et mysterieuse, vous ne ferez plus un pas de plus à partir de maintenant. Et une flamme surgit laissant voir l’entité.
-Mais…je vous reconnaît ! Vous êtes l’un des quatre chevaliers de l’Eliocalypse Fred ! s’exclama de stupeur le garde.
-Qu’avez-vous fait à mes frères ! s’énerva Juliet devenu toute rouge comme une tomate pointant du doigt Fred.
-Eh bien…si tu parles des quatre petits Iop que j’ai affronté il fut fort longtemps, sache qu’ils se trouvent dans notre prison spécialement conçu pour les aventuriers prétendant être les plus forts du monde dans le pire des mondes sans même savoir de quoi nous étions capable, nous les chevaliers de l’Eliocalypse.
Le garde brandit une épee de boisaille de son gilet fait de cuir de bouftou et dit :
-Si tu crois que j’ai peur de toi, méprends toi ! Moi Hercule Poirot ancien membre de Temporis et ex bras droit de Theodaran Ax aKa le plus vieil et ennemi juré de Amayiro, je révèle dès aujourd’hui ma véritable existence caché dans l’ombre depuis le 10 Septange 2019 avant l’apparation du Vidco-10-9, afin d’analyser les postures, faits et gestes d’Amayiro pour en apprendre davantage et devenir LE meilleur des guerriers de tous les temps, je vais donc te demander Juliet de me passer la poudre de perlinpinpin que t’a fourni Amayiro il y a deux heures et à toi Fred de te replier tout de suite avant qu’il ne le soit trop tard !
-Ahahah jamais personne ne m’a fait rire de la sorte, fait voir de quoi tu es capable au lieu de papoter, tu me rapelles ces misérables vermines de Iop sans cervelle, s’esclaffa Fred.
Juliet ne dit pas un mot et fila la poudre de perlinpinpin tout en changeant de point de vue à l’égard d’Hercule Poirot.
Et Hercule Poirot engloutit la poudre de perlinpinpin…
Ses muscles brandirent, il prit deux tours de taille, ses cheveux poussèrent haut comme trois pommes, se colorèrent d’un orange vif mais son évolution ne se réduisit pas seulement à son physique, son gilet se métamorphosa en blouson de cuir de bouftou de guerre et son épée se changea en griffe rose. C’en était fini de Fred.
Fred fortement étonné recula d’un pas, puis deux et se dit :
-Ce n’est pas possible, c’est la première fois que je vois un brave homme de la sorte, il jouait bien la comédie, je l’ai sous-estimé, je ne voulais pas avoir recours à cette méthode de lâche mais…Fred sorti une flûte de son manteau de velours, siffla et 3 autres entités apparurent l’une après l’autre.
-Mais ce sont les très populaires Ike, Ryse et Ed ! J’espère que la légende contant que si les quatre chevaliers se réunissent , un terrible chaos se produira est fausse, s’affligea Hercule.
-Bonjour chère frère, comment se retrouve-t-on ? souria Ed.
-Ce n’est pas possible…pas toi, alors il y a quinze ans, père et mère pensant que tu étais mort durant ton assaut au repaire, pleurèrent jour et nuit…mais en fait tu n’es qu’un traître ! Je ne te le pardonnerai jamais ! hurla de colère Hercule.
-Alors de une, tu me parles autrement car tu me dois le respect puisque je suis ton aîné et de deux qui a dit je suis allé combattre au repaire ? rétorqua Ed.
-Non tais-toi, je ne veux plus t’entendre parler, Juliet prends cette potion et avale là d’un coup sec , elle te permettra de te rendre au sanctuaire de l’Almanax, surtout préviens tout le monde du danger qui court , fais passer le message à tout ce que tu croisent et surtout essaie de prévenir Amayiro afin qu’il joigne ses force à maître Theodoran.. Je compte sur toi, la survie de tous est entre tes mains, je compte sur toi pendant que je les retienne, mais fait vite et ne tarde pas trop car l’heure est grave, le monde des Douze risque d’être à son apogé et plongé dans la servitude et le chaos total. Dis leur simplement que les quatre chevaliers de l’Eliocalypse sont réunis : Fred-Ike-Ryse-Ed.»
Juliet ne perdit pas une seconde de plus, but avec tiédeur la potion que lui a passé Hercule, se téléporta au sanctuaire tant attendu et raconta ce qui s’est passé à Theodaran dans les détails les plus précis. Un jour seulement après, le monde des Douze était entièrement au courant, les soldats prêts au combat. L’assaut final opposant les deux camps était inévitable.
Ton histoire est rigolote!!! J'avoue que j'aimerais bien voir Amayiro se bastonner avec Théodoran! : D
Ce soir là, le ciel était étonnamment dégagé. La lune frappait de plein fouet la devanture d’une ancienne bâtisse. Un panneau de bois ornait l’entrée, sur lequel était gravé :
Au Piou Moqueur - Taverne - Auberge - Lieu de vie.
Du brouhaha s’échappait de ce lieu, une bonne partie du village devait être présente. J’ai ouvert la porte et je me suis retrouvé dans la salle de la taverne. Sur ma gauche se trouvait une petite estrade où quelques personnes étaient en train de donner une représentation.
Le tavernier se tenait derrière le comptoir, juste en face de moi. En me dirigeant vers lui, les clients m’ont jeté à tour de rôle un rapide regard, avant de reporter leur attention sur la scène.
« - Qu’est c’que j’vous sers l’ami ? marmonna-t-il. Nous avons d’la bonne bière aromatisé aux graines de pandouille, c’est un breuvage fortement conseillé pour un pandawa. Il nous reste également d’la tarte aux pommes. L’tout pour la modique somme de trois kamas ! »
J’ai simplement hoché la tête et déposé les kamas sur le comptoir.
« - Vous n’êtes pas très bavard, même un bouftou aurait plus de conversation. Allez vous installer à une table, Gourmandise vous apportera l’tout. Et ôtez-moi ce capuchon, vous n’avez pas besoin de vous cacher ici ! »
J’allais prendre place à une table, au fond de la salle, lorsque ma cape s’accrocha à une écharde. Je me suis retourné pour la détacher, manquant de bousculer la serveuse.
« - Faites attention ! chuchota-t-elle, tout en déposant le contenu de son plateau. La tarte est encore tiède, régalez-vous.
- Merci, ai-je dit d’un ton neutre pendant que je m’asseyais sur le tabouret. »
Nos regards se sont alors croisés, elle me dévisageait avec insistance.
« - Oh quelle horrible cicatrice que vous avez là. Parcourt-elle tout votre visage? Est-ce une blessure de guerre ? demanda-t-elle d’une voix peu assurée. »
Un léger silence s’installa. J’allai lui répondre quand son patron l’appela.
« - Gourmandise ! Viens servir les bières ! Cria-t-il. »
Elle s’exécuta immédiatement me laissant seul avec mes mets. Tout en dégustant ma bière je me suis focalisé sur la musique. Une jeune bardesse et son luth ont pris place sur la scène. Assise sur une chaise, elle commença par ajuster les cordes en effectuant quelques accords. Elle s’est éclairci la voix prête à commencer. Le silence se fit dans la salle, tous les occupants avaient le regard fixé sur elle. Une mélodie, plutôt énergique, émergea graduellement agrémentée d’une douce voix.
« Quatre cavaliers, qui répandirent l’éliocalypse
Courent à travers le monde des Douze.
Leurs noms, ils les tirent de leurs calamités,
D’un F qui veut dire Fléaux.
Corruption, Servitude,
Esprits rusés qui font leur lois.
Guerre, Misère,
Vainqueurs, vous l’êtes à chaque fois.
Fléaux !
Fléaux !
Fléauuuuux… »
Elle fit une pause dans sa mélodie voyant qu’elle avait réussi à capter toute l’attention de la salle.
« Être barde, quelle vie, s’exclama-t-elle. Une vie que j’ai choisi et pour vous, ce soir, je conterai l’incroyable périple d’une troupe de courageux douziens parti affronter l’un des quatre cavaliers de l’éliocalypse… Guerre ! »
A ce nom, elle reprit avec une voix calme et poétique, fixant à tour de rôle les occupants de la taverne.
« Nous avions survécu au piège tendu par Servitude.
Certains de nos camarades furent blessés, le courage d’un ouginak est à souligner.
De nombreuses vies ont été épargné, l’objectif a été réalisé.
Au sanctuaire nous célébrâmes cette victoire, chants et musiques redonnèrent de l’espoir.
Le soleil pointait le bout de son nez, que déjà nous devions y retourner.
Une armée répandait la terreur, affronter Guerre il était l’heure. »
Abandonnant son style poétique, elle continua son récit.
« Nous avons été informés que le village de Trois-Ruisseaux était envahi par une armée faite de soldats de sang. Ils n’avaient aucune volonté et obéissaient aveuglément aux ordres de leur maitre, Guerre.
Notre objectif était simple, récupérer un objet sacré détenu par Guerre : une coupe dorée imprégnée de son propre sang. Nom de code : Le Graaliocalypse.
Les généraux du Sanctuaire acquirent cette information d’un espion, Vivlan Guil un sram bibliothécaire de profession, qui avait un certain talent dans l’art de se dissimuler. Afin de s’en emparer, il nous fallait une diversion pour éloigner Guerre et ses gardes de son habitat.
Denn Kratz, l’un des généraux du Dernier Espoir, s’était porté volontaire pour mener cette diversion et réquisitionna les plus courageux soldats qui étaient encore en état de se battre. Le groupe d’infiltration fût composé de quatre membres. Cara Lroft, une fécatte à la chevelure rousse, aventurière renommée. Nalta, un pandawa peu bavard. Vivlan Guil et moi même complétions le groupe.
Notre mission était essentielle pour tenter d’arrêter Guerre. Son sang pourrait servir, à travers un rituel, à annihiler toutes ses pulsions meurtrières ainsi que de réduire son emprise sur son armée. Du moins c’est ce que nous espérions, mais pour l’heure le jour se levait et nous devions partir. »
Elle posa à nouveau ses doigts sur son luth et gratta quelques cordes pour entamer un nouveau chant. [Fin à 1min30.]
« Au-delà des lacs’palais enchantés
Non loin des sombres
Forêts oubliées
Au Trois-Ruisseauuuuux il faut alleeeer
En quête d’une couuu - peeeee dorée
L’ennemi rugissait
Courageux et fier
Nos troupes gémissaient
Ecraséeees par Guerre
Rouge l’armée, de sang marchait
Tel des pantins asservis et affamés … »
Elle déposa son instrument à ses pieds, se leva et continua son récit en y incorporant une certaine gestuelle.
« Denn Kratz et son équipe ont été les premiers à passer le portail menant au Trois-Ruisseaux. Quand nous les eûmes rejoint, ils faisaient déjà front commun contre Guerre et son armée. Des engins de sièges lançaient des projectiles sur nos soldats, le fracas de lances et épées résonnait en haut de ce piton rocheux. Le village fumait encore rendant l’atmosphère lourde et difficilement respirable. Nous ne pouvions pas nous éterniser au front, il fallait rejoindre le Trône de sang. La cohue des affrontements nous avait permis de passer outre la surveillance de l’ennemi et nous avons pu rejoindre le centre du village. Il s’y trouvait une fontaine ainsi qu’une rivière devenue aussi rouge que du bauxite. Nous avons longé le cours d’eau, en prenant soin d’éviter les quelques rares patrouilles, et sommes arrivés devant l’entrée d’une grotte qui semblait être aménagée. Vivlan leva sa main, disant de nous arrêter.
- A partir d’ici ouvrez l’oeil, chuchota-t-il. Des gardes doivent encore rôder à l’intérieur. Je passe devant, s’il y a des pièges je saurai les déceler.
Nous avons tous hoché la tête en signe d’approbation, et sommes avancés prudemment à l’intérieur de la caverne. De grands piliers sculptés soutenaient la gigantesque salle de l’entrée. A notre grande surprise il n’y avait pas âme qui vive, simplement du sang, du sang et encore du sang. Au fond de cette salle se trouvait des bassins remplis de ce liquide rouge. A côté, de nombreux outils et machines, s’imbriquaient pour former une forge. Des moules humanoïdes étaient encore marqués de sang frais.
- Ça doit être ici que Guerre crée son armée… Dis-je d’une voix tremblante.
- C’est bien ce que je pensais, répliqua Cara. Il faut les détruire, nous ne pouvons les laisser se multiplier.
- Je dois pouvoir endommager la machinerie, s’interrogea Vivlan. En désaxant ces engrenages -il les pointa du doigt- les énormes sceaux d’acier devraient tomber et détruire les moules. Nalta ! Viens m’aider à les pousser, s’exclama-t-il.
Aussitôt les deux aventuriers accoururent en direction des engrenages et les désaxèrent. Les chaudrons d’acier s’écroulèrent comme prédit par Vivlan. Un bruit assourdissant résonna dans la grotte.
- Pour le côté discrétion on repassera, ironisa Nalta.
- Il ne faut pas rester là, ai-je chuchoté tout en désignant les escaliers de l’autre côté de la salle.
Il fallait avancer dans notre quête. Cette bataille se menait sur deux fronts. L’un à l’entrée du village, l’autre ici. Retrouver cette coupe dorée nous donnerait un avantage indéniable contre Guerre. Mais nous ne savions pas combien de temps nos troupes pouvaient tenir face à la puissance militaire de l’ennemi. Au sommet de ces escaliers, un gigantesque ornement de pierre délimitait un interminable couloir. L’ornement représentait son plus fidèle compagnon, son Boufrog.
- Le trône se trouve au bout de ce couloir, expliqua Vivlan. Ne traînons pas, et faites attention où vous mettez les pieds…
Sur ces mots nous nous sommes engagés dans ce couloir. Nous avons traversé une première salle, une deuxième salle, une troisième salle, une quatr-.
- Bah ça alors, des portes… Rigola nerveusement Vivlan. Elles n’y étaient pas la dernière fois…
Pendant que mes coéquipiers réfléchissaient à un moyen de contourner cet obstacle, j’ai tenté de pousser les portes… qui se sont simplement ouvertes. Derrière ces portes se dressait le trône de Sang. Il était massif et ensanglanté, à ses pieds des dizaines de cadavres gisaient. Sur un accoudoir il était posé. Le Graaliocalypse luisait au milieu de ce paysage d’hémoglobine. Seulement quelques kamètres nous séparaient de lui… ainsi que d’un groupe de gardes. Ils étaient trois. Nous avions la supériorité numérique, eux avaient les armes.
- Que faites vous ici intrus ! Gronda l’un des soldats. Nous allons vous démembrer comme on arrache les pattes d’une arakne !
Les trois gardes foncèrent sur nous, terrorisée je fis un pas en arrière. Cara dégaina son épée et se précipita sur les soldats.
- Pour le Dernier Espooooiiir ! Cria-t-elle en se dirigeant vers le premier soldat.
Un bruit sourd, épée contre épée, annonça le combat. Des étincelles jaillissaient témoignant de la violence des coups. Vivlan et Nalta partirent chacun sur un flanc afin d’encercler l’ennemi. Vivlan sortit deux dagues et prit appui sur le mur passant par dessus le second garde. Nalta, lui, récupéra une hache au sol et affronta le troisième. Ce garde était plutôt rapide, il avait déjà balafré le visage de Nalta, lui faisant une marque sur l’entièreté de celui-ci. Moi j’assistais, impuissante face à cette bataille. Le premier garde prit le dessus sur Cara, la faisant trébucher. Il allait abattre son épée sur son crâne mais elle réussit à parer le coup du pommeau de son arme. Mais il avait bien plus de force…
- Dépêche-toi d’aller le chercher ! m’a-t-elle hurlé. Je ne pense pas tenir longtemps !
Ses cris ont eu un effet d’électrochoc, je me suis mise à courir en direction du trône, passant à quelques centikamètres du premier garde. Il a tourné la tête à mon passage, ce qui le distrayait et Cara en a profité pour le désarmer et l’isoler au sol. Elle lui trancha la gorge d’un coup sec.
Je me suis emparée de la coupe dorée qui nous narguait, posée sur l’accoudoir du trône. Je me suis empressée de la mettre en sécurité au fond de mon sac en vidant son contenu dans une fiole. Cara aida Vivlan et Nalta en passant derrière les gardes et les transperça de dos, visant un possible coeur. Ils s’écroulèrent l’un après l’autre, répandant des flaques de sang qui se solidifièrent instantanément. L’affrontement terminé, nous pensions sortir sans encombre et rejoindre rapidement le portail, mais nous nous trompions…
En possession du Graaliocalypse, nous nous sommes dépêchés de quitter les lieux et traversâmes le grand corridor sans difficultés. Mais arrivés à l’entrée du couloir, le Boufrog se tenait là. Enfin les Boufrogs, l’ornement de pierre et celui de Guerre. Guerre était devant nous, chevauchant sa monture. Avec une dizaine de soldats, Guerre bloquait tout espoir de s’enfuir par les escaliers. Au pied du montilier gisait le corps, sans vie, de Denn Kratz.
- Qu’avez vous fait à Denn, s’exclama Vivlan d’un air terrifié.
- Il s’est bien battu, il cogne fort mais pas assez, rigola Guerre. Je me doutais qu’une partie de ces misérables douziens tenterait de venir dans mon temple pour me dérober quelque chose. Ce que je ne sais pas, c’est que m’avez vous volé. Peut importe, je le découvrirai sur vos cadavres. Vous allez tous mourir ici !
Guerre leva son hallebarde et la pointa dans notre direction pour ordonner à ses sbires d’attaquer. Je voyais la fin arriver … »
La bardesse après cette longue narration reprit son souffle, son luth et se réinstalla sur la chaise. Quelques notes de musique vinrent accompagner un nouveau chant. [Fin à 1min29.]
« La mort s’installe doucement devant nous,
Le sang est roi, dans cette cour.
Un royaume couvert de cendres
Nous devons partir, pour toujours.
La peur qui hurle en moi n’assistera pas à demain,
Guerre est bien trop forte
Tremblantes sont nos mains…
Jette le Graalio’ , ne t’en fais pas,
Fais attention et tu n’échouera pas !
Le plan marchera, pas d’iincertituuuuuuuuuude… D’inquiétuuuude
Actiooon, diversiooon
Tout le monde comptait sur moi,
Actiooon, diversiooon
C’est décidé je l’envoie
J'ai fouillé, cherché la coupe dorée
Dans l'sac pichon'vert
De joie j'ai su la faire rouler jusqu'à ses pieds. »
La bardesse s’arrêta net et une coupe dorée roula sur la scène jusqu’à sa chaise, provoquant un bruit qui effraya l’auditoire. Derrière elle, caché dans l’ombre, son assistant aux énormes hublots s’occupait de la légère mise en scène.
« - Super timing Utoes, chuchota-t-elle en direction de son associé. »
Déposant son luth, elle continua son récit une nouvelle fois debout.
« - Le bruit du Graaliocalypse résonna sur le sol de pierre. Les soldats se sont stoppés et nous avons reculé de plusieurs pas, quelques kamètres nous séparaient d’eux désormais. Guerre ramassa la coupe et nous jeta un regard noir, rempli de haine.
Au même moment un bruit sourd envahit toute la grotte. Du plafond commençait à s’échapper des petits fragments de roches mélangés à de la poussière. Des énormes blocs se sont alors détachés, s’écrasant en partie sur les premiers soldats de Guerre et bloquant, par la même occasion, leur accès à nous. Les engrenages de la machinerie que nous avions détraqué ont dû, par réaction en chaîne, affaiblir l’édifice. Certaine bataille se gagne avec la chance, il fallait saisir cette occasion pour nous échapper.
La chute de ces blocs ont mis à jour une fenêtre de sortie. Une légère escalade suffisait. Cara ouvrait la voie, suivi de Vivlan et de moi, Nalta fermait la marche. Nous sommes sortis à flanc de falaise, le village était à quelques dizaines kamètres d’ici.
- Vite ! Dépêchons nous, ils ne vont pas tarder à arriver, s’écria Cara en dévalant la montagne.
Vivlan la suivait de près. Tandis que j’allais m’élancer dans la pente, Nalta arracha mon sac d’un coup sec et me poussa. J’ai perdu de vue ce traître, en dégringolant la falaise… »
A ces mots je me suis levé, prêt à quitter ce lieu. Gourmandise se tenait à côté de moi, nos regards se sont de nouveau croisés et j’ai pu voir dans ses yeux qu’elle était apeuré. Je ne pouvais pas rester ici. Je me suis alors retourné, cape portée et capuchon relevé.
« - Ne croyez pas tout ce que l’on vous raconte Gourmandise, dis-je d’une voix glaciale avant de sortir. La vérité retentira un jour… »
Je le sens, les cavaliers reviendront plus fort encore, il faut déjà s’y préparer.
Moi je peux vous le dire haut et fort, j’ai vécu l’expérience la plus enrichissante de ma vie dans le monde des 12.
Ma plus grosse galère n’a pas été d’être au service d’une troupe d’inconnus, en revanche chaque nuit j’avais peur d’être dans la solitude d’être mise à nue.
Nous douziens nous nous plaignons souvent sur des sujets anodins, on dit souvent que le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Et bien sachez que lors de notre entrée dans le Désert de Misère.
Le sablier du bonheur s’était arrêté net pour chacun de nous, l’équilibre psychologique de notre Xelor semblait déréglé, nous devions éviter d’approcher ces miséreux, mais en plus il fallait également être vigilants face à ses aiguilles qui partaient dans tous les sens. La notion du temps n’avait plus de valeur, mais celle de l’argent prenait davantage d’ampleur.. Notre enutrof se posa une question pour le moins surprenante, il me demanda Bardesse, à quoi me servirait cet argent si je ne peux pas m’en servir à temps… Une question sans réponse pour ma part, mais pour lui un réel cauchemar. Nous avions tenté d’établir un périmètre de sécurité en bâtissant des tours avec des outils fait maison. Nous manquions cruellement d’eau, à l’aide de la longue vue du Steamer on trouva une oasis, elle semblait être à portée de main. Nous allions descendre de la tour quand soudain une ombre dans le ciel apparut, un immense vautour se dressa devant nous, il était chevauché par Misère elle même.
En un regard elle comprit que nous n’étions pas du coin, elle nous demanda pourquoi nous étions là.
- Bonjour ou Bonsoir Misère, désolée le temps semble inapproprié ici, nous sommes en expédition pour en apprendre davantage sur vous les cavaliers de l’Eliocalypse.
- En effet petite, le temps est sans importance ici, je dirige ce désert, je ne mettrais mon grain de sable dans ce monde des 12 que si je le juge nécessaire, mais saches que les miséreux qui peuplent le reste des contrés de monde des 12 ne sont rien comparés à ceux de mon désert. Je suis habituée à cette misère depuis toute petite je l'a convoitise j’en ai même endossé le nom, et vous voir ici ce n’est pas bon pour eux. Moi j’arrive à supporter cette misère, mais si vous restez trop longtemps certains d’entre vous vont craquer. Alors je vous suggère de partir, et tout se passera bien pour vous.
- Merci beaucoup nous n’en n’attendions pas moins, nous souhaitons également partir, je pense que vous avons vu le plus important dans ce désert, en revanche pouvons nous vous prendre un peu d’eau dans l’Oasis avant de partir ?
- Evidemment petite, tu sais dans ce bas monde, c’est toujours ceux qui en ont le moins qui donnent le plus, n’oublies jamais cette phrase.
Misère s’envola, nous nous empressions de prendre le plus d’eau possible, et je compris que cet acte collectif ne relevait pas de notre nécessité, nous sommes douziens et parfois sans doute notre égoïsme prime, nous avions plus d’eau qu'il n'en fallait… Je me posais des questions, mais étant la plus jeune j’avais peur d’élever ma voix contre tous, mais au fond de moi j’espérais que d’autres aient eu le même raisonnement…
Je suis trop jeune pour avoir connue la Guerre ?
Cette phrase n’a plus aucun sens pour moi, d’ailleurs doit-on un avoir un âge précis pour connaître la guerre ?
Sachez que cette phrase était vitale pour notre entrée en scène dans Les Blessures de Guerre.
Et moi qui pensait que Brâkmar était une cité violente, à côté elle paraissait aussi paisible que Bonta. D’ailleurs dans notre troupe, je crois que l’unité faisait face au danger unique qui se dressait devant nous, comme quoi nous pouvons devenir le meilleur ami de notre pire ennemi pour le bien commun…
Les guerres laissent des séquelles, comme vous le savez moi Bardesse j’use plus facilement de la plume que de l’épée, et dans ce lieu je me demande où sont les paix, j’envisageais même de mettre les gaz plus rapidement que prévu. Mais évidemment que serait une bonne histoire sans imprévu ?
Il parait que les milices ont un arsenal d’armes impressionnants, ici à force de voir des haches, des épées, des marteaux voler, j’ai cru que nous étions aux J O du monde des 12.
Hélas non, c’était le quotidien de ces habitants, un jour tu rêves le lendemain tu crèves, sans blague cette phrase était notée sur une boutique qui vendaient des armes.
Je crois que je n’ai jamais vu autant de peur dans les yeux des deux Iop de notre troupe.
Petite devinette, savez-vous ce que donne l’un Ceste entre Bouflux ?
Un Boufrog les amis !
Alors je vous suggère de ne jamais vous en approcher, sauf si il est obéissant à son maître, en l’occurence ici c’était Guerre elle même qui était dessus, on ne pouvait que la remarquer, avec ce rouge vif !
Elle s’arrêta devant nous, elle nous demanda si il y avait des gladiateurs dans notre équipe... Forcément elle fixa les 2 Iops, ils n’avaient pas le choix, ils devaient se battre pour notre survie, c’était elle la Reine de cet endroit ou plutôt cette arène...
Bon je ne vais pas garder le suspense plus longtemps, elle affronta les 2 Iop, je crois que ce fut le combat le plus rapide de l’histoire, 2 coups de Guerre, 2 cicatrices pour nos Iop.
Suite à ce bref combat elle s’exclama :
- Ici je suis une femme mais je joue l’Heaume de Guerre, j’aime les batailles au sein de ma forteresse, les hommes qui pleurent leurs morts ne sont que des femmes en détresse, une hache qui brise leurs visages rien de tel pour les faire taire. Cependant vous n’êtes pas du coin ça se voit, alors je vais vous laisser partir, mais il était obligatoire d’avoir les Blessures de Guerre comme souvenir.
- Je suis surprise que vous laissiez en vie mes deux amis Iop, même si je vous en suis très reconnaissante !
- Tu as du cran petite, oser prendre la parole alors que je ne t’ai pas autorisée.
- Pardonnez moi Guerre, je ne suis qu’une simple Bardesse, contrairement à vous j’use de la plume plutôt que de l’épée.
- Ahahah petite bardesse, j’use de la Hache pour ma part, mais je vais te faire un cadeau car tu n’as pas peur de me tenir tête, je vais t’offrir ceci en gage de souvenir que tu pourras conter au reste du monde des 12 tant qu’ils sont encore en vie. Voici une Hachebardesse de Guerre fais en bon usage.
J’étais sans voix, tétanisée par la peur de me prendre la hache en pleine tête, je remercia Guerre et rangea l’arme avec le reste de mes affaires.
J’avoue qu’après ces deux excursions j’appréhendais le reste du voyage, mais pas le choix nous devions continuer !
Nous voilà dans le repère de Servitude, je pense que le mot Liberté n’est pas dans le vocabulaire des habitants, ici personne n’est réellement maître de son destin.
Je remercie les Dieux du monde des 12 de m’avoir épargnée ma naissance ici.
En revanche tous sont égaux, enchainés par des liens à la fois physiques pour certains et moraux pour d’autres. Leurs actions sont dictées par une seule et unique personne Servitude.
Les filles arborent fièrement leurs colliers ainsi que leurs manteaux de Servitude, les garçons eux portent souvent l’écharpe ou la Dora de Servitude.
Qu’on se le dise directement, tout ce qui a de la valeur est en réalité une soumission.
Et moi je prends ma mission très à coeur pour pas un Kama !
Mais je crois sincèrement que la liberté n’a pas de prix.
Notre Crâtte superficielle s’empressa de prendre ce manteau car je cite : Il est magnifique, il plaira forcément à mon futur mari,
Et bien ma chère saches que tu viens de faire la plus grande bêtise de ton existence ! A défaut d’être libre tout en étant au service de ton futur époux, tu deviendras l’éternelle esclave de Servitude. En effet je ne mettais pas trompée en me disant ça, quelques secondes après que la Cratte crâna avec le manteau.
Servitude débarqua…
- Toi Crâtte du monde des 12, en portant ce manteau tu es à partir de ce jour à mon service, tu avais ton propre libre arbitre, hélas tu n’hésitas pas à prendre les devants, et de cet acte je t’en remercie, tu pourras porter ce manteau tout le restant de ta vie, mais saches que tu ne pourras jamais le défaire. Je vois dans ton regard la désillusion, tu pensais t’accaparer ma création pour ton intérêt, mais saches qu’ici il n’y a qu’à moi que l’on porte de l’intérêt !
- Excusez moi Servitude, mon amie Cratte ne savait pas qu’un habit aurait pu la priver de ses droits, car justement dans le monde des 12 nous pouvons nous habiller librement, même si nous ne pouvons pas éviter les jugements de chacun.. Peut-elle vous rendre votre magnifique création, je suppose que d’autres personnes voudront la porter fièrement tout en ayant connaissance des conséquences.
- Qui es-tu toi petite chose, au vu de ton accoutrement je doute que tu aies de l’influence de là où tu viens.
- En effet, vous avez raison je ne suis qu’une simple bardesse, je n'ai pas d'influence sur qui que ce soit, mais je suis libre de faire ce que bon me semble, et là j’aide une amie en détresse, qui n’a pas su résister au superficiel…
- Tu l’as dit ! Il faut savoir que dans mon monde, je suis l’unique personne qui détient ce pouvoir, j’attire les gens avec du superficiel, et de leur liberté je tire les ficelles, je suis également au service de moi même.
- Justement Servitude, peut-être qu’une fois dans votre vie, vous pouvez enlever votre étreinte sur une personne et la rendre libre, vous l’avez dit vous même que le libre arbitre est un facteur important dans ce monde… S’il vous plait Servitude je sais que ce n’est pas dans votre attitude, mais nous ne pouvons pas laisser notre Cratte à vos côtés dans la solitude.
- Hummmm, petite bardesse, j’aime ta manière de résumer les choses, et je reconnais que tu as raison, alors exceptionnellement je vais libérer ton amie, mais après ça partez tout de suite et que personne ici soit au courant ! Car sinon je vais en baver dur pour priver la liberté d’autrui !
- Pas de problèmes Servitude, on n’en parlera jamais ici , et nous partirons le plus vite possible.
Servitude ôta le manteau de la Cratte, elle s’effondra heureuse de retrouver sa liberté, mais nous n’avions pas de temps à perdre on devait découvrir la dernière zone !
Une odeur pestilentielle émanait de cet endroit, mais pas le choix nous devions garder le cap, j’étais à la fois soulagée d’être encore en vie, mais j’avais l’impression que mes tripes étaient sorties de mon corps, pourquoi je n’étais pas enrhumée ?
Une chose était sûre nous étions bien dans le Royaume de Corruption, un monde où le parfum est en option, ici si on vous proposez de ne pas vous laver pour 1 million de kamas c’était une simple formalité.
Je n’ai jamais vu autant de kamas transiter devant moi, des sommes astronomiques à faire perdre la boule à notre bon vieil Enutrof.
Vous vous rendez compte ? Il avait l’impression d’être un pauvre à côté. Que devrais-je dire ?
M’enfin nous observions la vie de ces individus clairement abimés.
Abimés oui par l’argent et la maladie, imaginez qu’un Kama représente votre existence, la bourse ou la vie ? Ici les deux vont de paires.
Je ne veux en aucun cas bouleverser l’économie du monde des 12, mais le Kama est un poison ! Moins vous en avez plus les démangeaisons sont grandes, certaines personnes étaient presque masquées dans le décor c’est vous dire la pauvreté…
Plus haut je voulais être enrhumée après ça, je ne voulais plus aucune maladie, notre petit Eni hypocondriaque était au plus mal…
Hélas personne n’avait les mots pour le réconforter, en réalité nous étions tous dans la même situation.
Corruption arriva devant l’Eni, elle l’avait senti, pas trop compliqué nous devions sans doute sentir la rose !
- Toi, Enirispa nous manquons de remèdes au sein de mon royaume, tu vas nous rejoindre et tu feras payer le prix fort de tes remèdes, tu me donneras 80% de tes recettes pour garder la vie.
- Attendez Corruption, nous sommes là en expédition nous ne comptons pas rester, en revanche nous pourrons éventuellement revenir avec plusieurs remèdes pour sauver votre Royaume.
- Tu plaisantes petite sotte, au contraire il ne faut pas sauver mon Royaume enfin pas tout le monde sinon je vais perdre des kamas, c’est moi qui transmet les maladies à mes hôtes pour les soutirer derrière..Il attrapa l’Eni par la taille, en lui mettant une ceinturonce de force,
- Maintenant il m’appartient, sachez que si vous faites quelques chose, je fais en sorte que les démangeaisons se libèrent de la ceinture. Je vous remercie pour ce cadeau mais il est temps pour vous de partir de mon Royaume. Sauf si vous pensez survivre face à mes maladies vous n’êtes pas de taille !
Il s’échappa avec l’Eni, nous l’avions compris, nous venions de le perdre à tout jamais… L’odeur devenait de plus en plus infecte, il était temps pour nous de quitter cet endroit. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, car il avait toujours eu le mot pour nous réconforter, et nous nous n'avions pas pu le sauver...
Sur le chemin du retour, nous restions tous sans voix.
C’est la première fois que je m’exprime devant autant de monde, je tiens à dire que mon histoire sur les Cavaliers de l’Eliocalypse était plus facile à vous raconter qu’à vivre.
Je remercie également la troupe qui se trouve parmi vous, sans laquelle je n’aurais pas pu vivre cette expérience.
Ce qu'il faut retenir c'est que nous devions tous être unis dans cette guerre, j'étais heureuse de voir Brâkmar aider Bonta, pas une personne plus haute que les autres, tous au même niveau !
Aujourd'hui les Cavaliers ne vont pas nous attaquer, mais quand sera t-il de demain ? Nous devons être prêts !
Nous sommes en Guerre, nous sommes en Guerre, nous sommes en Guerre !
La Bardesse se retira sous un tonnerre d’applaudissements.
Me revoilà dans ma ville natale, Astrub. Je l'avais quitté il y a bien longtemps pour voyager sur les routes. Ces dernières, je les animais de mes chansons, mais maintenant je n'en avais plus la foi. J'ai vu beaucoup de choses. Des bonnes, des mauvaises, des espérances et des traumatismes. En effet, j'ai accompagné la cohorte de mercenaires, miliciens et de tous les volontaires pour tenter de repousser l'une des quatre grandes calamités qui venait d’apparaître à côté de ma ville natale, Guerre. Mais me revoici à Astrub cette ville magnifique.
A peine que la cohorte militaire que j'accompagnais fut à vue de la ville, des bruits se firent entendre. Ce fut une fête pour célébrer la victoire de l'armée douzienne. Les gens étaient heureux, en apparence. Car en effet après une année entière de campagne, les quatre cavaliers cauchemardesques ont enfin reculé. Même si ce n'était qu'un peut cela était bien présent.
Alors que les gens fêtaient le tout, un enfant osamodas me prit le bout de ma manche. Ce dernier montra un dessin de lui et d'un homme à ses côtés aussi cornu que lui. Je reconnaissais ce dernier, c'était un des cuisiniers volontaires de l'armée. Mais il ne pourra pas revoir son fils qui se tenait face à moi, car la seul chose qu'il est vu se sont les sous-fifres, de l'incarnation de la guerre elle-même, durant une embuscade. Alors que ce dernier me regardait avec un air de chienchien battu, je décidai de monter un tas de kamas à côté du zaap de la ville. Je pensais à mes compères bardes Luth Graisse, Dovih et Harace, alors que les yeux des personnes présentes me fixèrent. Après une grande respiration, je me lançai.
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« Mérydes de la chanson, Vikotoru ainsi qu'Atsu
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Guidez ma langue parmi mes souvenirs, voici mon tribut.
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Les astres des brutales nuits berçaient la cohorte armée,
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Tous êtres, soldats, mercantis, présent durant cet instant,
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Certains pour se détendre jouaient aux cartes, perdant.
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Deux années s'étaient écoulées, les volontaires étaient cernés.
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Cernés par la fatigue, cernés par les sanguinaires.
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La guerre ainsi que son incarnation, tous bataillèrent
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Soldats ou bien citoyens combattaient, faucheurs ou fauchés
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Les morts s'empilaient sur le sol rougeâtre ainsi qu'imbiber.
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Le combat était certes fini, mais pas la guerre.
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Même face à elle, les corps tombaient comme des pions.
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La guerre et son incarnation ne faisaient pas de distinction,
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Et les vies de simples soldats et douziens s'achevèrent."
Alors que j'achevais mon récit, les mines s'étaient renfermées. La plus de toute était celle de la personne qui se trouvait à côté de l'enfant, car elle comprit que la guerre ne faisait pas de gagnant. En effet, elle ne verrait plus la personne qu'elle aimait et l'enfant ne verrait plus son père. Alors que les festivités repartirent lentement, je partis vers ce qui me restait mon foyer. Il était passé entre les mains de Xélor, mais restait là, toujours au même endroit, prêt à m'accueillir.
Un silence pur régnait dans le jardin, pas un oiseau ne chantait, pas un insecte de volait. Le jardin entier semblait attendre que Mira prenne la parole. Plusieurs minutes s’écoulèrent dans le silence pendant que Mira jouait nerveusement avec une boucle de ses cheveux. Elle prit finalement une grande inspiration et se décida à rompre le silence.
_Bonjour mère, dit-elle.
Pas de réponse comme à l’accoutumée, mais Mira avait l’habitude, aussi elle continua aussitôt.
_J’ai une grande histoire à te raconter, peut-être la plus grande histoire que l’on ne m’ait jamais racontée. Peut-être celle qui me fera connaitre de tous.
Elle marqua une pause, cherchant une réaction dans le comportement de sa mère. Mais rien ne se vint troubler la quiétude du jardin.
_J’étais à la taverne de la Bagrutte hier… Oui je sais ce que tu penses, mais c’était pour trouver l’inspiration plus que la boisson. J’y ai rencontré ce jeune Eniripsa, il m’a dit qu’il s’appelait Rony ou Roby, je ne sais plus et ce n’est pas vraiment le plus important. Appelons le l’Eniripsa ça sera plus simple pour nous deux et pour notre histoire.
Mira marqua une nouvelle pause, elle savait que ce qu’elle avait à dire était important pour elle et pour la suite de sa vie mais elle devait choisir les mots justes pour ne pas choquer sa mère.
_Bien, dit-elle, allons-y.Mira ferma les yeux, tachant de se souvenir les paroles de l’Eniripsa afin de les transmettre du mieux qu’elle pouvait.
Le soleil cuisait dans ce désert. Non seulement il chauffait nos peaux, mais il brulait également nos yeux et nos cheveux. Il nous cuisait tellement qu’il semblait avoir choisi le camp de l’ennemi. Et quel ennemi ! Misère était là, je ne l’ai pas vu de mes propres yeux, car j’étais souvent en arrière pour soigner nos alliés blessés au combat. Je ne suis qu’un humble Eniripsa vous savez. Je me suis engagé dans la milice bontarienne après la mort de mon père qui y était officier. Je voulais honorer sa mémoire. Lui montrer qu’il pouvait être fier de moi. Et sincèrement, c’était une erreur. J’ai intégré le bataillon numéro 3, celui qui devait se rendre dans le désert de misère. Nos supérieurs étaient confiants. Ils pensaient que c’était l’affaire de deux ou trois jours maximums, avec quasiment aucune perte dans nos troupes. Sur le papier ils n’avaient pas forcément tort, les soldats de Misère semblaient tous très faibles, le désert les ayant rendus rachitiques, presque squelettiques. Certains semblaient si faibles qu’il aurait suffi de leur souffler dessus pour qu’ils s’effondrent.
Mira se stoppa dans son récit. Elle avait cru entendre un bruit étrange dans le jardin. Elle tendit l’oreille pour essayer de détecter la présence d’une autre personne. Mais rien ne vint plus troubler le silence du jardin. Les oiseaux avaient fui après qu’elle a prononcé le nom de Misère. Eux-mêmes savaient qu’elle était un fléau pour toutes formes de vie.
Mira attendit quelques instants dans le silence avant de reprendre.
Mais le problème était dans le lieu lui-même. Il semblait presque que Misère commandait au désert. Certains de mes camarades en étaient convaincus. Chaque offensive sur les troupes de Misère se terminait inexorablement de la même manière. Et quelle terrible manière… Nos soldats se perdaient. Ils avançaient en rang serrés jusqu’aux guerriers de Misère… Mais ne trouvaient jamais personne sur leur chemin. C’était comme si l’armée entière de Misère n’était qu’un mirage. Un immense mirage, constamment présent au loin. Nos officiers ne voulaient pas le croire et continuaient d’envoyer des troupes chaque jour, encore et encore inlassablement.
Mais le résultat était le même à chaque fois. La moitié revenait, meurtrie par un séjour prolongé au soleil… Quant à l’autre moitié… ils étaient perdus… Dans tout les sens que ce terme peut prendre. Parfois certains revenaient plus tard, quelques heures ou jours après les autres membres de leur troupe. Mais leur état mental était déplorable. Je le sais… c’était moi qui devais me charger d’eux…
Ils étaient psychotiques. En deux jours j’ai épuisé tous les calmants dont je disposais sur place. Et le désert rendait impossible toute cueillette. Les suivants furent attachés à leur lit afin qu’ils ne se tranchent pas les mains… Ils cherchaient à boire leur propre sang pour ne pas mourir de soif… La soif était un élément marquant de leur psychose. C’était comme s’ils avaient une soif insatiable, une soif au plus profond de l’esprit. Ce mal, c’était le désert qui l’avait créé. Les soldats revenus avaient tellement peur de ne plus jamais boire d’eau de leur vie, qu’ils cherchaient à en boire le plus possible.
Nous les avons attachés pour qu’ils ne se mutilent pas oui, mais la vérité c’est que nous avions peur. Peur qu’ils s’en prennent à d’autres ou aux réserves de boisson. Cela est arrivé à un autre campement ailleurs dans le désert. Décimé par les soldats perdus. Voilà ce que fait le désert, voilà ce que fait Misère aux douziens.
Mira senti qu’elle commençait à pleurer. Ses propres mots et le souvenir du visage marqué à vie de ce jeune Eniripsa lui faisait mal. Mais elle devait continuer. Elle savait que l’horreur du désert ferait de nombreuses victimes parmi les douziens si elle ne racontait pas ce qui s’était réellement passé. Car c’était aussi ça que lui avait transmis l’Eniripsa.
Ils ne veulent pas que l’on en parle. Ni nous ni la milice de Brakmar. La consigne est claire, les rescapés ne doivent pas raconter ce qui s’est passé. Personne ne doit savoir que des officiers supérieurs bontariens et brakmariens ont envoyé sans relâche des douziens au combat contre une armée inexistante. La population et les potentiels douziens qui voudraient participer à l’effort de guerre ne doivent pas savoir que le désert leur prendra tout. Leur vie ou dans le pire des cas, leur esprit.
A l’heure actuelle, personne ne sait comment atteindre Misère. J’ai entendu dire que les autres fronts étaient en meilleures formes. Cela veut dire que les prochaines nouvelles recrues seront envoyées dans le désert. Cela veut dire que d’autres Eniripsa devront faire face aux mêmes horreurs que celle que j’ai vues. Moi, je ne veux plus y retourner, de toute façon, je ne peux plus y retourner. Ils ne veulent plus de moi. Ils pensent qu’elle m’a eu, que le désert m’a cuit le cerveau. C’est ce qu’ils ont écrit sur le rapport stipulant mon renvoi. Je sais ce qui est vrai, ils ont peur que je raconte tout. Eh bien c’est fait. Voilà toute l’histoire. Si je meurs, ne soyez pas surpris, c’est que le désert m’a emporté.
Mira arrêta de parler. Les mots ne trouvaient plus le chemin de ses lèvres tellement son dégout était immense. Mais elle devait le dire. Quelqu’un devait être au courant de ce qu’il est arrivé ensuite
._ Il est mort, chuchota-t-elle à sa mère
Seul le vent répondit à son murmure. Le vent chaud de Bonta en cette période. Un vent que ne sentirait plus jamais l’Eniripsa. Voilà ce que pensait Mira et ce vent la rendit furieuse.
_Il est mort, répéta-t-elle plus fort, ils l’ont assassiné pour éviter qu’il ne raconte tout ! Je les ai vu ce matin ! Des Sram en tenue d’officiers Bontariens, ils sortaient de chez lui. Il est mort et ils diront que la folie du désert l’a emporté.
Mira se leva et se mit à faire les cent pas dans le jardin. Elle savait que la douceur de l’herbe sous ses pieds aller l’aider à reprendre ses esprits.
_Je dois transmettre cette histoire, je ne peux pas laisser les gens partir pour le désert sans savoir ce qu’ils vont devoir y affronter.
Mira se mordit la lèvre. Elle savait que son choix allait définir la suite de sa vie. Parler c’était se risquer à une mort imminente et douloureuse. Une fois sa chanson écrite. Une fois son passage dans la taverne bondée effectué. Elle devra fuir. Mais se taire revenait à devenir complice, elle savait que l’Eniripsa avait dit la vérité. Elle le savait car son visage, son visage si jeune, était trop marqué par le désert pour mentir. Le désert est une horreur où les soldats de Bonta et Brakmar vont continuer de se jeter sous les ordres d’officiers refusant de voir le danger. Elle avait sous sa responsabilité de bardesse de transmettre et de prévenir les douziens. Ceux qui entreront dans le désert de Misère le feront en connaissance du danger. Et elle savait que parmi ces douziens se trouveront les héros qui finiront par la vaincre.
Elle se rassit face à sa mère. Son visage était ferme et déterminé.
_Je vais le faire mère, je vais le faire pour le bien de Bonta, je vais le faire pour le bien du monde des Douze. Je vais le faire pour que les héros qui vaincront Misère et les autres Cavaliers ne le fassent pas en marchant sur une pile de cadavres causée par la volonté obscurci de généraux inconscients. Je vais le faire, et si je meurs…
Elle posa sa main sur le sol et fit fleurir une orchidée sur la tombe de sa mère.
_Si je meurs, je pourrai enfin te revoir…
Mira ferma les yeux et laissa couler une larme sur l’orchidée. Elle se leva, prit une grande inspiration et partit. Elle laissa le jardin silencieux derrière elle, sereine. Car son destin, ainsi que celui du monde des Douze, était devant.
Leur père ronfle déjà sur le divan. Et dire que c’est lui qui est censé les endormir... Mes pauvres petits loups. Je suis trop occupée en ce moment. Revenant tout juste d'un long voyage, j’ai énormément de choses à coucher sur papier, avant de les oublier. Et malgré la grande épopée que je viens de vivre, je n’arrive pas à trouver une belle histoire, ni comment la raconter.Je relis une dernière fois mes notes. Les mots sont durs, violents, fracassants. Comme ce que j’ai vu là-bas. Et je n’ai rien d’autre que ce nouveau récit que mes enfants n’aient pas encore entendu. Puis … Je me rappelle soudain, en regardant mes amours et leur père, qu’une belle histoire, simple, avait eu lieu sous mes yeux. Elle serait peut être celle que je choisirai de raconter.
M'asseyant sur le bord de leur lit, je redresse leurs oreillers, et abordant ce sourire que je pratique tous les matins devant le miroir, je tente de captiver ma jeune audience :
"Les enfants, laissez-moi vous raconter une belle histoire d'amour. Celle de Evan, le mystérieux soigneur au grand charme, et de Oro, sa jeune et débrouillarde assistante pleine de bonne volonté.”
Les enfants sont captivés, et me regardent déjà avec des étoiles dans les yeux, attendant une grande histoire et une belle aventure. Reprenant mon intonation exagérée, propre à une maman racontant une histoire à ses enfants, je continue mon récit :
“Evan était très intelligent, il travaillait au laboratoire de la ville depuis très longtemps. Et il y travaillait très dur, parce qu’il voulait toujours trouver les bonnes solutions aux problèmes qu’il rencontrait. Grand brun au yeux malicieux, cachés derrière de petites lunettes rondes, il avait fait chavirer plus d’un coeur, mais ne s’était jamais dévoué à autre chose que son travail. Il était très sérieux, comme Eniripsa.”
Je ponctue cette dernière phrase d’une petite moue en fronçant les sourcils et en agitant l’index, comme un professeur donnant une leçon de morale, ce qui fit rire mon petit public. Je souris en les voyant s’amuser à mimer des lunettes avec leurs mains, avant de reprendre :
“Oro quand à elle, était une infirmière volontaire du Dispenserre, qui souhaitait par dessus tout se rendre utile. Manquant un peu d’assurance, elle était timide, mais toujours bienveillante. Nos deux Eniripsas aimaient leur travail, aider et soigner les gens, mais secrètement, ils rêvaient tous les deux de découvrir une grande aventure. Et celle-ci finit par frapper à leur porte. Une grande menace pesait sur le monde, et les gens avaient besoin de l’aide de tous ceux qui pourraient l’apporter.”
Mes enfants me regardent avec un petit “hooooo !” de mystère, alors que j'agite les mains pour illustrer la fameuse menace.
“Le Chef des Mercenaires d’Astrub, Badufron, avait demandé à Evan d’accompagner une petite troupe de mercenaires Douziens pour combattre ce mal. Toujours prêt à aider et tenant son occasion de partir à l’aventure, le soigneur accepta sur le champ de mettre son savoir-faire au profit des autres. L’aventure serait périlleuse et en terre inconnue, mais il n’avait pas peur, et décida de se préparer correctement avant de partir. C’est ici qu’il a rencontré Oro, notre deuxième héroïne.
“C’est important de bien se préparer, il a raison !”
“Oui mon chéri, il a bien raison. Il s’est rendu au Dispenserre pour rassembler les plantes dont il aurait besoin pour soigner les gens, et tomba sur la jeune Eniripsa volontaire et timide qui s’occupait de les arroser. Elle connaissait déjà le jeune homme, véritable célébrité auprès des demoiselles astrubiennes. Elle aussi, elle le trouvait mignon. Surprise de voir quelqu’un d’autre au milieu des plantes, elle lui demanda la raison de sa venue.”
Je prends une voix masculine, un peu ridicule, pour imiter mon personnage.
“Le soigneur répondit d’une voix calme en ajustant ses lunettes : “Je suis le docteur Gellys, mais vous pouvez m’appeler Evan. Je viens chercher des plantes pour mes potions de soin car on m’a demandé d’accompagner des mercenaires dans une aventure.” Une aventure… La jeune femme en rêvait. Et hors de question de laisser quelqu’un partir avec des plantes qu’il ne traiterait pas comme il faut. Ni une ni deux, pleine d’entrain et d’envie d’aider, elle prit sa sacoche et ses plantes, et partit à l’aventure avec lui.”- Y se passe rien là, c’est quand même pas ça que t’écris depuis le début de la semaine ! On veut de l’action, des trucs qui bougent, et qui explosent, avec des grands héros comme tu racontes d’habitude !”
L’aîné, mon petit Iop, commence à s’impatienter. Mais il ne va pas être déçu. Oh, vous allez voir mes amours, eux aussi sont de grands héros.“
L’aventure dans laquelle nos deux soigneurs s’étaient engagés n’était pas sans risque : il fallait combattre quatre cavaliers ravageurs qui menaçaient l’équilibre du monde. Guerre, Servitude, Corruption, et Misère. Beaucoup de groupes d’aventuriers et de mercenaires s’étaient formés pour s’opposer à ce danger. Et nos deux héros firent partie de ceux qui iraient affronter Corruption, celui qui infectait tous ceux qu’il touchait, pour les transformer en vilains monstres dégoûtants.”
Je me mets à refaire des grimaces et des bruits bizarres, imitant lesdits monstres, essayant de faire rire mes enfants pour dédramatiser un peu la dure vérité. Je regarde mon plus grand avec un sourire malicieux.
"Pour aller dire bonjour avec les poings à cette saleté de Corruption, il fallait prendre un zaap secret, qui menait à ce lieu très calme, entouré d’eau. Le Sanctuaire du Dernier Espoir. Certaines troupes, notamment des soigneurs, étaient restés là, constituant une sorte d’avant-poste. Autant te dire, mon chéri, que ceux-là n’étaient pas aussi courageux que des Iops !”
Et mon fils se moque. Je le rejoins dans ses rires.
“Evan y était resté, il y avait installé son petit atelier, avait pris les plantes d’Oro, et s’était tout de suite mis à fabriquer le plus de potions de soin possible, en prévision des futurs combats. Oro, elle, ne s’est pas arrêtée là. Accompagnée des troupes, elle a traversé un autre portail mystérieux, qui conduisait enfin chez Corruption. C’était une vilaine forêt, ça sentait mauvais, et les plantes étaient toutes moches et pleines d’épines. D’ailleurs, ça faisait beaucoup de mal à Oro de voir des végétaux en si piteux état. Toute sensible qu’elle était, elle s’est mise à pleurer, et voulut faire demi tour pour repartir. Lorsqu’elle est rentrée au campement, elle fondit en larmes dans les bras d’Evan, qui lui donna son écharpe pour la réconforter. Armée de courage et de son nouveau porte-bonheur, la jeune femme était repartis de plus belle pour aider les autres. Nos deux Eniripsas se soutenaient mutuellement pour se donner la force d’avancer face au danger”
Ma fille semble adorer mes deux petits personnages, et elle n’a qu’une envie, c’est qu’ils tombent amoureux. Mon fils, lui, a juste envie que quelqu’un tape quelque chose, ou quelqu’un d’autre. Je reprends mon intonation mystérieuse.“
Le méchant Corruption habitait à l’autre bout de la forêt. Alors, il a fallu tout traverser, et combattre plein de vilains monstres en forme de champignons visqueux. Ils étaient super forts ces trucs moches, et les soldats avaient du mal à en venir à bout… Même les Iops ! Et c’est là qu’Oro et Evan se rendaient utiles. Oro soignait les blessures, qu’elles soient très graves ou superficielles, appliquait des bandages, et administrait quelques doses de potion qu’elle avait pu emporter. Quand elle n’en avait plus, elle retournait en chercher auprès d’Evan qui continuait d’en fabriquer et de soigner ceux qui rentrait se réfugier au camp. Et puis, au bout de quelques jours d’exploration et d’entraînement sur le terrain, on donna finalement l’assaut. C’était décidé : Corruption le vilain champignon allait mordre la poussière. Et là, mon chéri, tous les Iops étaient en première ligne. C’était un grand combat, une baston comme on en vois pas souvent, pif, paf, des grandes baffes et des coups de pieds, tout le monde était décidé à vaincre le méchant chevalier”
Mon fils agitait les bras dans le vide comme si il voulait participer à la bagarre que je lui racontais. Ils étaient suspendus à mes lèvres. On arrivait à la fin du récit
“Mais Corruption portait bien son nom. Lorsqu’il fut vaincu, il explosa en un grand nuage de fumée noire ! Pouf ! Tous les guerriers qui avaient affronté le monstre toussaient, et lorsqu'ils rentrèrent au camp, ils étaient très très très malades.
- Mais Evan et Oro vont les soigner pas vrai maman ?”
- Oui, mon chéri… Evan et Oro ont soigné tout le monde, chaque malade avait droit à sa potion. Il y en avait beaucoup et ça représentait énormément de travail. Mais ils s’en fichaient. Ils ont travaillé jour et nuit pour sauver tous les courageux Douziens qui ont affronté le méchant Cavalier, sans s’arrêter un instant. Ils se soutenaient l’un l’autre et se donnaient la force de continuer, comme s’ils se complétaient. Ils s’aimaient, sans avoir besoin de se le dire ou de l’avouer, et cet amour leur donnait des ailes pour continuer. Mais… lorsque le dernier malade fut sauvé, et que la nuit tomba, Oro et Evan s’endormirent paisiblement, et ne se réveillèrent plus jamais. Ils n’avaient peut être pas combattu le méchant, épée au poing… Mais ce sont des héros, car ils ont sauvé bien des vies sans attendre rien en retour. Ils n’ont pas hésité, et n’ont pas reculé dans le moment où on avait besoin d’eux.”
Je vois une expression d’étonnement mêlée à un peu de tristesse pour les héros sur le visage de mes enfant. Souriant, je leur caresse la joue, et termine mon histoire :
“Lorsque les Douziens sont rentrés de la dimension secrète, beaucoup sont allés prier au temple Eniripsa, pour remercier la Fée des Miracles des actions d’Oro et de Evan. Au pieds de la statue, deux petites fleurs blanches ont poussé, dans un rayon de lumière, s’enroulant et s'entremêlent l’une à l’autre. Ce sont les fleures des deux soigneurs amoureux au grand coeur.”
Je leur pose un baiser sur le front, et éteint les lumières Une fois mes petits loups endormis, je me remets face à mon carnet. Assise là, je regarde dans le vide. J’ai transformé une apocalypse potentielle en conte pour enfants. En réalité, le zaap caché nous faisait voyager dans le temps, et le Sanctuaire du Dernier Espoir était une vision du possible futur de la ville d’Astrub où nous vivons : submergée, vide, calme, morte.
Ce que j’ai vu là-bas, ça me hante toujours. Tout y était si sombre, une odeur putride régnait dans cette forêt… corrompue, il n’y a pas d’autre mot. Plusieurs soldats se sont mis à vomir en y pénétrant. L’odeur me brûlait la gorge, et impossible de l’effacer de ma mémoire. Nous respirions la mort.
Oro et Evan ont bel et bien combattu aux côtés des soldats, l’un en alchimiste, l’autre en médecin. Il étaient tombés amoureux pendant l’expédition. Les blessés étaient horriblement nombreux, à tel point qu’Oro finit par mourir d’épuisement, tant elle s’était appliquée à soigner tout le monde. Un médecin en moins, il fallu donc préparer des doses supplémentaires de potions pour pallier aux soins manquant. C’est ainsi qu’Evan s’éteint à son tour, d’épuisement lui aussi, effondré contre son alambic, la dernière plante qui lui restait d’Oro à la main.
Ayant assisté à la mort de ces deux héros, jamais je n’aurais pu expliquer cela à mes enfants, et en même temps, je n’aurais pas pu tout garder pour moi. Mais, mine de rien, je me suis aussi prouvée qu’en tant que bardesse, je pouvais adapter mon style en fonction de mon public… Il faut parfois modifier quelques détails pour captiver. Et puis, ce conte pour enfant n’était pas si mal, au final. Les légendes naissent de ces petits espoirs dans les grandes histoires.
(Merci beaucoup d'avoir lu, j'espère que le fait que j'aie posté mon texte à 23h57 et des patates n'est pas disqualifiant, je ne savais pas si le 29 était inclus, encore désolée ! >~<")
La Fédération Bardique écouta avec attention chacun des poèmes que la bardesse récita ; chacun en digne hommage aux braves héros qui combattirent sur le champ de bataille durant la guerre contre les quatre cavaliers de l’Eliocalypse. Ce qu’on put dire avec certitude, c’est que toutes les histoires qui furent contées par la jeune femme étaient uniques en leur genre et formaient ensemble une fabuleuse épopée.
Ce qui étonna le plus les membres du jury, c’est que chaque récit offrait, à ceux qui prenaient la peine de lire ou d’écouter, un point de vue spécifique sur cette fameuse bataille. Les textes étaient si différents les uns des autres que certains eurent même l’impression que la bardesse avait eu plusieurs identités, tant sa vie avait été riche en scènes épiques.
Parmi ces innombrables écrits divins, les curieux purent ainsi apprendre ce qu’il était advenu des derniers survivants de l’expédition Douzienne, dont le courage et la détermination servirent d’exemple aux troupes les plus désespérées.
On entendit parler des valeureux Vlamont et Roby, dont les prouesses dans le terrible désert de Misère sont encore chantées par de nombreux bardes aujourd’hui. Ils ne furent d’ailleurs pas les seuls à marquer cette guerre, car la coupe dorée du Graaliocalypse que la bardesse brandit fièrement rappela à tous à quel point la troupe de Cara Lroft, Nalta et Vivlan Guil contribua à augmenter les chances de victoire contre l’ennemi.
Libérer les opprimés ne fut cependant pas une tâche facile, comme put le témoigner le texte relatant le calvaire enduré par les victimes de la mode errant dans la Galère de Servitude. Dans un autre récit remémorant les souvenirs sanglants d’une autre troupe, les plus fins experts en poésie reconnurent de magnifiques constructions en vers kamétriques, caractérisés par leurs syllabes longues et courtes ainsi que par leurs pieds.
Enfin, le dernier poème prouva que les soldats n’étaient pas les seuls à œuvrer pour le bien commun : l’histoire touchante des deux médecins amoureux, Evan et Oro, en fut un exemple frappant.
La prose de la bardesse eut un tel succès qu’un des membres du jury s’exprima même publiquement pour féliciter la jeune femme :
« Et dire qu'on croyait la poésie amaknéenne mourante… Quel talent, j'ai pleuré plusieurs fois devant une telle maîtrise de la narration ! Surtout, ne changez rien ! ».
De tous ces récits mémorables qu’elle avait contés et qui deviendraient sans aucun doute des références centrales pour les générations à venir, trois retinrent particulièrement l’attention des membres de la Fédération Bardique.
Ceux-ci chantèrent d’abord les louanges du texte relatant la quête du Graaliocalypse. Il montrait à tous que la troupe valeureuse de Cara Lroft, grâce au pouvoir de l’amitié, avait pu surmonter tous les dangers de la terrible grotte ensanglantée où était cachée la coupe dorée.
Ensuite, d’autres membres de la Fédération Bardique mirent en valeur l’histoire romantique d’Evan et Oro, qui fit fondre le cœur des jurés. Ces deux braves médecins avaient en effet prouvé que l’amour permettait à toutes les âmes pures de se surpasser, même dans les moments les plus critiques.
Enfin, certains furent illuminés par l’aventure phénoménale du jeune Roby, qui, malgré les rudes conditions climatiques de son périple dans le désert de Misère, put s’en sortir grâce à la bienveillance de ses camarades… même s’il finit tragiquement assassiné pour avoir osé critiquer ses supérieurs.
Ainsi, pour récompenser la bardesse de son incroyable talent, le président de la Fédération Bardique lui fit signe de s’avancer, puis lui remit trois anneaux. Ceux-ci symbolisaient les grandes valeurs qui s’étaient dégagées des trois textes choisis : l’amitié, l’amour et la bienveillance.
A la fois fière et émue par tant d’éloges sur ses poèmes qui frisaient la perfection, la bardesse enfila les trois bijoux à ses doigts de fée et remercia chaleureusement chacun des membres du jury d’avoir su reconnaître son talent indéniable. Elle salua humblement ceux-ci avant de rentrer chez elle, où elle allait sans plus attendre rédiger de nouveaux chefs-d’œuvre.
Quelques jours plus tard, un article parut dans de nombreux journaux du village d’Amakna au sujet de la bardesse et de ses merveilleuses histoires. Il fut alors décidé que tous les récits qui avaient été récités par la jeune femme devant la Fédération Bardique seraient désormais enseignés dans les plus prestigieuses écoles amaknéennes pour apprendre aux jeunes Douziens à écrire.